LA THÉRAPIE DE THIERNO BOCOUM
UN PÈRE À L’ASSAUT DE LA DOULEUR
Thierno Bocoum est connu au sein de l’hémicycle pour ses prises de paroles tranchées. Mais à la lecture du livre «Un père à l’assaut de la douleur», une œuvre dont la cérémonie de dédicace s’est tenue samedi dernier dans les locaux de la maison d’édition L’harmattan, l’on découvre un auteur mais aussi et surtout un père apaisé, lénifié, et décidé à partager son histoire pour dit-il : «prémunir les parents qui sont dans le même cas, afin que ceux-ci ne souffrent plus qu’il n’en faut».
Au regard de l’assistance composée essentiellement d’élites de la classe politique réunie à la salle de conférence des éditions L’harmattan, l’on pourrait se croire dans un meeting politique. Mais il n’en est rien. Il s’agit d’une cérémonie de dédicace du livre de l’honorable député Thierno Bocoum. C’est ce qui rassemble tout ce beau monde. L’auteur dans son premier ouvrage raconte en effet les péripéties de la mort de son fils, avec une plume digne des grands noms de la littérature.
Il partage un récit très douloureux qui peut heurter des cœurs assez sensibles, mais aussi apaiser des cœurs meurtris par une telle douleur. L’ouvrage offre une plongée dans le désarroi d’un père qui a perdu son enfant. Vieux Bokray Bocoum était un enfant âgé de deux ans et demi.
Très attachant et très complice de son père. Un soir, alors que ce dernier était en route pour un séminaire, Thierno reçoit un appel de sa mère l’informant que Vieux (ainsi l’appelait ses parents) avait disparu. Le père rebroussa chemin pour Thiès.
En cours de route, les interrogations légitimes d’un père de famille ne le quittèrent pas une seconde : la maman n’essaie-t-elle pas de lui cacher quelque chose ? Qu’est ce qui s’est réellement passé ? Il n’aura les réponses à ces interrogations que des heures plus tard.
Une fois à Thiès, raconte l’auteur, il entama avec ses proches des recherches pour retrouver son fils qui, «si ce n’était pas à cause de son séminaire, n’aurait probablement pas disparu». C’est en effet, à la demande de la grandmère de Vieux que Thierno a volontairement prolongé le séjour de sa famille vu qu’il allait être loin de celle-ci pendant trois jours pour les besoins d’un séminaire.
Aujourd’hui, que des regrets... Mais en bon musulman, le narrateur dit n’avoir jamais douté qu’il reverrait son fils un jour (mais dans quel état ?). Il informe dans son ouvrage qu’après avoir fait la ronde des radios pour déposer des communiqués, il reçut un appel d’une station de radio qui lui signi fie qu’on a retrouvé son fils. Ne pouvant pas contenir sa joie, Thierno Bocoum accourt sur les lieux (à la station de Radio) où il appela l’homme qui était censé avoir retrouvé l’enfant.
Mais c’est un chef de quartier qui lui répondra au bout du fil. Ce fut une erreur. Ce chef de quartier avait lui-même appelé pour signaler une disparition. Thierno abattu, commença dès lors à s’interroger sur la capacité de survie de son fils de deux ans et demi qui ne sait que prononcer quelques mots.
Puis, vient le moment où on lui annonce qu’on a retrouvé le corps sans vie de son enfant. Vieux était tombé dans la fosse septique de la maison voisine. Thierno culpabilise. Il se dit «depuis tout le temps que nous cherchons Vieux, il était là sous nos yeux en train de se démêler pour survivre»...
Une leçon de vie
Aujourd’hui, ce «père à l’assaut de la douleur», pense qu’il faut absolument tirer une leçon de cette histoire tragique. C’est pour cela et surement pour définitivement faire le deuil qu’il a écrit ce livre. «Mettez-vous à l’idée que l’enfant ne vous appartient pas. Et ne soyons pas naïfs de croire que nous sommes à l’abri du malheur. Bien que ne le souhaitant à personne de vivre un tel drame, je veux que ce livre soit pour les parents une pédagogie afin de se préparer à cette éventualité» a mentionné Thierno Bocoum qui dit avoir fait le deuil de son enfant.
D’ailleurs insiste-t-il, c’est ce qui explique le décalage entre la parution de ce livre de 130 pages, divisé en deux parties, 7 mois après les évènements qui y sont relatés et sa séance de dédicace. «Il me fallait du temps pour faire le deuil» a insisté l’auteur. Cette cérémonie a également été l’occasion de voir réunis dans une même salle les responsables du Pds, du Rewmi, de l’Afp, de l’Apr ... bref des acteurs politiques de notre pays.
Tous s’étaient retrouvés dans une ambiance empreinte de convivialité. C’est à constater en définitive que la plume de Thierno Bocoum a réussi à unir ne serait-ce qu’un instant toute la classe politique. C’est en tout cas, ce dont rêve bon nombre de Sénégalais, qui ne rate pas l’occasion de dire que la culture est un langage de paix et d’amour et qu’elle réussit toujours là où les politiques échouent.