VIDEOMULTIPLE PHOTOSLA VILLE AU RYTHME DU KANKOURANG
MBOUR CIRCONCISION CHEZ LES MANDINGUES
Le kankourang démarre dans la capitale de la Petite Côte, ce dimanche. La ville, comme chaque année, va vivre pendant trois mois au rythme de la fête de la circoncision chez les Mandingues. Cette année, des centaines de circoncis vont être initiés. Ils vont passer dans le couloir “des hommes”. Du folklore, à la tradition, en passant par le faste économique et le libertinage sexuel, Mbour sera en ébullition.
La ville de Mbour va être ce dimanche matin le lieu de convergence de centaines de jeunes. Plus précisément au quartier Santessou qui accueille le “leul” ou rite des initiés de la collectivité mandingue. Ils se regroupent pour le “diambadon” ou la danse des feuilles.
Vêtues d’accoutrements traditionnels, les femmes vont danser au rythme du tam-tam. Les hommes déjà initiés vont accompagner les circoncis.
On les appelle “selbés”. Il y a trois catégories : les “selbés tioutie” sont les plus jeunes, il y a les adultes et les anciens qui sont les gardiens du temple. Ces derniers sont les dépositaires des pouvoirs mystiques. Ils gardent jalousement la tradition.
Dans le département, 6 sites sont autorisés à organiser le kankourang. Il y a les localités à forte communauté mandingue que sont Santessou, Diamaguène, Tiocé, Weika et le village de Mboulème (dans la communauté rural de Malikounda).
A côté du kankourang qui marque la circoncision, il y a le nianka, un rite qui accompagne l’excision. Seulement, avec l’interdiction de cette pratique, “les femmes vont partir à la mer pour se laver et revenir.
Sur le chemin du retour, elles passeront à la préfecture pour saluer le préfet. Elles vont aussi partir au commissariat urbain, parce que dans la tradition mandingue, le respect des ainés et de l’autorité est une loi”, selon le commissaire de la police à la retraite Kadialy Seydi.
“Même si le fond reste mandingue, le kankourang est devenu un patrimoine mbourois, voire mondial. Donc, nous avons la responsabilité de la conservation de la coutume. Nous sommes tous du troisième âge. Nous avons l’obligation de la conserver et de la léguer aux générations futures”, dit Mamadou Diaboula, ancien gouverneur et membre du comité des sages. La culture du kankourang est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.
Une période des bonnes affaires
Avec la période du kankourang, c’est tout une économie qui prend son envol. Les filles se ruent littéralement vers les vendeurs de tenues vestimentaires, avec une préférence pour les habits qui mettent en valeur leurs formes, en préparation des futures nuits blanches.
Au marché central, le constat est fait. La clientèle a augmenté, si on en croit croire Djibril Sy, un vendeur de prêt-à-porter. “Cette période nous permet de nous remplir les poche. Filles comme garçons achètent de nouveaux vêtements. Les hommes aiment les vêtements de couleur, des près du corps”, dit-il.
Un peu plus loin, son collègue Idy Mbaye s’échine à attirer la clientèle, par des applaudissements et des chansonnettes. Il ne vend que des articles pour filles : minijupes, bas, jeans serrés, hauts et chaussures. “Chaque jour, je vends plus d’articles qu’auparavant”, se félicite-t-il.
Il n’y a pas que les marchands d’habits qui tirent leur épingle du jeu. Les fast-foods et les boutiques en tirent aussi profit. Assane, un boutiquier, témoigne : “au mois de septembre, nous différons nos heures de fermeture, parce que les jeunes veillent jusqu’au petit matin, chaque samedi, durant toute la période du kankourang. Nos chiffres d’affaires augmentent”.
Les fast-foods ne sont pas en reste. Dans ces lieux de dégustation, le constat est le même, le kankourang est la période des bonnes affaires. En veillant tard la nuit, les hordes de jeunes gagnés par la faim prennent d’assaut les fast-foods. En à croire Aloyse Ndiaye, un gérant de fast-food, “les jeunes achètent pour la plupart des fataya, de la boisson et des sandwichs”.
EFFETS PERVERS DU KANKOURANG
Une insécurité qui commence à inquiéter
Avec le kankourang, c’est un monde fou qui suit les initiés. Ils sillonnent la ville jusqu’au petit matin. Cela n’est pas sans conséquences, car on note de plus en plus des cas d’insécurité. Dans la plupart des cas, c’est le fait des accompagnateurs ou des selbés.
Cheikhou Dabo, secrétaire exécutif de la collectivité mandingue met en garde. “Il y a des gens qui fument du chanvre ou qui boivent de l’alcool et viennent causer des problèmes, en commettant des actes interdits par la loi. C’est dommage que des initiés s’en prennent aux populations. Mais nous lançons un avertissement à tous les membres de la communauté mandingue, pour leur signifier que nous ne protègerons pas quiconque commet un acte délictuel répréhensible par la loi”.
Cheikhou Dabo veut éviter que les incidents de l’année dernière se reproduisent. En effet, la précédente circoncision avait enregistré deux blessés par arme à feu causés par un gendarme qui se sentait menacé par des membres de la communauté mandingue.
Pour éviter que pareille situation ne se reproduise, un comité de veille a été créé. Il est dirigé par Kadialy Seydi, un ancien commissaire. Cette année, chacun des 6 kankourang va être accompagné par d’anciens policiers ou gendarmes appartenant à la collectivité mandingue.
Ils vont encadrer les jeunes pour éviter les dérapages. Chaque mardi, une rencontre d’évaluation va être faite avec le commissaire de la police centrale. Une autre mesure est en train d’être discutée par le comité des sages.
C’est de faire limiter le kankourang aux quartiers traditionnels des Mandingues. Mais cette mesure risque de ne pas prospérer, car le limiter à ces quartiers va causer un préjudice économique énorme à l’écrasante majorité de la population qui en tire profit.
Seulement, il faut reconnaitre qu’on note des cas de provocation du côté des spectateurs qui profèrent des paroles discourtoises à l’endroit du kankourang.
Libertinage sexuel
Pendant les trois mois de la période de circoncision et les sorties périodiques du kankourang, il n’est pas rare de rencontrer des préservatifs utilisés dans les rues, au petit matin. Ceci traduit une réalité passée sous silence : le libertinage sexuel.
Pendant cette période faste, les pharmacies et les boutiques de quartiers qui en vendent ne désemplissent pas. Les comprimés anti grossesses connaissent également un succès fou.
Les filles averties en usent et en abusent, comme du reste elles font avec le sexe. D’autres préfèrent un planning afin d’éviter les grossesses non désirées.
L’année dernière, 7500 préservatifs ont été distribués pour lutter contre les grossesses et les maladies sexuellement transmissibles.
“Bébé kankourang”
Mais, toutes ces précautions n’empêchent pas les conséquences d’être visibles, avec des grossesses à la chaîne. Les enfants nés de ces relations sont d’ailleurs appelés “bébés kankourang”.
Ils sont tellement nombreux qu’ils risquent de devenir plus représentatifs au sein de la communauté.
“Si des jeunes de sexes différents restent en ambiance jusqu’au petit matin, il est fort probable qu’il y ait des jeux de jambes en l’air. Donc, au lendemain de cet évènement, c’est assez normal de voir des filles en grossesse”, déclare une dame, la quarantaine révolue.
Seulement, des jeunes franchissent le Rubicon jusqu’à entretenir des rapports charnels dans les rues à des heures tardives.
“L’année dernière, en allant chez moi, au quartier zones Sonatel, j’ai aperçu plus de 4 couples en train de faire l’amour dans les rues, aux environs de 4h matin”, témoigne Samba Ndiaye.
Les bâtiments en construction ne sont pas en reste. Toujours est-il que les gens viennent de partout, Thiès, Kaolack, Dakar etc., pour les besoins de ces cérémonies.