LE CHOIX CORNÉLIEN DES ÉTUDIANTS SÉNÉGALAIS EN FRANCE
RENTRER AU PAYS OU RESTER APRÈS LES ÉTUDES
Faute de véritables données ou statistiques sénégalaises, il est difficile d’avoir un chiffre exact de l’effectif total des étudiants sénégalais en France. Les sources étrangères avancent 9.000 à 11.000 inscriptions. Nombre d’entre eux sont soumis à des problèmes de logement et d’insertion sociale. Mieux, ils hésitent à rentrer au pays après l’obtention du diplôme faute de perspectives.
Les différentes politiques gouvernementales esquissées depuis plus de 50 ans afin de susciter l’envie de rentrer au bercail chez ces Sénégalais que le pays a, en majorité, formés au moins jusqu’au Bac, ne semblent pas donner les résultats escomptés. Avec le nouveau régime, on sent poindre une réelle prise en compte de ce que peut être l’apport des étudiants de la diaspora dans le développement du Sénégal avec les décisions présidentielles relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche, notamment la mise en place des bourses de mobilité. Même si on peut regretter le caractère tardif de sa mise en place.
En effet, la réforme Pécresse a recruté certains parmi les meilleurs doctorants sénégalais en France, en leur faisant signer des contrats de doctorant et de post-doctorant. Une perte pour le Sénégal qui a pourtant besoin de ses forces vives. Cheikh Anta Diop, savant et scientifique qui s’est formé en grande partie en France, avant de rentrer servir le Sénégal, avait une idée précise sur cette question qui est toujours d’actualité. Aux jeunes africains et surtout sénégalais qu’il rencontrait dans les conférences ou qui venaient le voir dans son laboratoire à Dakar, le Pr. Diop donnait souvent ce conseil : «Allez vous former afin d’acquérir le savoir pour avoir directement accès aux connaissances et ainsi déjouer toutes formes d’aliénations culturelles, économiques ou politiques.»
Celui qu’on appelait le Pharaon noir posait comme principale condition à cette hypothèse : rentrer au Sénégal, comme il l’avait fait après sa thèse. Mais avant d’obtenir cette connaissance tant souhaitée, l’étudiant sénégalais en France est souvent soumis à des problèmes de logement et parfois d’insertion sociale.
Pour cette dernière, les mieux lotis sont apparemment les étudiants sénégalais en province. Le regroupement communautaire– pour ne pas dire repli identitaire– décrit en sociologie n’est pas une fable en de tels cas. Les associations d’étudiants sénégalais de Montpelier, de Toulouse ou de Rouen– cette dernière existe depuis 1986– en sont de parfaites illustrations. Alors qu’à Paris, du fait de la multitude des universités et les logements éparpillés, il est plus difficile d’avoir cette proximité et une vie sociale entre étudiants sénégalais.
Dans toute la France, il existe 37 associations estudiantines sénégalaises. Les difficultés et les choix dans les cursus universitaires puis de carrières professionnelles sont différents pour chaque étudiant. Une diversité certes, mais un seul et même questionnement cornélien : Rentrer ou pas au Sénégal à l’obtention des diplômes ? Autrement dit, suivre ou pas le conseil du Pr. Cheikh Anta Diop.
Pas si simple à se décider, et toute tentative de réponse n’est jamais définitive. Tel Socrate dans le Phèdre de Platon, ce sont des prises de décisions s’apparentant à des palinodies, mais jamais semblables à des avanies. Il ne doit y avoir rien d’humiliant dans une décision. C’est juste un choix qu’on doit respecter.