LA VALSE CONTINUE
DERNIÈRE MINUTE - Les journalistes du Quotidien et de L’Observateur face au Procureur de la République
(SenePlus.Com, Dakar) - Le directeur de publication du Quotidien, Mouhamed Guèye, celui de L’Observateur, Alioune Badara Fall, et le grand reporter de ce dernier journal Mamadou Seck étaient, ce vendredi, face au procureur de la République. C'était leur troisième passage chez Bassirou Guèye, après avoir obtenu deux retours de parquet. Le dossier a été transmis au juge du sixième cabinet, Augustin Senghor. Lequel va juger de l'éventualité de déclencher des poursuites contre les mis en cause et de qualifier définitivement les faits, le cas échéant.
Il est reproché au patron du journal Le Quotidien, la publication in extenso du procès verbal de l’enquête sur l’affaire Thione Seck, poursuivi pour "contrefaçon de signes monétaires ayant cours légal à l'étranger". Les ennuis des journalistes de L’Obs sont liés à la publication, le 8 mai dernier, des détails de la composition des troupes sénégalaises en partance pour l’Arabie Saoudite. Violation du secret de l’instruction pour l’un ; violation de "secret défense" pour les autres.
Mouhamed Guèye et Alioune Badara Fall ont été placés en garde à vue mardi dernier à la section de recherches de la gendarmerie de Colobane. Le premier passera la nuit chez les enquêteurs tandis que le second sera relâché le même jour, après plusieurs heures d’audition. Il sera convoqué le lendemain, mercredi, en même temps que le grand reporter de son journal Mamadou Seck, auteur de l’article incriminé. Depuis lors, le sort des trois journalistes est lié : ils valsent entre la gendarmerie et le palais de justice, refusant de révéler leurs sources comme les y invitent les enquêteurs.
Pluie de réactions
En attendant que les journalistes soient fixés sur leur sort, cette affaire suscite déjà une volée de réactions divergentes. Du côté du pouvoir, on se plait à pointer l’"irresponsabilité", le "manque de discernement" et le "déficit de patriotisme" des journalistes, coupables de publier des "informations sensibles", susceptibles de mettre en péril l’intégrité des soldats sénégalais. Ce qui a poussé le ministre des Forces armées, Augustin Tine, à puiser dans le champ lexical guerrier pour déclarer que les sources des journalistes seront "traquées" et punies.
Côté presse, les positions sont mitigées. Même si l’incarcération des journalistes est unanimement «regrettée», certaines voix invitent les journalistes à une introspection. Défense nationale oblige, entend-on de la bouche de ces "gardiens de l’orthodoxie". Une posture qui n’a pas manqué d’estomaquer beaucoup d’autres journalistes, qui demandent à «ces donneurs de leçons» de ravaler leurs admonestations. Et assimilent la mise aux arrêts des journalistes du Quotidien et de L’Obs comme une tentative d’intimidation de la presse, ce qui constitue, à leurs yeux, un recul démocratique pour le Sénégal longtemps considéré comme un havre de paix pour la liberté des médias.
Les organisations de la société civile ne sont pas en reste. Dans une déclaration commune, "Article 19"/Afrique de l’Ouest, Amnesty International, la Ligue sénégalaise des droits humains et la Raddho se disent préoccupés par la procédure judiciaire» lancée contre les trois journalistes. Condamnant "fermement" ces interpellations qu’ils assimilent à des "intimidations qui menacent la liberté d’expression".