"LE CHEF DE L’ÉTAT N’A MANDATÉ PERSONNE POUR ALLER NÉGOCIER QUOI QUE CE SOIT"
MOUSTAPHA CISSÉ LÔ SUR LES RETROUVAILLES ANNONCÉES ENTRE WADE ET MACKY
Moustapha Cissé Lô a présidé, avant-hier, une Assemblée générale de remobilisation des "apéristes" de Touba. En marge de cette rencontre, le Vice-président de l’Assemblée nationale jette un regard critique sur les retrouvailles annoncées entre Me Wade et Macky Sall. Selon lui, "le chef de l'Etat n'a mandaté personne". Il se prononce également sur d'autres questions.
Vous présidez une Assemblée générale de remobilisation des troupes à Touba, alors que vous avez démissionné de la coordination Apr de Mbacké. Est-ce une volteface?
Non. Les gens font trop de confusion. Entre démissionner de la coordination et remobiliser les troupes, il y a une marge importante. J’avais dit que je n'allais plus coordonner des ingrats qui passent tout leur temps à m’insulter et à fomenter des complots contre ma personne. Mais, je suis un responsable de l’Apr qui gère à Touba et dans d’autres régions une base naturelle composée de fidèles compagnons qui croient en moi et qui m’écoutent, de jour comme de nuit. Nous sommes à mi-mandat, je dois évaluer les actions du chef de l’Etat dans la ville sainte et dans les autres localités avec eux et dégager des stratégies pour sa réélection en 2017 ou en 2019.
Depuis un certains temps, de jeunes marabouts s’attaquent aux chefs de l’Etat et à son épouse. Que vous inspire cette levée de boucliers de certains religieux contre le régime en place ?
C’est honteux et indigne de gens qui se réclament souvent de hauts dignitaires de l’islam de la trempe du fondateur du mouridisme qui, malgré ses rapports heurtés avec les colons, a toujours fait toujours preuve de sagesse et de respect à leur égard. Cette dame qu’ils attaquent à longueur de journée est d’une modestie et d’une sagesse exemplaires. Elle fait partie des femmes les plus éduquées du Sénégal. Je peux le jurer sur le Coran. Ces jeunes soi-disant marabouts - parce que je ne les considère pas comme tels - sont des précurseurs de la médisance et de la calomnie. Les plus célèbres sont des maîtres-chanteurs connus de tous et ne représentent absolument rien dans la ville sainte. Ils cherchent un nom à travers la Première dame en versant dans la diffamation et le mensonge pour se faire, ensuite, acheter, comme c’était le cas sous le règne de Wade. Cette fois-ci, leurs stratégies seront vouées à l’échec. Nous demandons à la Première dame de répondre par le mépris, de continuer à gérer sa fondation, pour aider les couches vulnérables.
Un des jeunes marabouts a revendiqué dans une télévision de la place avoir incendié vos domiciles à Touba. Allez-vous porter plainte contre cette personne ?
J’avais décidé de ne pas porter plainte. Mais, avec cet aveu de taille, j’ai officiellement saisi la justice, et je demeure convaincu qu’elle fera son travail en arrêtant le mis en cause. C’est une affaire désormais pendante devant la justice. Mais, je vous assure que l’auteur de cette revendication sera bientôt arrêté et jeté en prison. Je m’en arrête là pour l’instant.
Que pensez-vous des retrouvailles annoncées depuis quelque temps entre Me Wade et le Président Macky Sall ?
Tout le monde est unanime à reconnaître que le Président Macky Sall est un homme de paix. C’est quelqu’un qui privilégie toujours le dialogue politique et la concertation pour l’intérêt supérieur de la nation. Mais, à ce que je sache, Macky Sall n’a mandaté personne pour aller négocier quoi que ce soit. Il faut qu’on soit très clair. Le Président Macky Sall ne négocie pas des retrouvailles avec Abdoulaye Wade comme annoncé par une certaine presse. Il faut faire la part des choses. Des responsables politiques sont maintenant libres dans une démocratie qui fonctionne de prendre leur propre initiative pour pacifier l’espace politique. Rien ne s’oppose, pour le cas de Wade, à des retrouvailles, mais après que la justice sénégalaise, en toute indépendance, finisse de statuer sur le procès de Karim et les autres responsables du Pds qui sont poursuivis pour enrichissement illicite. Je pense que la logique et la transparence même voudraient que la justice puisse suivre son cours, sans aucune pression, jusqu'à ce que les mis en cause soient blanchis ou condamnés. Sinon, ce sera un retour de bâton fatal pour le régime qui pourrait être accusé par ses détracteurs de comploter sur le dos du peuple. Il faut qu’on soit très vigilants pour ses histoires de retrouvailles.
Vous voulez dire que Mahmoud Saleh n’a pas été envoyé par le chef de l’Etat pour rencontrer Wade ?
J’ai été très clair à ce propos. A ma connaissance, le chef de l’Etat n’a mandaté personne pour négocier à son nom. L’initiative est louable, mais le moment n’est pas mieux indiqué. Je m’en limite à cela.
Pour faciliter ces retrouvailles, on annonce que l’aéroport Blaise Diagne sera rebaptisé Me Abdoulaye Wade...
Là, je confirme, et je salue la décision du chef de l’Etat. Me Abdoulaye Wade n’est pas l’ennemi du Président Macky Sall, comme le font croire les responsables du Pds. C’est pendant qu’il était président de l’Assemblée nationale qu’il avait amorcé, par souci de transparence, de convoquer son fils, pour éclairer le Parlement sur l’argent de l’Anoci. Wade s’est acharné sur lui et a voulu l’humilier, il a rendu le tablier. C’était du jamais vu. Aujourd’hui, il est devenu président de la République par la volonté du peuple souverain. Rendre hommage à son prédécesseur - qui a entamé ce grand chantier - prouve que Macky Sall n’est pas un rancunier, et je le félicite pour cet acte. Le Président Diouf, qui a aussi beaucoup fait pour notre pays, mérite que le grand centre national de conférence de Diamniadio, où se tiendra le sommet de la Francophonie, porte son nom, de même que d’autres édifices et avenues, comme c’est le cas pour le Président Senghor.
Le bureau de l’Assemblée nationale sera renouvelé, mardi prochain. Etes-vous candidat pour la présidence ?
Je ne suis candidat à rien. La configuration du bureau de l’Assemblée est du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat qui va donner des orientations à notre groupe parlementaire. Cependant, en tant que député, je peux attester que le président Moustapha Niasse a fait du bon travail et bénéficie toujours de la confiance du Président Macky Sall. Et sa reconduction ne devrait pas poser de problème.
On constate aussi que Moustapha Cissé Lô est devenu moins visible, parce qu’on dit que le Président ne vous associe plus à rien depuis votre démission du poste de coordonnateur de Mbacké...
C’est faux. Le Président vient de me recevoir pour me confier le poste de secrétaire national chargé des comités d’entreprises. Je dois, dans un futur proche, faire le tour du pays, pour rendre opérationnels les comités d’entreprises qui sont très importants pour le président de notre parti.
Donc, vous retournez au secrétariat national ?
Oui. Je retourne au secrétariat national. Je le confirme.
C’est une première reculade ?
Ce n’est pas une reculade. Le président est mon supérieur au niveau du parti. Il me l’a demandé, et je l’ai accepté pour l’intérêt supérieur de notre parti.
Les chantiers du Président Macky Sall commencent à sortir de terre. Etes-vous toujours optimiste pour sa réélection en 2017 ?
Je suis plus qu’optimiste. J'en ai la certitude. De mémoire d’homme politique, jamais un chef d’Etat n’a fait autant de réalisations en deux ans d’exercice du pouvoir. L’exemple le plus récent, c’est Wade. De 2000 à 2004, il n’a rien réalisé. C’est lui-même qui l’avait dit, alors qu’il venait de se séparer d'Idrissa Seck : "Je félicite Macky Sall. C’est avec lui que mes chantiers sont sortis de terre". Deuxième chose, et c'est la plus importante, nous avons un Président socialiste. Je veux dire un Président qui fait du social. Sans faire de bilan, prenez par exemple les denrées et faites une comparaison. Sous Wade, le sac de riz parfumé coûtait 25000 F Cfa. Jusqu’au 25 mars, la population ne mangeait plus du riz parfumé. Aujourd'hui, les familles les plus démunies ont renoué avec ce riz qui coûte 13500 F Cfa le sac. Le riz brisé non parfumé est passé de 15000 F Cfa sous Wade à 11500 F Cfa. La bonbonne de gaz était, non seulement introuvable, mais trop chère. Le sucre, l’huile et le lait ont connu des baisses significatives. La tonne de ciment que beaucoup de gens oublient coûtait 90 000 F Cfa, avant d’être stabilisée à 70 000 F Cfa sous Wade. Aujourd’hui, vous pouvez l’avoir à 61 500 F Cfa la tonne. Les Sénégalais ont repris les constructions, et d’autres baisses sont attendues sur le ciment. Il en est de même pour le fer. Le carburant n’a pas connu de hausse depuis l’arrivée du Président Macky Sall au pouvoir. Je ne parle pas des bourses sociales et de la couverture maladie et de la cité de l’émergence, de l’autoroute Thiès-Touba, qui sera une révolution. Qui peut faire mieux en deux ans ? Les oiseaux de mauvais augure ont perdu face à l’abondance des pluies. Je suis convaincu que si le Président Macky Sall continue sur cette voie, ses adversaires seront battus à plate couture, dés le premier tour.
Dans ce bilan, il faut aussi comptabiliser des morts d’hommes. Récemment, un prisonnier a été abattu à la prison de Tambacounda...
Je condamne la violence sous toutes ses formes. Je m’incline devant la mémoire des personnes tuées par balles. Mais, avant de comptabiliser cela dans un bilan, il faut attendre qu’elle reste impunie. Je suis sûr que tous ces meurtres, dont vous faites allusion, seront bientôt élucidées, parce que la justice est devenue plus indépendante sous le règne du Président Macky Sall. Pour le cas précis des prisons, j’avais plaidé pour une libération massive de détenus sages qui ont commis des délits mineurs et les réinsérer dans la société. Je profite encore de l’occasion pour réitérer cette demande, car les mutineries sont souvent dues à des conditions carcérales très difficiles.