LE CONGAD LISTE LES MAUX DU FONCIER
NON-APPLICATION DES TEXTES, POLITISATION, MARCHANDISATION
Les principaux problèmes que rencontre le foncier au Sénégal sont confinés dans un seul document par le Conseil des ONG d’appui au développement (CONGAD). Et les maux se résument à la non-application de la loi, la politisation du foncier, sa marchandisation, la place importante des marabouts dans le foncier rural.
La commission nationale de la réforme foncière, dirigée par le Professeur Moustapha Sourang, pourra bien s’appuyer sur l’étude sur la gouvernance foncière que vient de réaliser le Congad.
Le Conseil des ONG d’appui au développement a procédé hier à la restitution de cette étude de capitalisation des expériences et travaux de recherches menée dans le cadre de la gouvernance foncière au Sénégal. Le document, de plus de 100 pages, passe en revue toutes les “bonnes” et “mauvaises” pratiques dans la gouvernance foncière.
Au Sénégal, l’essentiel des terres est régi par la loi de 1964. Cette dernière, selon le Congad, a aujourd’hui un demi-siècle d’existence. Et naturellement, elle commence à traîner des manquements. Son principal problème, analyse le Congad, est le fait qu’elle “est partout”, mais elle “est faiblement appliquée”.
Surtout en milieu rural où les lois coutumières sont plus connues et plus acceptées par les populations que la loi sur le domaine national”, explique le président des élus locaux. Et partout où il y a eu des problèmes fonciers, ces dernières années, c’est parce que, dit Alé Lo, la loi voulait être appliquée alors qu’elle n’était pas acceptée par les populations. Dans ces localités, la pratique coutumière est beaucoup plus acceptée que le droit.
Cependant, l’équipe du Conseil des ONG d’appui au développement a sillonné toutes les 14 régions du Sénégal pour avoir une idée sur la problématique du foncier au Sénégal. Le document final qui a été restitué hier fait état de “pratiques” peu orthodoxes de la gestion foncière. De mauvaises pratiques auxquelles s’adonnent parfois autorités décentralisées comme autorités déconcentrées, qui ne se soucient pas souvent du respect de la loi.
Ainsi, l’autre problématique ressortie dans le document est la “politisation du foncier”. Et le constat est général dans toutes les collectivités locales. Entre autres problèmes évoqués dans ce document et qui rame à contre courant d’une bonne gouvernance foncière au Sénégal :
la “place importante des marabouts dans la gestion foncière des collectivités locales”, “l’immobilier qui dispute l’espace avec les agriculteurs et les éleveurs”. C’est ce qui se passe actuellement dans la zone des Niayes que le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural a eu à visiter tout récemment.
Eviter le concept d’agro-business
Il s’y ajoute, parmi les problèmes décelés par le Congad, une forte “poussée de la marchandisation du foncier”, une activité à laquelle s’adonnent bon nombre de collectivités locales, surtout à cause de l’arrivée de “nouveaux usagers du foncier”. “Sur le terrain, nous avons constaté que le foncier du domaine national est devenu un bien commercial”, révèle le document du Congad.
Par ailleurs, face à une telle situation, la réforme en cours doit se faire dans une “démarche inclusive et participative”, invite le Directeur exécutif du Congad. D’après Boubacar Seck, toutes les parties prenantes -les jeunes, les femmes, les organisations de la société civile- doivent être impliquées. Avec ce document, la commission nationale sur la réforme foncière aura un “gain de temps et une bonne anticipation sur le travail”, informe le Professeur Moustapha Sourang.
Toutefois, l’ancien recteur de l’université Cheikh Anta Diop appelle à l’union tous les acteurs. Selon M. Sourang, “aucune réforme ne peut réussir si les acteurs n’y adhèrent pas profondément”. Dans la nouvelle réforme, il sera question, selon le professeur, de voir “comment concilier le droit à l’exploitation industrielle avec le droit à une agriculture familiale”.
“Je dis aux partenaires au développement qu’il faut qu’on évite de se focaliser sur le concept d’agro-business. Il faut qu’on change de concept et qu’on parle d’agriculture familiale, commerciale, nationale et étrangère. Cela permettra d’avoir un concept plus doux du point de vue de l’acceptabilité”, ajoute celui qui a succédé à Me Doudou Ndoye à la tête de la commission.