LE CODE DES MARCHÉS EN QUESTION
LAT DIOP, DIRECTEUR DE LA DETTE ET DE L'INVESTISSEMENT
L’actuel Code des marchés publics doit être révisé. Telle est la conviction de Lat Diop, leader du front pour l’émergence et la prospérité (Fep) et directeur de la Dette et de l’Investissement au niveau du ministère de l’Economie et des Finances. M. Diop - qui se prononce sur d’autres questions - estime que ledit code est «une entrave pour le développement du pays».
Des voix s'élèvent depuis quelques jours pour réclamer la lumière sur l'octroi du marché pour la réhabilitation du Building administratif. Qu'en est-il réellement de ce marché ?
Concernant le Building administratif, ma posture de fonctionnaire de l'Etat ne me permet pas d'entrer dans le fond du sujet. Ce que je peux dire, c'est qu'il y a nécessité de revoir en profondeur le Code des marchés publics au Sénégal. Ce code est une entrave majeure à la commande publique pour les Pme et Pmi. Il faut voir les voies et moyens d'assouplir tout ça pour permettre à ces entreprises d'être
plus viables. Je pense qu'il est grand temps de revenir sur ce Code des marchés publics qui bloque le pays. ça, il faut avoir le courage de le dire. Quand on est un homme politique, il faut avoir l'habitude de situer les responsabilités et les priorités, mais également de faire des propositions sur les démarches à suivre. Je peux dire sans risque de me tromper que ce Code des marchés publics est mauvais pour le pays. Maintenant, il y a des gens qui sont gardiens de ce Code des marchés publics, qui ne vivent et n'existent que par ce code, à travers leurs avantages.
Concrètement, qu'est-ce qui vous gêne avec ce Code des marchés publics ?
Ce Code des marchés est très contraignant. Moi, en tant que responsable politique, j'en appelle à la vigilance du président de la République et à son pragmatisme, pour qu'il essaye de réunir toutes les conditions nécessaires pour permettre la révision en profondeur de ce Code des marchés publics. C'est une entrave majeure pour le développement du pays. Il faut reconnaître ses limites. Maintenant, pour en revenir au Building administratif, tous ceux qui étaient préposés à l'attribution de ce marché-là l'ont fait dans les règles. Si le marché a été attribué de manière indue ou obscure, mais, il y a des
instances régulières à saisir. Ma conviction est que les choses se sont passées normalement.
Dernièrement, il y a eu une mission du Fmi qui prédit un peu une atténuation de la croissance, à cause d’Ebola. Vous en dites quoi ?
Je pense que cela donne une explication, mais partielle de la situation économique du pays. Moi, je suis de ceux qui pensent que l’émergence et la croissance du pays devront se faire, ici, au Sénégal. C’est à partir du Sénégal qu’on doit poser les jalons d’une émergence et d’une croissance économique réelle. Et vous avez vu au Sénégal que tout se fait sur le dos de l’Etat. Il faut qu’on en arrive à une situation telle que, même le vendeur de ‘café Touba’ dans la rue paye les impôts sur les bénéfices. Tout le monde à Sandaga devrait payer les impôts sur les bénéfices. Je pense qu’il y a un certain nombre de mesures concrètes qu’il faudrait prendre à l’intérieur du pays pour que la croissance au Sénégal soit assise sur des bases claires. Mais, ce n’est pas en signant des conventions de financement, etc. Ce n’est pas ça qui va créer un décollage économique réel dans ce pays. Cette croissance économique-là, c’est nous qui devons la produire. On ne doit pas l’attendre de la Banque mondiale ou du Fmi. C’est ici qu’on doit créer la richesse. Maintenant, ça me donne l’occasion de constater qu’il n’y a pas de secteur privé fort au Sénégal. Quand il a fallu faire ces 17 tours-là à la cité de l’Emergence, les gens ont crié au scandale, pour dire que le secteur privé sénégalais a été écarté. Ce débat n’a plus de sens, dans un contexte où les économies sont globalisées, où il n’y a plus de frontières pour faire des affaires. L’Etat du Sénégal doit, certes, protéger les nationaux, mais aussi prioriser les intérêts de l’Etat, prioriser les intérêts des populations du Sénégal. Donc, il ne faudrait pas qu’on tue les intérêts de nos propres concitoyens au gré de ceux du secteur privé. Donc, moi je pense que par rapport à cette question-là, c’est un débat sur lequel on est largement revenu. Chacun y est allé de sa version. L’Etat ne doit pas avoir d’état d’âme pour dérouler des projets, quelle que soit l’issue du financement.
Que ce soit un financement privé, intérieur ou extérieur, ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est de réaliser des choses au profit et au grand bonheur des Sénégalais.
Le Président Macky est à mi-mandat, mais on a comme l’impression que le Sénégal a encore du mal à prendre son envol sous son magistère…
Dès son accession à la magistrature suprême, le président de la République a adopté un nouveau modèle de développement qui permettra d’inscrire le Sénégal sur la trajectoire de l’émergence. Les orientations stratégiques définies dans le Plan Sénégal émergent (Pse), cadre de référence de notre politique économique et sociale sur le moyen et le long terme, guideront les initiatives à prendre pour traduire la vision du chef de l’Etat en actions et résultats tangibles exclusivement pour le bénéfice des populations. A partir de stratégies globales et systémiques du Pse, un important effort de réalisations a été mené au bout de deux années d’exécution, à travers les politiques sectorielles menées dans le sens à conférer au Sénégal sa place dans l’économie mondiale et répondre à la demande d’emploi, de formation, de bien-être de sa population, etc. Le financement de projets et programmes, au coeur de l’émergence, ainsi que des mesures hardies entreprises par le chef de l’Etat, ont permis la réalisation d’investissements structurants et d’appui aux services sociaux indispensables à la croissance durable.
Ainsi, dans le domaine de l’agriculture, la nécessité d’assurer durablement de fortes productions agricoles pour permettre la réalisation des objectifs nationaux en matière de sécurité alimentaire, a favorisé la promotion des corridors céréaliers à travers notamment le Programme des domaines communautaires financé à hauteur de 100 milliards par la Bid. Les Domaines agricoles communautaires (Dac) vont ainsi fournir aux jeunes agriculteurs des espaces de production pérennes et d’échanges économiques de proximité. Dix Dac au total seront créés d’ici 2017 pour générer 300 000 emplois. A travers un programme national d’autosuffisance en riz, le Sénégal va injecter dans le secteur 32 milliards de F Cfa entre 2015 et 2016 pour atteindre une production de 1 080 000 tonnes de riz blanc. Ce qui permettra de freiner l’augmentation constante de la facture rizicole de notre pays qui s’élève à 200 milliards de F Cfa.
Sur le plan des infrastructures, le Sénégal a entrepris un vaste programme de construction de pistes rurales qui a pour objectif de contribuer à l’amélioration des conditions de vie en milieu rural à travers le désenclavement des Collectivités locales. Ainsi, 1200 km de pistes rurales seront construites grâce à un financement du Fond de l’Opep pour le développement international à hauteur de 5 milliards de F Cfa.