LA SOLIDARITE SE MOQUE DE NOS APPARTENANCES ETRIQUEES
Qu’on ne fasse pas aux morts de Garissa l’affront de se demander s’ils étaient musulmans ou chrétiens, si parmi les bouts de chair dispersés par la barbarie, l’une ou l’autre de ces victimes se prosternaient devant la même divinité
Garissa, c’est sans doute l’autre nom de l’horreur. Garissa, comme le nom de cette localité où dans une université kényane, 147 morts ont succombé à la barbarie il y a tout juste deux semaines. C’était le 2 avril dernier. Si nous nous taisons, ils seront morts pour rien, eux et toutes les victimes collatérales de ces gestes insensés et de tous ces conflits sanglants, que l’on veuille bien leur reprocher leur foi, la couleur de leur épiderme ou leur appartenance ethnique.
Que l’on ne s’émeuve pas seulement parce qu’ils seraient aussi noirs que nous le sommes, et qu’on ne leur fasse pas non plus l’affront de se demander si ceux qui sont morts étaient bien musulmans comme nous ou chrétiens comme les autres, et si parmi les bouts de chair ramassés et les lambeaux de vêtements dispersés par la barbarie, l’une ou l’autre de ces victimes se prosternait devant la même divinité que nous. Priaient-ils avec le même chapelet que nous ? Après le carnage disait-on dans les médias, sur le sol poussiéreux, on trouvait surtout des objets aussi dérisoires que des livres et des stylos, pas d’armes évidemment.
C’est sans doute la plus belle réplique à la violence que d’avoir décidé, aujourd’hui vendredi 17 avril au Sénégal, d’honorer la mémoire de ces jeunes kényans dont on ne sait pas grand-chose finalement, sinon qu’on aurait pu penser qu’ils avaient la vie devant eux, mais que leurs rêves ont été décapités. Cette marche à la fois silencieuse et pacifique est aussi un signe d’espoir, quand on pense que parmi ces personnes qui se rendront comme en pèlerinage sur la Place du Souvenir africain, il n’y aura pas que des étudiants forcément choqués, au nom de cette proximité qu’il y a entre eux et cette centaine de victimes innocentes.
L’initiative, apprend-on de l’Agence de presse sénégalaise, vient de différentes organisations artistiques et culturelles, et aussi de la société civile. La solidarité, et c’est une belle leçon que l’on donne ainsi à tous les sectaires aigris, doit apprendre à se moquer de nos appartenances étriquées et de ces nationalités qui deviennent très vite superficielles quand il s’agit de l’Humain. Que l’on ne s’indigne pas seulement du massacre de personnes qui seraient comme nous, avec nos traits, nos cheveux, nos rites, nos symboles et nos chemins de vie. Une lointaine ressemblance devrait suffire.