LA RADDHO DÉNONCE "LA DÉTENTION ARBITRAIRE" DE CERTAINS ACCUSES
BIENS PRÉSUMÉS MAL ACQUIS
Dakar, 30 déc (APS) – La Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO) a dénoncé mardi les "rejets systématiques de demandes de liberté provisoire" et "la détention arbitraire" de personnes mises en cause dans "la traque des biens supposés mal acquis" au Sénégal.
Cette organisation, dont le siège est à Dakar, a pris cette position après que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) du Sénégal a refusé lundi d’accorder la liberté provisoire à l’ancien ministre Karim Wade. La CREI a invoqué des "risque de troubles à l'ordre public" et de "subornation de témoins".
La RADDHO a évoqué le cas de M. Wade dans un communiqué parvenu mardi à l’APS. "Avant cette décision, ajoute-telle, le tribunal régional [de Dakar] avait aussi rejeté les demandes de liberté provisoire de Madame Aïda Ndiongue et Monsieur Abdoul Aziz Diop".
Ces deux personnes sont, elles aussi, poursuivies dans le cadre de "la traque des biens supposés mal acquis".
"Ces rejets systématiques de demandes de liberté provisoire formulées par les prévenus tantôt cités ne sont justifiées ni en droit, ni sur le plan de l’opportunité", soutient la RADDHO.
Elle estime que "la détention avant le jugement revêt un caractère exceptionnel et ne peut être justifiée que par la nécessité de prévenir le trouble à l’ordre public, d’éviter la disparition des preuves ou la fuite de l’accusé".
La détention préventive a l’avantage d’"empêcher la subornation des témoins ou de protéger la personne poursuivie contre la vengeance de ceux qui ont souffert de l’infraction", rappelle la RADDHO.
Karim Wade et cinq de ses coaccusés sont en détention préventive depuis 20 mois, pour plusieurs délits présumés, dont celui d’enrichissement illicite. Mis en cause pour 117 milliards de francs CFA, ils risquent jusqu’à 10 ans de prison.
Toute personne poursuivie par la justice "doit être jugée dans un délai raisonnable, c’est-à-dire sans un retard excessif", rappelle la RADDHO.
"Or, signale-t-elle, il se trouve qu’aux termes des articles 10 et 14 de la loi portant création de la CREI, la durée de l’instruction préparatoire ne peut excéder six mois à compter de la saisine de la Commission d’instruction [de la CREI] et celle de l’arrêt de la [même] Cour, qui doit intervenir dans un délai maximal de deux mois, à partir de la délivrance des citations ou avertissements par le procureur spécial."
"Dans l’affaire Karim Wade et ses coaccusés, il est incontestable que les délais raisonnables d’instruction et de jugement ont été largement dépassés", déclare la RADDHO. "Il en résulte que le principe du jugement dans un délai raisonnable ne peut plus être respecté", fait-elle remarquer dans le communiqué signé de son secrétaire général, Aboubacry Mbodj.
"Toutes les personnes accusées devant une même cour ou un même tribunal doivent être traitées de manière égale et jouir des mêmes avantages. Cette égalité n’est manifestement pas de mise" en ce qui concerne "la traque des biens supposés mal acquis", soutient la RADDHO.
L'ONG explique "pour certains prévenus, il a été considéré que la remise en liberté provisoire n’est susceptible d’entrainer ni des troubles à l’ordre public, ni une subornation de témoins, voire un risque de fuite".
Et "pour d’autres" personnes mises en cause, "tous ces risques sont considérés comme plausibles", selon Aboubacry Mbodj et ses collègues.
"A la lumière de la violation de tous les principes rappelés plus haut, la RADDHO considère que les personnes détenues dans ce cadre, notamment Karim Wade, Mamadou Pouye, Aïda Ndiongue et Abdoul Aziz Diop, sont en situation de détention arbitraire".
Sur cette base, l'organisation de défense des libertés "lance un appel pressant au Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO), pour qu’ils exigent de l’Etat du Sénégal [le] strict respect de ses engagements vis-à-vis des instruments juridiques régionaux et internationaux qu’ils a signés et ratifiés".