LA REVUE DE PRESSE PERD SA NOBLESSE
LE GENRE RÉDACTIONNEL PASSÉ AU PEIGNE FIN

Prévu pour durer deux heures de temps, le cas d’école du Cored sur la Revue de presse telle que faite au Sénégal a duré une heure de plus. Sous l’angle médiatique, de la psychologie et de la sociologie, le débat a soulevé de la passion hier à la Maison de la Presse.
Genre rédactionnel enseigné dans toutes les écoles de formation en journalisme, la revue de presse s’éloigne de plus en plus des standards dans les médias sénégalais. A écouter les radios et télévisions sénégalaises, la recherche de l’audimat prime sur la fonction informative de ce genre.
A chaque «revueur», son style. Le plus «humoristique» remporte la palme. Ce pendant, dans la majorité des cas, la déontologie en prend un sacré coup. Les dérives sont légion. En wolof, la désinformation s’installe.
Le Conseil pour l’observatoire des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (Cored) s’est saisi de ce cas d’école et l’a soumis à l’étude hier à la Maison de la Presse. Sous le thème «La Revue de presse : un genre rédactionnel chahuté au Sénégal», trois panélistes ont cerné le problème sous différents angles. Dès le début, le président du Cored a pointé du doigt des «visiteurs, sans formation journalistique, qui viennent se faire de l’argent».
Le journaliste Mansour Sow est d’abord revenu sur les «exigences d’une revue de presse professionnelle». Pour le panéliste, la Revue de presse ne va pas sans commentaires mais doit rester fidèle aux écrits des auteurs. «Si la revue de presse est une synthèse fidèle, elle n’est pas un compte rendu neutre», a-t-il souligné dans sa communication.
D’après lui, il est permis de faire de légères reformulations des propos mais malheureusement il y a souvent une déformation des propos. Il n’est pas besoin de théâtralisation pour introduire une revue de presse mais juste partir d’une information qui fait débat, a-t-il expliqué.
Se référant aux normes édictées par la profession, il souligne qu’il y a des conditions à une bonne pratique de la Revue de presse : «la concision, le rythme et un niveau intellectuel suffisant.» Cette dernière exigence fait souvent défaut chez les «revueurs» en wolof.
La revue de presse, un fait de société ?
Sous l’angle de la sociologie, Moustapha Ndiaye a présenté la perception du Sénégalais lambda de cette manière de faire de la revue de presse. Devant la pluralité des organes de presse et à la recherche de légitimation, les auteurs des Revues de presse s’adonnent à une théâtralisation. D’après lui, elle s’impose de manière agressive aux auditeurs et spectateurs. «La Revue de presse est devenue un rituel comme si elle soignait beaucoup de maux», a-t-il avancé pour démontrer que c’est devenu un fait de société.
Pour la psychologue Khadidiatou Konaré Dembélé, la société se raconte autrement à travers cette pratique. Dans une société d’oralité, «entendre donne un cachet, une véracité, une existence à ce qui est dit», a-telle expliqué.
Les faits de société mis en exergue donnent «une preuve de la perversité des autres». C’est un sujet de conversation, un agrément pour la journée. Chez les auteurs des Revues de presse, la psychologue note un besoin de flatter l’égo d’où une théâtralisation de plus en plus poussée qui mène souvent aux dérapages.
Partageant la perception des «victimes», elle fait savoir qu’il y a souvent un sentiment d’intrusion dans l’intimité surtout chez les victimes de violences sexuelles. Mme Dembélé a noté une tendance à tourner en dérision des sujets douloureux.
D’où l’intitulé de son exposé «Peut-on rire de tout ?». Allez savoir !