L'AUTRE ARENE POUR BALLA GAYE 2
Ce que Balla Gaye n°2 est en train de faire en Casamance renvoie à une tendance que son action positive encore plus.
En effet, on voit de plus en plus de sportifs éprouver le besoin de sortir de leur bulle, quand la richesse et la gloire ont fini de remplir leur vie. Portant souvent la peau de rescapés du destin, sauvés des dérives les plus obscurs de la vie par leur talent et devenus les rentiers d’une popularité qui se monnaye dans les limites de la décence, il en est qui savourent leur revanche sur un sort qui aurait pu être funeste. Flambeurs de désirs, peu leur importe ce qui les entoure. Leur égoïsme les enferme sur ce qu’ils sont et les empêche de devenir ce qu’ils auraient pu être.
Dans l’opulence, il y en a cependant qui, baissant les yeux pour repenser à leurs origines, rencontrent au passage une pulsion venant de leur cœur et se laissent emporter pas des élans solidaires. Le social les inspire, la générosité les guide et ils allègent volontiers leurs comptes d’un ou de deux zéros. Cela aide à mieux dormir quand la misère du monde perturbe la conscience. Marmite du cœur, dons à une pouponnière, fondation ou autre, on se soulage comme on peut.
On peut aussi poser un autre regard sur le monde, avoir une vision plus interpellative sur ce qui fonde et détermine les ruptures et les inégalités au sein de la société, sur ce qui influe sur les destins et conditionne les vies. C’est dépasser le social pour entrer dans la dimension du politique – au sens dit noble.
Le parcours que Balla Gaye n°2 suit depuis quatre ans à travers la Casamance, conduisant une caravane de la paix, rejoint cette dimension qui fait sortir le sportif du cadre de perception étroit par lequel on le caractérise souvent, pour l’installer dans des rôles de valeur supérieure.
«Fais ce qu’on te dit et tais-toi !». L’injonction remonte au temps où le sportif était une sorte d’ouvrier spécialisé, exploité dans les stades comme d’autres l’étaient sur les chaînes de montage industriel. «Joue et tais-toi». On l’a dit à des professionnels infantilisés, dont le cerveau remplissait à peine une boîte d’allumettes. Leurs muscles parlaient pour eux, d’autres se chargeant de réfléchir à leur place. Le terrain leur étant dessiné comme espace clos d’expression, toute transposition dans un autre cadre devient un facteur de risque.
Le parcours intellectuel du sportif - que ce soit dans le cadre formel ou informel – est souvent limité. Dans le genre langue de bois, avec un discours qui ne dépasse pas les formules toutes faites et bien éculées, on ne trouve pas mieux que ce qui sort de leur bouche. Son raisonnement n’allant pas bien loin, l’amusement devient son cadre d’expression. Dès lors son confinement dans des schémas ludiques ou des fonctions de représentation devient aisé. Bon pour le racolage et la réclame, il sert de décor et de justification.
La Caravane de la paix que mène Balla Gaye n°2 en Casamance, offre une lecture autre de l’investissement que le sportif peut faire des valeurs qu’il incarne et projette sur sa société. Sur l’icône référentielle qu’il peut représenter. Sur l’idéal qu’il peut insuffler. Quand d’autres viennent au sport à travers des stratégies de récupération, une dynamique plus positive peut sortir des sportifs pour épouser de nobles causes. Car, du champ des rapports sociaux aux sphères économiques, politiques, culturelles, etc., le sportif véhicule des charges dont le symbolisme dépasse parfois sa propre personne.
Balla Gaye n°2 cherche ainsi à signifier différemment, dans cette arène autrement complexe que représente le conflit casamançais. Quel que puisse être l’agenda mystico-social qui sous-tend la tournée qu’il effectue dans sa région natale, la charge politique qu’elle exprime a une force qu’on espère déterminante. Son action peut dépasser le symbolisme, quoiqu’elle ne suffise pas à constituer une solution ultime à ce conflit. Mais elle doit se défendre de récupération partisane pour demeurer crédible, rester dans la posture qui facilite et crée des convergences, fédère et implique des secteurs influents que sa stature d’icône peut inviter et inscrire dans une dynamique constructive.
Cela vaut mille combats et toutes les couronnes royales.