LA PUISSANCE DE L’"ÉLÉPHANT"
On vous parlait d’un «paradis possible», dans la chronique de vendredi. Celui où l’on attend les équipes africaines dans ce Mondial et dont le chemin passe par l’audace assumée, avec des certitudes et des convictions dans le jeu bien assises. On ne gagne pas un grand match quand on est agité par le doute, qu’on porte déficit de confiance en bandoulière, en plus d’avoir mental encombré par les petits calculs d’épicier.
Ce fut un bonheur de voir, samedi, la Côte d’Ivoire être loin de tout cela et afficher sa volonté d’aboutir à un standing si élevé que les chevaliers de l’Empire du Soleil levant n’ont pu faire que baisser pavillon.
Il y a assez de talents chez les équipes africaines pour repousser l’horizon des conquêtes au-delà des quarts de finale. Les Ivoiriens sont loin d’y être, mais personne ne peut rire d’une telle prétention de leur part. Ce qu’ils ont réussi contre le Japon n’est pas d’une perfection absolue, on y trouve cependant assez pour nourrir des ambitions légitimes.
Devant un football bâti sur la vivacité, la vélocité, le jeu direct et un niveau technique appréciable, les «Eléphants» ont porté la réplique sur le même registre, avec l’impact physique en plus. Les équipes africaines ont commencé à se faire respecter au niveau de l’élite internationale, il est temps qu’elles imposent une personnalité qui va au-delà des talents individuels.
Une équipe de football est d’abord ce qu’elle est avant de se préoccuper du poids de l’adversité. C’est en relevant le défi qu’on cherche les palliatifs à ses propres faiblesses. Non pas dans le reniement de soi ou le copier-coller sur l’autre, mais dans le maintien de ses convictions de jeu tout en s’adaptant aux contextes que crée l’évolution du match.
Lourds au milieu, fébriles dans les combinaisons, les «Eléphants» ont souffert en début de match. Mais leur force est de ne pas s’être désunis, d’avoir continué à développer leur jeu avec la même constance et montrant une cohérence que les fautes de jeu et les imperfections notées ici où là n’altéraient pas trop. Cela donnait l’impression d’un métier à tisser maîtrisé, un collectif assis sur des repères solides et une capacité à dérouler des projets de déséquilibre bien assimilés.
L’impact offensif que les Ivoiriens ont dégagé devant les Japonais les met dans le tempo d’un Mondial dont les débuts diffèrent beaucoup des entrées en matière timides auxquelles on a souvent assisté. Jadis, les différences de niveau étaient telles, entre les deux premiers et les deux derniers chapeaux, que les favoris de chaque groupe pouvaient doser leurs efforts pour assurer l’essentiel au premier tour et gérer leur montée en puissance à l’aune des difficultés à venir.
Ce Mondial se dessine comme un marathon de sept matches en un mois qu’il faut engager à l’allure d’un 800 m. Une course dans laquelle personne ne vient plus pour servir de lièvre, ramasser un 7-0 et sortir au premier virage avec la satisfaction d’avoir été là. Il faut trouver la bonne vitesse dès le départ, garder l’allure qui permet de rester dans le bon peloton et profiter de la moindre opportunité qui offre la bonne échappée.
Les Ivoiriens ont en main tous les paramètres de maîtrise de la suite de la compétition. C’est un atout qui devrait les porter à ne pas se renier. Le prochain match ne sera pas le même (le contexte sera différent, l’adversaire aussi), mais l’enjeu ne change pas. Il ne faudrait pas qu’ils mettent leur identité de jeu en péril. On a vu ce qui les rend fort et cette puissance peut les mener loin.