LE DERNIER RETOUR À QUNU
MANDELA EST RENDU À LA TERRE DE SES ANCÊTRES DIMANCHE, DANS SON VILLAGE D'ENFANCE, DANS LE SUD-EST DE L'AFRIQUE DU SUD. IL A EU DROIT AUX FUNÉRAILLES D’ÉTAT, MARQUÉES PAR HONNEURS MILITAIRES ET RITES XHOSAS
QUNU (Afrique du Sud), 15 déc 2013 (AFP) - Nelson Mandela était rendu à la terre de ses ancêtres dimanche, dans le village rural de Qunu, dans le sud-est de l'Afrique du Sud, où ont débuté des funérailles d'Etat, marquées par honneurs militaires et rites xhosas.
La cérémonie, qui rassemble 4.500 personnes, dont quelques dignitaires étrangers sous une immense tente dressée sur la propriété de Mandela, a commencé vers 8H15 (06h15 GMT) retransmise en direct à la télévision, et suivie sur des écrans géants à travers tout le pays.
Après dix jours de deuil national en Afrique du Sud, et plusieurs jours d'hommages publics internationaux, l'ancien président décédé le 5 décembre à l'âge de 95 ans va être inhumé en milieu de journée, où il l'avait souhaité, auprès de ses parents et de trois de ses enfants à Qunu. C'est là que ce géant du XXe siècle passa les meilleurs moments de son enfance.
"Quand un homme a accompli ce qu'il considère comme son devoir envers les siens et son pays, il peut reposer en paix. Je pense que j'ai fait cet effort", estimait dès 1996 le héros de la lutte anti-apartheid. Dix-sept ans plus tard, l'heure est venue de ce dernier repos.
Réalise ta promesse
Les funérailles ont commencé avec l'arrivée sous la tente du cercueil recouvert du drapeau sud-africain, au son de l'hymne religieux "Lizalis indiga lakho" (réalise ta promesse), suivi de l'hymne national Nkosi sikelel' iafrika (Dieu bénisse l'Afrique).
Dans une brève allocution d'ouverture, la présidente de l'ANC Bakela Mbete a salué en Mandela l'homme qui a "tiré le pays de l'asservissement, vers l'Afrique du Sud d'aujourd'hui".
Les funérailles devaient durer plus de deux heures, avec un caractère clairement plus intime que les hommages des derniers jours, en particulier l'hommage de 60.000 personnes mardi dans un stade de Soweto, près de Johannesburg, en présence d'une centaine de chefs d'Etat et de gouvernements.
Le président américain Barack Obama avait salué en Mandela un "géant de l'Histoire".
Sous le dôme, des officiels de l'ANC, de membres de la Ligue des femmes chantaient et dansaient en attendant le début de la cérémonie, alors qu'une salve de canons, résonnait dans la vallée de Qunu, saluant le transfert du cercueil de la maison Mandela au lieu de la cérémonie.
A l'intérieur, le portrait géant de Mandela, souriant, forcément, faisait face à l'assistance, derrière deux rangées de chandelles.
Un représentant de la famille Mandela, sa petite-fille Nandi, des dirigeants africains, comme les présidents tanzanien Jakaya Kikwete, et Joyce Banda, du Malawi, devaient prendre la parole, ainsi que le président sud-africain Jacob Zuma.
Les amis de Mandela et des personnalités étrangères, le prince Charles, les anciens ministres français Lionel Jospin et Alain Juppé, ou l'entrepreneur Richard Branson et militant américain des droits civiques Jesse Jackson assistent à la cérémonie.
Pendant deux heures, pour beaucoup devant des écrans, l'Afrique du Sud devait se figer dimanche. De nombreux magasins ont annoncé qu'ils resteraient fermés, contrairement à l'usage dans la période qui précède Noël.
En terre loin des regards publics
A 10H00, les caméras s'éteindront, et le rideau se baissera sur les funérailles Mandela avant l'inhumation de l'ancien président, loin du regard du public.
Sa famille a souhaité pouvoir le mettre en terre à l'écart des médias.
Privée de son patriarche pendant ses 27 ans de prison, obligée de le partager ensuite avec la nation puis le monde entier, elle pourra se le réapproprier pour un dernier adieu.
Seules 450 personnes, des proches donc, doivent assister à l'inhumation, dans un coin du domaine familial, une cérémonie dirigée par des chefs du clan Thembu, une branche de l'ethnie xhosa.
Ce sont des anciens du clan, également, qui ont veillé le corps dans la nuit. Ce sont eux aussi qui devaient communiquer avec les ancêtres lors des rituels depuis samedi, afin d'apaiser l'esprit du défunt.
Un boeuf devait être sacrifié pour contenter les esprits des ancêtres et s'assurer qu'ils réservent un bon accueil au père de la Nation arc-en-ciel.
Dès l'aube aux portes de la propriété Mandela, dont tous les accès routiers sont coupés depuis plusieurs jours, des résidents de Qunu s'étaient rassemblés dimanche matin, espérant pouvoir se glisser à l'intérieur.
"Je suis là depuis hier soir, j'ai dormi à l'arrière d'un pick-up", déclarait Nomvula Luphondo, un enseignant de 44 ans, portant . "Peut-être qu'ils vont me laisser entrer ? Ce serait bien de pouvoir dire au revoir".
D'autres se résignaient à n'avoir pas accès.
"Si la famille le ressent comme cela, qui sommes nous pour dire quelque chose ? C'est leur corps, leur Mandela, a eux de décider. Qu'il ait été chef de l'Etat ou pas", estimait Gugulethu Gxumisa, 19 ans, qui vit près de l'ancienne école de Mandela à Qunu. "L'essentiel est que ce soit ici, que les gens ressentent les funérailles".
Pendant toute la cérémonie, les journalistes - plus de 3.000 se trouvent sur place - sont tenus à l'écart, comme ils sont depuis quatre jours refoulés à toutes les routes d'accès coupées vers la propriété des Mandela.
Son enterrement mettra un point final à dix jours de deuil et d'hommages à celui qui a réussi le "miracle sud-africain": la fin de l'apartheid sans plonger son pays dans la guerre civile. Son crédit, déjà énorme auprès de la population noire qu'il a libérée, avait encore grandi lors de sa présidence (1994-1999) placée sous le sceau du pardon envers la minorité blanche.
L'amour de son pays s'est manifesté de mercredi à vendredi quand 100.000 personnes sont venues s'incliner sur sa dépouille exposée dans un cercueil semi-ouvert au siège de la présidence, à Pretoria.
Souvent effondrés, les Sud-Africains avaient pu jeter un dernier regard sur le visage de leur icône, les traits figés pour l'éternité. Et peut-être auraient-ils souhaité déceler un mouvement à la commissure des lèvres...
"Je ne doute pas un seul instant que lorsque j'entrerai dans l'éternité, j'aurai le sourire aux lèvres", avait écrit Mandela en 1997.