MULTIPLE PHOTOSLE BAL DES POURRIS, SUITE
Il est fourbe, il est retors, mais Blatter n'est pas buté. Ou alors sa capacité à "buter" a des limites que sa résilience n'a pu soutenir. Blatter part. Merci
Mon Dieu… Blatter a démissionné ! Dix-sept ans à la tête de la Fifa et toute l'indignité de la sortie ratée. Un léger sifflotement aux lèvres, on ira fleurir sa tombe.
On n'aimait pas Blatter. Ce n'est pas une question d'homme, mais une histoire de méthode. De durée au poste pour couvrir des pratiques mafieuses qui empestaient jusqu'à des milliers de kilomètres de Nyon, la ville-siège de l'instance internationale en Suisse.
On est tombé sur la dépêche à 17 h 35. Sur le site de Rfi, il est marqué : "Urgent - Le Suisse Joseph Blatter démissionne de son poste de président de la Fédération internationale de football." On se frotte les yeux, on navigue dans le net, fébrile, suspendu à un doute impossible. La confirmation est partout.
Oui c'est vrai, il a démissionné…
On est content ! Banzaï !
On se jette sur les archives.
Il est fourbe, il est retors, mais Blatter n'est pas buté. Ou alors sa capacité à "buter" a des limites que sa résilience n'a pu soutenir. Blatter part. Merci.
"Ce mandat n'a pas le soutien de l'intégralité du football mondial", a-t-il lancé. On s'en tamponne. Ce qui importe se trouve dans l'avenir. Dans ce qu'il faut changer, ce qu'il faut construire, ce qu'il faut éviter. Blatter n'a pas été mal réélu pour être déçu des urnes. Etre conduit à un second tour pour le dernier scrutin de sa vie, après dix-sept ans de présidence, à 79 ans qui plus est, n'est pas une honte absolue.
Il avait bien les allures d'un dictateur tropical, apte à sourire devant 99 % à l'élection, mais tout de même…
On continue de tendre l'oreille vers Washington. On va suivre le déroulé de cette affaire de corruption où les têtes "fifaiennes" qui tombent ne sont pas les derniers des pouilleux. On verra les gros orteils qui vont finir par se mouiller, les tibias qui vont être engloutis par les eaux, les naufragés qui vont disparaître.
C'est un bonheur de voir le vide se creuser et se retrouver à redéfinir l'avenir. Lequel, cependant ?
Sur les médias français hier, la surprise de la démission de Blatter passée, la question était de savoir si Michel Platini allait être candidat. Que leur vessie leur serve de lanterne. On espère simplement que l'Afrique sera assez mature pour comprendre les raisons de la défiance qui s'impose vis-à-vis du bonhomme.
Enfermé dans l'européanisme et porté par la toute puissance de l'Uefa, Platini ne voit pas le monde au-delà de la Méditerranée. Quand il s'est cru assez intelligent pour défendre le Maroc sur l'affaire "Ébola et la Can", le Comité exécutif de la Caf l'avait recadré. Ce n'était pas sa première glissade. Capitaine de l'équipe de France en 1976, alors sur la route de l'Amérique du Sud pour une tournée qui l'emmenait au Brésil, il était resté dans Le Concorde, lors de l'escale à Dakar. Les "Bleus" ont eu leur bain de foule, il s'est enfermé dans la solitude.
Que ceux qui l'aiment le défendent, la valeur qu'il donne à l'Afrique n'est pas une inconnue.
S'il veut le fauteuil de Blatter aujourd'hui, il lui faudra faire les capitales africaines. Souffrir l'humidité et la chaleur, braver les moustiques et les mouches, trainer sur quelques terrains squelettiques et prendre en compte l'état de dénuement d'un continent qui entend parler des milliards de dollars de la Fifa en courant dans le sable et la pierraille.
Platini n'a jamais osé lancer sa candidature devant Joseph Blatter. Une seule raison à cela : la peur de la défaite et la conviction que le Suisse était indéracinable. Avec les 54 voix de l'Afrique qui pèsent du quart des voix de la Fifa, plus ce que son président pouvait glaner en Amérique du Sud, dans la Concacaf, en Asie et en Océanie, "le monde selon Blatter" était un bastion inexpugnable. Cela sentait la corruption à plein nez, mais l'évidence était dans les urnes.
Ce que Platini n'a jamais osé faire du "vivant" de Blatter, la "mort" de ce dernier pourrait le guider. La Fifa évolue en dehors de la galaxie politique, mais on mesure ce que pèse la Françafrique sur le continent. Avec des fédérations dont l'indépendance est attachée aux subsides de l'Etat, les votes passeront par la valise diplomatique.
Rejeter Platini n'est pas accepter Hayatou. On n'a pas combattu l'éternelle présidence du Camerounais à la direction de la Caf pour le voir trôner à la Fifa. Elu depuis 1988, endormi sur les gradins quand la chaleur enveloppe les stades, mais surtout porté par ces tendances mandarinales qui caractérisent les hautes instances du sport mondial, on pourrait bien le laisser s'éteindre sur "son" Afrique. C'est le drame d'une Confédération africaine de football où tout se ramène à une identité et qui, malheureusement aujourd'hui, n'offre rien de sérieux qui puisse signifier la différence dans la gestion de la Fifa.