L'ANARCHIE REPREND SES DROITS À DAKAR
Déguerpis il y a quelques mois du rond point de Liberté VI, à la suite du programme de désengorgement des rues initié par la mairie de Dakar, les commerçants installés sans autorisation et anarchiquement sur ce site, sont de retour. A la veille de l’expiration de l’ultimatum lancé par les autorités municipales, ces derniers qui ne semblent nullement inquiets vaquent paisiblement à leurs occupations.
Ne dit-on pas que les vieilles habitudes ont la peau dure ? La vaste campagne entamée par les autorités municipales de la ville de Dakar semble, près de trois mois après, connaitre des poches de résistance par endroit.
En effet, après la grande offensive menée tambours battants contre les commerçants ambulants et autres gargotes, qui encombraient les trottoirs et certains espaces, les lieux nettoyés mais laissés vides, ont vu le retour de leurs anciens locataires.
Comme ici au rond point de liberté VI, où un marché de fortune qui avait été érigé il y a quelques années, puis détruit lors de l’opération de désengorgement menée par la mairie et la préfecture de Dakar, renaît de ses cendres. C’est allongé, l’air paisible et insouciant, les jambes croisées sur une partie de sa marchandise, que nous trouvons Cheikh, vendeur de friperie.
Cheikh est l’un des nombreux commerçants ambulants déguerpis il y a quelques mois du rond point de liberté VI, mais revenu sur les lieux. Interrogé sur l’ultimatum, qui pèse sur eux telle une épée de Damoclès et qui est arrivé à son terme, ce mardi 30 Avril, il dit ne pas être informé.
Toutefois, sur les raisons de son retour sur ce site, qui semble être un acte de défiance vis-à-vis des autorités, il dit ne pas trop avoir le choix. «Je ne peux pas rester à la maison car j’ai besoin de nourrir ma famille. Je n’ai pas d’autres moyens de nourrir les miens. La dernière fois, Ils sont venus, ont tout brûlé et tout cassé sans nous prévenir. Beaucoup parmi nous ont perdu de l’argent et des marchandises», dit-il.
Même son de cloche chez Pape, un autre vendeur attiré par la présence de notre micro.
L’horreur du vide
«S’ils reviennent, nous reviendrons nous installer plus tard, car nous n’avons nulle part où aller, hormis ici. Depuis que nous sommes là nous ne dérangeons personne», nous livre t-il avant de retourner servir une cliente.
Appelées à jouer le rôle de sentinelles et à empêcher tout retour des commerçants, les populations des quartiers touchés par l’opération désengorgement des trottoirs ne partagent pas tous le même point de vue. Habib Sow, un habitué du rond point de Liberté VI, trouve que leur présence est un mal nécessaire.
«Je trouve qu’il faut faire la différence entre eux et les marchands ambulants. Ils ne dérangent pas et ils nous permettent souvent d’avoir de bons vêtements. Par exemple, en cette période de fraîcheur, moi-même, j’ai déjà acheté des habits ici. Ils nous empêchent d’aller loin. Le terrain est libre et les maisons sont loin d’ici», a-t-il dit. Ce que confirme une cliente, surprise sur les lieux et intéressée par la marchandise de Pape, un des commerçants.
Toutefois, M. Kondé, un riverain, déplore quant à lui, l’érection d’un marché à cet endroit.
«Depuis que ce terrain a été nettoyé il y a quelques années, des personnes sont venus s’installer là et ont commencé à vendre dans des poucettes avant de construire ces hangars que vous voyez là. Même de l’autre côté-là-bas ils y étaient installés. Il a fallu que l’on mette un grillage tout autour pour empêcher leur retour. Ils empêchent la circulation des passants à ce niveau là. Où était-il avant ? N’a-t-on pas prévu des places pour eux ailleurs? », S’interroge M. Kondé à la fin.
Les efforts entrepris communément par la mairie et la préfecture de Dakar semblent vains à quelques endroits. Si dans les quartiers tels qu’Amitié et Grand Dakar l’opération de pavage qui consistait non seulement à embellir la capitale, mais également à décourager les récidivistes, semble marcher dans cette partie de la ville, il reste qu’au rythme où vont les choses, des zones libres et non surveillées, tel que le rond point de Liberté VI, des récalcitrants font ce qu’ils savent faire le mieux, à savoir occuper anarchiquement l’espace publique. Comme quoi, «la nature a horreur du vide»