L'AVEU DE FORFAITURE !
DP WORLD ACCEPTE DE VERSER 24 MILLIARDS FCFA AU SENEGAL
Dans le cadre de la traque des biens mal acquis, Dubai Port World revient très souvent dans le débat. La nature de la convention liant les anciennes autorités sénégalaises au concessionnaire, le mode de paiement du ticket d’entrée, les identités des actionnaires, tout ou presque est remis en question. Suffisant pour que le Sultan Ahmed Bin Sulayem, reçu par le chef de l’Etat Macky Sall, avoue les manquements en acceptant de revoir avec la partie sénégalaise les clauses du contrat, mais surtout en décidant de reverser 24 milliards FCfa au Trésor public. Comme quoi le tort est reconnu !
Le 8 octobre 2007, la Société nationale du port autonome de Dakar, représentée par son Directeur général de l’époque, Bara Sady, avait signé, en vertu d’une délibération du Conseil d’administration datée du 5 septembre 2007, une convention de concession en faveur de Dubaï Port World FZE représentée par Sultan Ahmed bin Sulayem. Les autorités compétentes de l’Etat du Sénégal avaient ainsi, dans le cadre de la politique des grands travaux de modernisation des infrastructures, confié le terminal à conteneurs, sous la forme d’une concession, à l’un des groupes mondiaux dans la gestion portuaire, doté d’une expertise technique et universelle dans le secteur. Au préalable, une consultation internationale avait été lancée par les autorités portuaires.
C’est à l’issue de cette consultation que Dp World Investment du groupe Dp World a été choisie en qualité d’adjudicataire. Le partenaire technique détient directement ou indirectement 75% du capital social de la société d’exploitation, pendant une période d’au moins 15 ans à compter de la date d’entrée en vigueur. Toutefois, il subsistait une véritable nébuleuse sur les identités des actionnaires : Des sources affirmaient « les 75% (actions) sont répartis de façon égale entre Dp World et de hauts responsables du régime sortant ». Ce qui, par conséquent, les fonde à affirmer que : « l’avènement de Dubaï port a plus contribué à enrichir des individus dans les sphères de l’Etat au moment des faits ».
Le concessionnaire, Dubaï Port World, selon les termes de l’accord signé avec le Sénégal, s’était engagé à s’acquitter d’une contrepartie financière de 54,6 milliards FCfa. Celle-ci est décomposée en deux tranches, dont une première en numéraires non remboursable de 30 milliards FCfa, payée une semaine après la date d’entrée en vigueur. Une deuxième tranche sous forme de participation du concédant (autorités portuaires) à hauteur de 10% au capital de la société d’exploitation, valorisée à 24,6 milliards FCfa. C’est là où résident toute la nébuleuse et la complexité, qui entourent le paiement du ticket d’entrée.
Car, l’enveloppe de 24,6 milliards FCfa, représentant la deuxième tranche, est tirée du capital de la société d’exploitation (Dp World investment FZE) appartenant à l’Etat du Sénégal (25% de parts) et à Dp World (75%). A y voir de plus près, on se rend compte que le montant de 54,6 milliards FCfa annoncé dans le contrat de concession ne reflète pas la réalité des faits. Car la vérité est qu’après avoir injecté 30 milliards FCfa dans un premier temps, l’entreprise a, comme qui dirait, repris avec la main gauche la quasi-totalité de ce qu’elle avait donné de la main droite, au moment de procéder au second versement.
La question des 75% souscrits par Dp World dans le capital et rétrocédés en bonne partie à des dignitaires de l’ancien régime, reste l’énigme à tirer au clair par les nouvelles autorités de ce pays. Si la moitié des 75% de parts appartiennent à Dp World, il reste à déterminer les encagoulés ayant profité de leurs positions de pouvoir, pour faire main basse sur une partie du bien public.
La convention de concession dont la Gazette a obtenu une copie rappelle que Dp World s’est engagée à réaliser l’aménagement, l’équipement, l’exploitation, la gestion et la maintenance, des terminaux à conteneurs (Tac) existant en zone nord du port de Dakar (Tac1, Tac2) et leurs dépendances, ainsi que le Tac3. Elle prévoit également la conception, le financement, la réalisation, l’exploitation et la maintenance du Port du futur. Ce dernier, à l’issue d’une consultation internationale, a été confié à l’entreprise Dp World Investment FZE, du groupe Dp World. Ces réalisations concernent le premier volet du projet dont la durée est de 25 ans.
Il en existe un second qui comprend l’édification de connexions routières et ferroviaires entièrement prises en charge par le concessionnaire. Ce volet, à l’image du premier, s’étale lui aussi sur une période de 25 ans à compter de la date de mise en service du Port du futur, tel qu’arrêtée d’un commun accord par les différentes parties. Le Port du futur dont la mise en service, selon la convention de concession, devait intervenir en 2012, n’a toujours pas vu le jour. Le port de Dakar, en dépit du tapage effectué par les autorités sortantes, reste encore sur les starting-blocks. D’où l’inspiration des nouvelles autorités qui comptent revoir la convention en la faisant accompagner d’une transparence totale.
L’outil ultra moderne que représente la Port du Futur devait, d’après la convention de concession, contenir un quai d’au moins 1250 m, fondé à -15,5m, un terre-plein de 42 hectares environ, une jetée de direction Est-Ouest de 1300m environ, un chenal d’accès et un cercle d’évitage dragué à la côte de -15,5m. Autant de réalisations devant favoriser un envol définitif pour Dp World.
Le concessionnaire, dans le cadre de son contrat, s’était aussi engagé à réaliser les investissements prévus dans son offre chiffrée globalement à 296,6 milliards FCfa hors taxes. De façon détaillée, il s’agit d’un programme ferme pour un montant de 49,8 milliards FCfa, d’un programme complémentaire évalué à 26,9 milliards FCfa et d’un programme conditionnel d’une valeur de 219 milliards FCfa. Il est à préciser que le programme ferme et celui complémentaire concernent le premier volet du projet, tandis que le programme conditionnel est lié au second volet.
Le programme ferme qui, d’après le contrat, devait être réalisé dans les cinq premières années suivant l’entrée en vigueur, comprend l’exécution des travaux de voirie et de réseaux divers du troisième poste à quai, portant notamment sur le revêtement en chaussée lourde, la pose et la fourniture des réseaux d’électricité, d’adduction d’eau, d’assainissement… Quant au programme complémentaire, comme son nom l’indique, il engage le concessionnaire à réaliser des investissements complémentaires sur les 20 années suivant l’expiration du programme ferme, notamment en ce qui concerne la consistance des investissements et les délais de réalisation.
Au chapitre des redevances, le contrat liant l’Etat du Sénégal à Dubaï Port World stipule une par- tie fixe et une partie variable. Des aspects que le Sultan Bin Sulayem a accepté de remettre sur la table, pour qu’ils soient renégociés avec le nou- veau pouvoir.