La politique marque son retour
FACE AUX INEGALITES ET INJUSTICES SOCIALES, TENSIONS INTERNATIONALES…

Notre époque serait caractérisée par les inégalités et les injustices sociales, la recrudescence des tensions internationales, la profusion des sources de révoltes…Et la politique est donc présentée comme le remède à ces maux. C’est le constat fait par les participants au 4ème colloque international de Dakar organisé par le parti de l’indépendance et du travail (Pit) et les fondations Gabriel Péri et Rose Luxembourg sur «Le retour de la question politique : crise de la représentation et luttes démocratiques en Afrique » Les travaux se poursuivent jusqu’au vendredi 24 mai prochain.
Le parti de l’indépendance et du travail Pit, la fondation Gabriel Péri et la fondation Rose Luxembourg ont tenu hier, dans un hôtel de la place, le 4ème colloque international de Dakar. Cette rencontre qui tourne autour du thème «Le retour de la question politique : crise de la représentation et luttes démocratiques en Afrique» a réuni plus d’une centaine de participants de nationalités différentes dont des universitaires, des intellectuels, des responsables de partis politiques, des membres de la société civil
Dans son mot de bienvenue, Maquette Thiam, secrétaire général du Pit, a soutenu que ce colloque constitue une occasion pour réfléchir sur les interpellations de notre époque. «Une époque dont les caractéristiques dominantes sont le renforcement des inégalités, l’accroissement des injustices, la relance des tensions internationales, la profusion des sources de révoltes à la fois légitimes et populaires face à l’espoir trahi d’un changement véritable capable de mettre fin au diktat des marchés».
Il poursuit que «Celui-ci se traduit, entre autres, par une dégradation des conditions de vie du grand nombre, avec un chômage, aggravé dans des pays développés dont 2/3 de demandeurs d’emplois ont par exemple un âge compris entre 25 et 45 ans et 4 chômeurs sur 10 non indemnisés, dans le même temps où une forte proportion des couches moyennes de pays en développement pouvant faire espérer de disposer d’un moteur pour la croissance, travaille dans l’informel.
Tout cela engendre de nouveaux besoins d’une société alternative à la libération à outrance et aux politiques d’austérité, la revendication d’urgences pour vire autrement, le refus, de la généralisation du «précariat». Et de conclure : «Nous n’avons pas tort de croire de considérer qu’il y a dans notre monde, victime de la crise systémique du Capitalisme, de nouveaux besoins ayant conduit au «retour de la question politique ». Cela est d’autant plus compréhensible qu’il a fallu l’Etat pour sauver les grandes entreprises largement responsables de la crise des «subprimes».
Pour sa part, Daniel Cirera, secrétaire du conseil scientifique de la Fondation Gabriel Péri défend, dans sa communication «Quelle lecture de la crise globale de la démocratie représentative» l’idée selon laquelle «La crise de la politique ne serait pas le résultat d’un rejet de la politique. Au contraire elle exprimerait la contradiction entre un besoin renouvelé et grandissant de politique mais , en décalage de plus en plus violent avec des offres de moins en moins en prise avec les réalités sociales et le vécu des femmes et des hommes réels».Et d’ajouter ; «la coupure entre gouvernants et gouvernés, avec le sentiment d’un système qui s’auto-génère, alimenté par des affaires de corruption, le sentiment de ne pas être entendu, de ne pas avoir prise sur les décisions, ont tendance à s’aggraver. C’est la démocratie elle-même ce qu’elle représente comme idéal et comme réalité qui est questionnée. Le système électoral y compris avec le suffrage universel n’apparait plus comme le summum de l’égalité démocratique».
Quant au professeur Samba Sy, porte-parole du Pit, qui a centré son intervention sur la question suivante : «l’Afrique vit-elle une crise de la politique ? Comment la caractériser ? Quelles analyses en font les forces de gauche démocratiques et progressistes ? », il tire cette conclusion à la fin de son analyse : «l’existence d’une crise de la politique en Afrique » peut s’avérer salutaire. Mais à condition qu’elle soit reconnue pour ce qu’elle est, c'est-à-dire perçue comme une invitation, un appel». Et de poursuivre : «La tâche, notre tache c’est bien de nous convaincre et de convaincre autour de nous qu’avant comme maintenant «l’humanité ne s’est posée que les problèmes qu’elle peut résoudre ».
De son côté, Isabell Lorey, sociologue a centré sa réflexion sur les mouvements sociaux de 2011 avec cette volonté des populations de changer l’ordre des choses, en prenant en main leur propre destin. Pour elle, ces populations avaient le sentiment d’être larguées par les politiques et c’est ainsi qu’elles ont créé une nouvelle forme de solidarité.
A la suite de ces présentations, le débat s’est installé. Le Pr Abdoulaye Elimane Kane, membre du Bureau politique du parti socialiste (Ps) qui a représenté Ousmane Tanor Dieng, son secrétaire général, en déplacement en Allemagne, a questionné l’intitulé du colloque : «Le retour de la question politique : crise de la représentation et luttes démocratiques en Afrique». Pour lui, ce sujet peut s’entendre de deux manières : comme le retour du refoulé au profit d’un modèle économique ; le retour du refoulé, comme un échec des différents régimes politiques. Mais ce refoulé, dit-il, s’est entêté en se disant qu’il a toujours sa place dans la société.
Le socialiste a fait le constat selon lequel le modèle d’une démocratie représentative envisagée sous l’angle d’un idéal égalitaire, s’est essoufflé en Occident et ajoute que modèle n’a pas existé en Afrique. Il en veut pour preuve, l’assujettissement de l’Assemblée nationale au pouvoir Exécutif. Le Pr Abdoulaye Elimine Kane a préconisé le modèle d’une démocratie participative avec une majorité présidentielle élargie aux forces progressistes, à l’opposée du modèle majorité/minorité.
Se prononçant sur la crise politique en Afrique, Alioune Tine, coordonnateur de la Rencontre Africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) indique que « la guerre au Mali est certes la manifestation d’une crise de l’Afrique occidentale, mais qui rappelle, à bien des égards, les symptômes des crises qui existent dans les pays occidentaux».
Précisons que les travaux de ce 4ème colloque international se poursuivent jusqu’au vendredi 24 mai.