LE CLUTCH PLAYER
ETIENNE PREIRA
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Dans la légende, il n’est pas entré par accident. Sur le parquet, le choc le cloue au bas du panier. Par bonheur, il aura marqué son temps de son empreinte pour finir par se projeter dans l’infini temps de la notoriété. Il portera, même si ses membres le lâchent depuis que le couloir noir des problèmes de motricité s’est ouvert devant lui un jour de 1995, la couronne d’icône.
Malgré un palmarès vierge, l’ailier, pardon le « clutch player » (meneur, ailier, pivot) sénégalais, l’homme à tout faire des « Lions », Etienne Preira, a marqué son territoire sur le continent. Ses prestations sur les parquets du continent et ses 28 points marqués contre l’Egypte en demi-finale du championnat d’Afrique de 1991-1992, pour la première défaite du « Pays des Pharaons » sur ses terres, restent mémorables.
Le souvenir nous est resté. Vivace, comme si c’était hier. Déroulons la pellicule. Le Caire, janvier 1992. Demi-finale 16è championnat d’Afrique masculin de basket. Sénégal-Egypte : 99-83. Pour la première fois de l’histoire, « le Pays des pharaons », champion... d’Europe en 1949 devant la France (2ème), la Grèce (3ème), perd un match de basket à domicile.
Les acteurs du crime de lèse-majesté concocté par l’équipe de Busnel Diagne et Amadou Coulibaly ont pour noms Massaër Ndiaye, Cheikh Dia « Yaya », Souleymane Sène, Alexandre Sylva, Issakha Barry, Adramé Ndiaye, Etienne Preira, etc. En mettant 28 points dans la vue des Egyptiens ce dernier s’érige en principal bourreau des quintuples champions d’Afrique (1962, 1970, 1974 et 1983).
Il brille au point que son nom est scandé par les 25.000 spectateurs du stadium du Caire. La victoire du Sénégal est surtout le succès d’un maître de la balle orange.
La dextérité, près et loin du panier, n’est pas la seule arme de l’ancien sociétaire de l’Asfo, de Gorée et de la Jeanne d’Arc de Dakar, futur pensionnaire de Pau Orthez et de la Rochelle en France. Outre une puissance physique hors du commun, Etienne Preira excelle dans toutes les positions. Il sait tout faire avec un ballon de basket, avec un égal bonheur, au point qu’il fait des misères et admirateurs partout où il passe.
Ces surnoms glanés au cours de ses pérégrinations sur les parquets du continent, « Magic Etienne » au Caire, « Mister three point » à Luanda, « Jordan of Africa » à Nairobi, classent le surdoué. Sa « majesté » l’Angolais Jean Jacques Conceicao, élu meilleur basketteur du cinquantenaire par Fiba Afrique, lui voue un respect digne de son rang.
Le basketteur emprunte la voie royale de l’efficacité et du spectacle. Il est un sportif racé qui s’intègre harmonieusement dans toutes les écuries qui se forgent dans la célébration de la performance et de l’esthétisme. Lors d’un passage aux Etats-unis, le pivot des New York Knicks, Patrick Ewing, qui le voit évoluer dans un camp de basket, juge qu’Etienne Preira a sa place en NBA.
Pour des raisons familiales, le projet de son enrôlement dans la sélecte ligue professionnelle de basket américain n’aboutit pas. L’un des meilleurs clubs français, Pau Orthez, l’engage en 1994 pour remplacer l’Américain Don Collins trois fois Mvp et joueur le ... plus complet du championnat de France. Prêté à la Rochelle, en National 2, en 1994, il est victime, en 1995, d’un grave accident de la circulation qui le cloue au lit. Il quitte définitivement les parquets.
Cependant, il reste dans les mémoires comme un compétiteur élégant et tonique. Etienne Preira, qui a pris part à trois championnats d’Afrique (1989,1991 et 1993), n’a pas connu le palmarès que son immense talent méritait. Question de chance et d’opportunités, sans nul doute.
Tout simplement parce qu’il appartient à cette génération de « Lions » qui passe dix sept ans (1980-1997) sans rien gagner en Afrique. Quand, au soir du 03 août 1997, à Dakar, les « Lions » retrouvent le toit du continent, ses compagnons de combat, Makhtar Ndiaye, Cheikh Mbacké Diop, Boubacar Aw, Cheikh Dia « Yaya », Assane Ndiaye et la jeune génération dédient le cinquième titre continental du Sénégal à ... Etienne Preira.
Celui qui symbolise la perfection en basket réalise ainsi son rêve. Il gagne le titre continental par procuration. Il gagne surtout la médaille de la postérité.