LA RACINE DU MAL
LENTEURS DANS LES PROCÉDURES JUDICIAIRES
Selon une étude d’octobre 2014, le sous-effectif dans le secteur explique les lenteurs dans les procédures judiciaires au Sénégal. Le Syndicat des travailleurs de la justice évoque ledit rapport pour sensibiliser le gouvernement sur les dures conditions de travail de ses membres.
Le moment n’a sûrement pas été choisi au hasard. Le Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust) a profité de la rentrée solennelle des cours et tribunaux, ce jeudi 22 janvier, pour crier ses maux. Sans doute une façon de donner plus d’échos à leurs revendications, au moment où le président de la République, chef supérieur de la magistrature, focalise son attention sur le secteur stratégique de la justice.
Dans un communiqué parvenu à SenePlus, les travailleurs de la justice sensibilisent sur leurs difficiles conditions de travail. Levant, en filigrane, le voile sur la cause principale des lenteurs dans le déroulement des procédures judiciaires : le sous-effectif. C’est la conclusion du rapport d’octobre 2014 d’une équipe d’experts de B&S Europe. "La durée moyenne d’une procédure pénale au Sénégal est de 17 à 21 mois, 7 mois concernant l’attente de la première audience (soit près de 30% de la durée totale de la procédure)… L’insuffisance du personnel et la surcharge du travail ont été évoquées comme cause principale de ces retards qui freinent la procédure", révèle le rapport cité par le Sytjust.
Un coup d’œil sur les chiffres permet de saisir l’ampleur du problème. "Effectivement avec la dernière promotion du Centre de Formation Judicaire, le Sénégal ne compte que sur 308 greffiers et 514 magistrats pour assurer l’offre de Justice et cela en dehors des standards internationaux qui fixent le ratio de deux (02) Greffiers pour un (01) magistrat, révèle le Sytjust. De manière globale, les travailleurs de la Justice sont réduits au nombre de 928 agents à côté des magistrats pour assurer le service public sur l’ensemble du territoire national."
Ce faible ratio n’est pas près d’être amélioré puisque, pour fuir "les conditions difficiles de travail dans les juridictions, l’absence d’une bonne perspective de carrière ainsi que la pauvreté", les travailleurs de la justice migrent vers d’autres secteurs.
"Le service public de la justice est l’objet d’une grande désertion de ses agents, note leur syndicat. En effet, il a été constaté qu’en moins d’une décennie beaucoup de travailleurs de la justice ont migré vers d’autres secteurs d’activités professionnelles tant publiques que privées. À ce titre, on a pu relever qu’en moins de dix (10) ans, plus de trente (30) greffiers ont démissionné de leurs fonctions pour se reconvertir ailleurs, sans compter le nombre impressionnant de secrétaires, de commis et d’agents d’administration qui quittent le ministère de la Justice par affectation à d’autres secteurs de l’administration."
Conséquence : "Une insuffisance de ressources humaines à même d’assurer une offre de service public de qualité aux usagers et aux justiciables", martèle le Sytjust. Qui ajoute : "Cette situation va inexorablement s’aggraver avec la création de nouvelles juridictions du fait de la mise en œuvre de la nouvelle carte judiciaire qui nécessitera un redéploiement du personnel qui est déjà insuffisant. De ce fait, le service public de la justice est devenu un terreau propice à des déviances libérées par cette précarité qui frise la paupérisation."
Se considérant comme "les oubliés du secteur", les travailleurs de la justice regrettent l’adoption des réformes judiciaires "sans qu’il soit jugé nécessaire d’initier des reformes allant dans le sens d’améliorer (leurs) conditions de travail et d’existence". Pis, soulignent-ils, "les rentrées des cours et tribunaux ont toujours été des tribunes solennelles pour exposer devant le président de la République les multiples difficultés inhérentes à la bonne marche de la justice, et pourtant le sort de ses travailleurs n’y a jamais" été évoqué.
Le Sytjust invite le gouvernement à accorder "une attention particulière" au sort de ses membres "qui, avec responsabilité sensibilisent les autorités à différents niveaux pour éviter une nouvelle ébullition du front social qui serait dommageable pour le Sénégal qui aspire à l’émergence".