LE DÉFI DE L’INFORMATION
COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE
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Les autorités sanitaires ont présenté les grands axes et les objectifs de la Couverture maladie universelle (Cmu). De grandes ambitions, qui demandent encore à être concrétisées et… comprises.
«Partager les orientations du plan stratégique de développement de la Cmu pour aller vers une couverture d’au moins 75 % de la population d’ici à 2017». Le Ministère de la Santé et de l’Action sociale vient de décliner son plan d’information et de communication -à l’endroit en particulier- du secteur informel et du milieu rural. Le plan en question insiste sur un meilleur accès aux soins, sur la prévention, et sur les souscriptions aux mutuelles de santé. Qu’y a-t-il de neuf dans cette nouvelle stratégie ?
D’abord, les soins devraient devenir plus accessibles. Grâce à la généralisation de la Cmu, plus de la moitié de la population devrait être couverte d’ici à 2017, promettent encore les autorités. Alors que la couverture (consultations seulement) n’est accessible jusqu’à présent que pour les enfants de 0 à 5 ans, les médicaments seront également gratuits pour les personnes indigentes tant que cela ne dépasse les conditions souscrites dans les «paquets».
Une façon de débuter la mise en œuvre de façon progressive. Car, il faut le souligner, la couverture maladie universelle ne signifie pas gratuité totale puisque chaque Sénégalais devra s’acquitter d’une cotisation annuelle de 7 000 F CFA, subventionnée pour moitié par l’État – et en totalité en faveur des 20 % de ménages les plus pauvres.
Pour ce faire, un travail de ciblage a été déjà fait, se basant sur la base de données obtenue dans le cadre des bourses de sécurité familiale. «Toute personne éligible à cette bourse aura accès à des soins gratuits et sera prise en compte dans les fonds d’équité. Elle devra juste se présenter au niveau des mutuelles de santé, et l’Etat, par le biais du fonds d’équité, prendra en charge ses cotisations», assure-t-on. Aussi, il y aura un régime dédié aux personnes handicapées, dans le cadre de la «carte d’égalité des chances».
D’après Mame Abdoulaye Guèye, directeur de cabinet du ministre de la Santé et de l’Action sociale, qui a présidé l’ouverture de l’atelier sur ce plan d’information et de communication, l’objectif est de faire en sorte que ces populations puissent s’approprier le projet et qu’elles adhérent à des mutuelles de santé pour pouvoir bénéficier de soins de qualité. Mais aussi pour qu’elles puissent y trouver toutes les informations, les explications, de même que les nouvelles orientations de la politique de la Couverture maladie universelle.
Parmi celles-ci : l’organisation des mutuelles avec l’objectif fixé par le Ministère de la Santé qui est d’arriver à «une collectivité locale, une mutuelle de santé». Si l’objectif du Plan stratégique de développement de la CMU 2013-2017 est d’atteindre un taux de couverture de 75 %, le dispositif pour y parvenir s’appuie d’abord sur le renforcement et la multiplication des mutuelles de santé communautaires, dont le nombre devrait passer de 250 à 500.
En d’autres termes, tel que prévu par le projet «Développement de la Couverture Universelle par l’Assurance Maladie dans le contexte de la Décentralisation» (DECAM), il faudrait au moins que dans chaque collectivité locale de base, soit implantée une mutuelle de santé. Cependant, cet objectif devrait d’abord s’arrimer aux réalités démographiques d’une collectivité à une autre.
Surtout si l’on sait que la taille de la population des collectivités locales des départements pilotes, varie largement de moins de 5.000 habitants dans les petites communautés rurales à plus de 200.000 d’habitants dans les chefs-lieux de départements. Par conséquent, la structuration des mutuelles de santé devrait s’adapter à cette diversité.
Pour les communautés rurales et les communes de petite taille, explique le projet DECAM, une mutuelle de santé communautaire subdivisée en sections est mise en place. Pour les communautés rurales et les communes de taille relativement importante, une mutuelle de santé communautaire est mise en place dans chacune des 27 subdivisions de la collectivité locale : une mutuelle par secteur dans les communautés rurales ; une mutuelle par quartier dans les communes.
«Ces mutuelles seront soutenues par l’Etat à hauteur de 50 % par rapport aux cotisations des mutualistes. Un fonds d’équité sera également mis en place. Il permettra de prendre en charge les populations démunies et sera alimenté par l’Etat, les collectivités locales et des partenaires techniques et financiers», ajoute le directeur de cabinet Guèye.
Demarrage timide
Depuis le 1er octobre 2013, le dispositif a déjà été mis en œuvre et la Couverture maladie universelle (CMU) déroule. Dans cette première phase, elle cible la petite enfance. Selon les autorités sanitaires – et même si d’importants progrès ont été réalisés – le taux de mortalité s’élève encore à 72‰ chez les enfants de moins de 5 ans.
Pour ces derniers, les tickets de consultation, de vaccination et d’hospitalisation sont désormais gratuits dans tous les postes et centres de santé, ainsi que pour les urgences hospitalières. Et à compter de ce mois de janvier 2014, la prise en charge des moins de 5 ans devrait être totale dans les postes et centres de santé ainsi qu’aux urgences des hôpitaux. Cela, en plus de la gratuité de la prise en charge, incluant les médicaments. Révolutionnaire !
Toutefois, malgré le lancement officiel de la CMU et l’effectivité de la gratuité pour les enfants de moins de cinq ans, peu de Sénégalais semblent bien informés, et les professionnels de la santé, avertis au dernier moment, s’inquiètent encore de la mise en œuvre de la gratuité des soins.
En effet, beaucoup redoutent aujourd’hui des difficultés de recouvrement, une surcharge de travail sur des personnels déjà bien en deçà des normes. Le spectre du plan Sésame plane toujours. D’après certaines informations glanées ça et là, nombre de structures (postes de santé en banlieue surtout) n’ont pas encore pris le rythme de cette mesure ou ne l’appliquent pas encore comme le veut la nouvelle politique. Pis, les quelques parents interrogés avouent ne pas être bien au fait de la mesure.
D’ailleurs, dans le plan d’information et de communication, l’accent a été surtout mis sur la nécessité d’arriver à une compréhension plus élargie de la couverture maladie universelle. Car d’après les autorités sanitaires, 80% des personnes cibles ignorent le concept ; d’autres, par contre (20%), n’en ont qu’un aperçu. Un beau défi !
Objectif : 75 % de la population d’ici à 2017
En présidant le lancement officiel de la Cmu le 20 septembre 2013, Macky Sall invitait déjà les populations du monde rural et les travailleurs du secteur informel à adhérer massivement aux mutuelles de santé ; et les personnes déjà membres d’une mutuelle de santé, à régulariser les cotisations des membres de leurs familles.
Pour le Chef de l’Etat sénégalais, les mutuelles de santé constituent, pour le moment, la stratégie la plus efficace pour faire bénéficier de la Couverture Maladie Universelle aux 80% de citoyens (monde rural et du secteur informel) qui ne bénéficient d’aucune couverture du risque maladie.
Plusieurs autres mesures ont été annoncées par le Président de la République. Parmi celles-ci : la création de la Caisse Autonome de Protection sociale Universelle (CAPSU) par le Ministère de l’Economie et des Finances au courant du premier trimestre de l’année 2014, la mise en place de mécanismes de financements innovants faisant appel à la contribution du secteur privé, des collectivités locales, des ONG, des partenaires au développement et à la taxation de produits néfastes pour la santé.