LE DÉLIT DE PRESSE EN QUESTION
Affaire opposant Wade à Dansokho - Contestant la condamnation par défaut de ses journalistes, reconnus coupables de complicité, le Groupe Avenir communication, éditeur du journal "Le Quotidien", fait opposition au verdict du tribunal

Le tribunal correctionnel de Dakar, qui a condamné le ministre d’État Amath Dansokho pour diffamation au préjudice de l’ancien Président Abdoulaye Wade, pourrait être amené à revoir sa copie. Le journal Le Quotidien dont le directeur de publication et le correspondant à Vélingara ont été également condamnés dans cette affaire, en tant que complices, ayant décidé de faire opposition au verdict.
Entre l’ancien Président Abdoulaye Wade et Amath Dansokho, l’on se dirige vers les prolongations. Le tribunal correctionnel de Dakar qui, le 2 avril, a condamné le second à trois mois avec sursis et 10 millions de francs Cfa d’amende, pourrait rejuger l’affaire. Le Groupe Avenir communication, éditeur du journal Le Quotidien ayant décidé de faire opposition à la décision. Ce, pour contester la condamnation par défaut du directeur de publication du titre, Mouhamed Guèye (six mois avec sursis), et de son correspondant à Vélingara, Abdoulaye Camara (trois mois avec sursis).
"On va faire opposition au jugement. Ce qui rend le verdict non avenu", informe Me Mbaye Dieng, avocat du Groupe Avenir communication contacté par www.SenePlus.Com. Du coup, Amath Dansokho et Abdoulaye Wade ainsi que les journalistes mis en cause devraient se retrouver devant le tribunal pour un nouveau procès.
Mais en toile de fond du face-à-face entre l’ancien Président et le ministre d’État, cette affaire pose la question du délit de presse au Sénégal. Lequel, avise Bouna Manel Fall, expert en droit des médias, "n’est pas constitué sans publicité, c’est-à-dire sans diffusion des propos incriminés par un organe de presse".
Ce principe constitue une anomalie de l’avis d’acteurs des médias sénégalais contactés par SenePlus. "Ce qui me surprend, c’est d’être condamné par défaut à une peine plus lourde que celle du principal prévenu (Amath Dansokho, qui a pris trois mois avec sursis et 10 millions de francs Cfa). La loi sur le presse est mal faite", s’insurge Mouhamed Guèye, le directeur de publication du Quotidien.
"On s’attaque au métier de journalisme, fulmine Madiambal Diagne, l’administrateur du Groupe Avenir communication. Si on ne peut plus relayer les propos des hommes publics, il y a problème. La presse doit s’organiser pour mener le combat."
Le secrétaire général du Synpics acquiesce : Ibrahima Khaliloulah Ndiaye se dit "indigné" par la condamnation des journalistes du Quotidien. "On aurait pu leur infliger des sanctions financières, suggère-t-il. Cet épisode rend plus pertinent notre combat pour la dépénalisation des délits de presse ; il est temps d’en finir avec les peines privatives de liberté."
Le responsable syndical appelle l’État à être "dans une dynamique plus positive". Il dit : "La justice doit se prononcer sur les véritables problèmes de la presse. Elle doit jouer son rôle dans le combat contre les licenciements abusifs de journalistes, l’absence de contrat de travail dans de nombreux organes de presse, etc."
Dansokho a été trainé devant les tribunaux par Wade pour avoir soutenu que ce dernier se déplaçait, à chacun de ses voyages à l'étranger en tant que président, avec des milliards dans la soute de son avion. Une déclaration qui lui vaut une condamnation à trois mois avec sursis et dix millions d'amende.
Le Quotidien, pour avoir relayé les propos jugés diffamatoires de Dansokho, a vu son directeur de publication, Mouhamed Guèye, et son correspondant à Vélingara, Abdoulaye Camara, condamnés respectivement à six et trois mois de prison, des peines assorties de sursis.
À l’heure où la pré-campagne en vue de la prochaine présidentielle est lancée, l’État aurait-il décidé de placer une arme de dissuasion massive au-dessus de la tête des journalistes sans qui les propos aigres-doux susceptibles de polluer l’espace public, resteraient confidentiels ?