LA RECULADE DE KHALIFA SALL
ULTIMATUM AUX MARCHANTS AMBULANTS
«Il n’a jamais été question de recasement provisoire dans nos discussions avec la ville de Dakar. Khalifa Sall nous a habitués à des deadlines qu’il ne respecte pas. Il avait avancé le 15 avril pour nous reloger dans les sites provisoires et il est revenu sur sa décision. Cette fois également il va revenir sur son ultimatum du 30 avril, parce que nous ne bougerons pas d’ici tant que les sites de recasement définitifs ne seront pas prêts». Ainsi s’exprimaient les responsables de la Synergie des marchands ambulants (SYMAD), la semaine dernière. Les faits semblent leur donner raison.
La ville de Dakar a, à nouveau, «reculé» dans sa décision de recaser provisoirement les marchants ambulants dans des sites prévus à cet effet, dès le 30 avril, date buttoir. La médiation du Forum civil serait passée par là, au-delà de la détermination de ces derniers (ils se considèrent comme un «volcan en sommeil») à en découdre avec quiconque toucherait à leurs tables.
Interpelé par certains médias, le deuxième adjoint au maire de Dakar justifiait cette reculade par le fait que les propos de l’édile de la ville ont été « mal interprétés ». Or, Khalifa Sall disait le 18 avril dernier lors d’une rencontre avec les services de l’Etat: «Aujourd’hui, nous avons besoin de recouvrer la voie publique. De ce point de vue, nous sommes obligés de les faire partir (…). Ils vont quitter d’ici le 30 avril».
Conséquence, ces vendeurs à la sauvette peuvent continuer à enfreindre la loi en occupant illégalement espaces et voies publiques, en attendant l’achèvement, «dans six mois», des travaux de construction des centres commerciaux qui devraient les accueillir pour de bon. N’en déplaisent aux populations de Dakar-Plateau qui n’ont plus de cadre de vie, aux usagers de la route qui doivent toujours faire avec les embouteillages monstres au centre ville (selon la Banque mondiale, les embouteillages coûtent environ 101 milliard à l’Etat), aux tenanciers de commerces, sociétés et autres entreprises formelles dont la visibilité est affectée, bref aux millions de Sénégalais qui souffrent de l’image «d’une capitale qui étouffe» que renvoie Dakar…
La main des politiques, un obstacle
Un habitant de Dakar-Plateau, intervenant dans une émission interactive sur la Rfm reconnaissait que «tant qu’il y aura la main des politiques, le problème des marchants ambulants ne connaitra pas de solution». Il ne croyait pas si bien dire. C’est ça la triste réalité. Et sur ce point, Khalifa Sall, dès l’entame de son mandat, avait rassuré plus d’un en lançant à haute et intelligible voix qu’il ne cherchait pas un second mandat, mais qu’il était là pour travailler. Donc sa priorité c’est: «les priorités des populations» dont le désengorgement de Dakar.
Cependant cet élan avait été brisé par l’ancien pouvoir en place. Une première tentative de les déloger de la voie publique le 21 novembre 2007 avait échoué, parce que l’autorité d’alors, en l’occurrence l’ancien président Me Abdoulaye Wade, avait battu en retraite. Il s’en est suivi une récupération politique de ce groupe par le chef de l’Etat qui les avait reçus au palais de République. Depuis, cette catégorie de Sénégalais, que Wade, pour des raisons électoralistes, avait aidé à s'organiser, est aux anges et continue, aujourd'hui de prendre la mairie de Khalifa Sall, ainsi que le gouvernement de Macky Sall en otage par d’insupportables surenchères.
Pourtant, tous semblent s’accorder, y compris les marchants ambulants eux-mêmes, que Dakar doit respirer. Pour cela, la capitale sénégalaise a besoin d’être débarrassée de tout ce qui encombre et étouffe les espaces et voies publiques. Et ces tabliers et autres marchants à la sauvette sont de ceux-là, parce qu’occupant de façon illégale les trottoirs des grandes artères, et des rues, les devantures des commerces, sociétés et autres entreprises.
Donc, les menaces et arguties du genre «Nous sommes des soutiens de famille, des Sénégalais comme tous les autres, nous voulons gagner notre vie à la sueur de notre front…», ne doivent entamer en rien la détermination de la ville de Dakar à redonner à la capitale de tous les Sénégalais son lustre d’antan. D’autan que ces marchands dits ambulants, ne sont en vérité que des tabliers - eux-mêmes avaient sorti un slogan révélateur «Touche pas à ma table». Ce qui fait qu’on ne peut se prévaloir de ce prétexte ci-haut pour faire ce que l'on veut ? La vérité est que ces gens ne veulent pas quitter Sandaga, avenue Ponty, Lamine Guèye et autres espaces avec lesquels «ils entretiennent une relation mercantilo-névrotique!», comme le soulignaient nos confrères du journal «Le Quotidien».
Leçon non sue
Pour rappel, cet «électorat» savamment entretenu n’avait pas empêché les libéraux de perdre la ville de Dakar qui est tombée dans l’escarcelle de la coalition des partis de l’opposition (Bennoo Siggil Senegal) en juillet 2009 qui a porté le socialiste Khalifa Ababacar à la tête du conseil municipal. Dès lors, la nouvelle approche c’est, non plus déguerpir, mais recaser les marchants ambulants au niveau de sites identifiés. Même si la municipalité et l’Etat se sont accordés sur ce principe, des crocs-en-jambes du gouvernement ont retardé toute initiative de la ville de Dakar allant dans ce sens.
Pis, des groupes de marchants ambulants ont été montés contre l’édile de la ville. Ces derniers finiront par se constituer en mouvement de soutien pour la réélection du candidat Abdoulaye Wade à la présidentielle de février-mars 2012. En conférence de presse, la veille de la présidentielle, leur porte-parole du jour, Moustapha Mbaye affirmait que «54 associations de marchands ambulants vont accompagner la candidature des ‘’Fal 2012’’. Notre seul combat qui vaille est la réélection du président Wade. Nous fondons notre soutien sur des faits palpables que Wade a réalisés. Il nous a offert le terrain de Petersen qui a une superficie de 12.800m2. Nos cantines sont subventionnées à hauteur de 30%. Nous payons les 70% restants. Nous faisons des visites de proximité, sensibilisons les populations par des caravanes» pour relever ce défi. Mais rien n’y a fait, le candidat sortant a mordu la poussière.
Les partisans de l’actuel locataire du Palais de l’avenue Room, Macky Sall, semblent jouer le même jeu que les libéraux alors au pouvoir. En plus des ambitions affichées du directeur du Port autonome de Dakar qui, à défaut de devenir maire de Dakar, mise sur la commune d’arrondissement de Dakar-Plateau, le Directeur général de l’Agence nationale d’appui aux marchands ambulants (ANAMA) s’illustre par des sorties «malheureuses» contre la politique de désengorgement et de pavage de la ville de Dakar avec à sa tête Khalifa Ababacar Sall, un «futur adversaire» qui «constitue» un obstacle à cette volonté affichée des «apéristes» de conquérir Dakar, surtout s’il réussit à reloger les ambulants.
Saliou Sambou avait réussi…
N’est-ce pas ce directeur de l’ANAMA qui, dans une de ses sorties dans les médias, défiant Khalifa Sall, expliquait qu’il suffit de «… (nous ne reviendrons pas sur ses propos) pour saboter tous les pavés posés». N’ayant pas tiré les leçons des manœuvres de leurs prédécesseurs, ces apristes aussi veulent compter sur le soutien de ces tabliers et marchants à la sauvette pour conquérir Dakar. D’ailleurs, des responsables locaux sont en train d’entretenir, à l’image des libéraux, un bébé dénommé «marchants ambulants républicains», qui le premier est monté au créneau pour s’attaquer à la politique du maire de ville de Dakar.
Pourtant, il y a quelques années, l’ancien gouverneur de Dakar, Saliou Sambou avait réussi la prouesse de débarrasser de l’emprise des voies publiques toutes les constructions et autres installations anarchiques. Du centre ville à Sicap Mbao, toutes les grandes artères de Dakar respiraient. Seulement, il avait en face de lui, en plus de détracteurs, de politiciens qui cherchaient à entretenir un électorat, etc. des médias qui ne lui facilitaient pas le travail. Au lieu de soutenir cette initiative positive, des médias l’avaient au contraire surnommé «Ndrane Sambou» (Sambou bulldozer en wolof). La suite, on la connait, Saliou Saliou sera malheureusement remplacé.
Alors, Monsieur le maire, s’il est vrai que vous n’êtes pas mu par un second mandat, comme vous l’affirmiez à l’entame, allez-y, prenez vos responsabilités. Les populations reconnaîtront leur maire à l’heure du bilan.