LE DOUBLE-JEU DE MACKY SALL
CANDIDATURE DE MAKHTAR DIOP POUR LA PRÉSIDENCE DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
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Hier, les services du ministère de l’Économie et des Finances se sont fendus d’un communiqué pour signaler que le Sénégal ne présentera pas la candidature de Makhtar Diop au poste de président de la Banque Africaine de Développement (Bad). Quel besoin pour les autorités sénégalaises de faire une précision aussi superfétatoire ? Cette précision s’apparente à une opération de rachat après l’écart commis par le Président Macky Sall en parrainant la candidature de Makhtar Diop à travers des lettres de recommandations adressées à cet effet à ses collègues chefs d’Etat.
"Le Sénégal ne présentera pas la candidature de M. Makhtar Diop au poste de président de la Bad", ont informé hier les autorités gouvernementales à travers un communiqué laconique du ministère de l’Économie et des Finances. L’annonce de cette nouvelle a poussé beaucoup d’observateurs à se poser des questions sur son opportunité, son objectif ainsi que ses principales motivations. Le pourquoi de ce communiqué préoccupe fortement des interlocuteurs qui évoluent dans les arcanes du pouvoir.
"Un communiqué pour dire que le Sénégal présente la candidature d’untel, c’est la coutume. De même, on aurait parfaitement compris qu’un communiqué soit publié pour annoncer le retrait d’une candidature qu’on avait parrainée auparavant. Mais c’est la première fois qu’on voit un communiqué dans lequel on soutient qu’on ne présente pas la candidature de celui-ci ou de celui-là", s’écrient de nombreuses voix qui relèvent ainsi beaucoup de non dits dans la note publiée par les services du ministère de l’Économie et des Finances.
Pourquoi le Sénégal "lache" Makhtar Diop
Contrairement à la version officielle, renseignent des sources dignes de foi, le Président Macky Sall a parrainé la candidature de Makhtar Diop pour la présidence de la Banque africaine de développement (Bad). "En mai-juin derniers, Makhtar Diop a soumis au président de la République son désir de succéder à Donald Kaberuka avant de déployer auprès de ce dernier un intense lobbying pour bénéficier de son parrainage. Ses efforts ont été payants. D’autant que le Président Macky Sall a adressé de nombreuses lettres de recommandations à quelques chefs d’Etat pour leur demander d’appuyer la candidature de son protégé", informent nos sources avant de poursuivre leurs révélations : "malheureusement pour eux, ils ont agi en solo parce qu’il n’y avait pas de consensus ouest-africain. Le Président Macky a commis l’erreur de n’avoir sollicité au préalable le soutien ni de la Cedeao, ni celui de l’Uemoa".
Et cela a beaucoup pesé sur la balance et desservi Macky Sall et son candidat. Mais ce qui va contribuer davantage à plomber la candidature de celui qui était jusqu’à récemment le Vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique, ce sont les plaintes de ses concurrents pour le fauteuil de Président de la Bad. Ces derniers ont en effet saisi certains chefs d’Etat en accusant Makhtar Diop de profiter de son poste à la Banque mondiale pour battre campagne.
A l’heure actuelle, trois pays ont officiellement désigné leurs candidats pour la succession du Rwandais Donald Kaberuka en poste depuis 2005. Il s’agit d’abord du Tchad qui a annoncé la candidature de son ministre des Finances et du Budget, Bédoumra Kordjé. Ancien vice-président de la Banque africaine de développement jusqu’en 2012, ce dernier a débuté sa carrière au sein de la BAD au début des années 1980 comme expert, avant de passer responsable de service, directeur de département, secrétaire général puis vice-président. Il y a ensuite le Mali avec la candidature de Birima Boubacar Sidibé, actuel vice-président chargé d’opérations à la Banque islamique pour le développement (Bid) et ancien haut cadre de la Bad.
Enfin, vient le Cap-Vert dont la candidate est Cristina Duarte qui fut en 2006 ministre des Finances et du Plan de son pays après avoir occupé de hautes responsabilités dans les instances internationales. Cela dit, les autorités étatiques ont le besoin subit de prendre leurs distances avec la candidature (plombée?) de celui qui fut le premier ministre de l’Économie et des Finances sous Abdoulaye Wade, expliquent des voix autorisées, dans le but de sauver les meubles et de permettre à Makhtar Diop de conserver son poste à la Banque mondiale.
"Le Président Macky Sall veut peser de tout son poids pour que Makhtar Diop ne perde pas son poste", d’après des informations. Pour cela, il leur faut impérativement de bons gages de fidélité aux dirigeants de la Banque mondiale. Seulement, certains de nos interlocuteurs n’ont pas beaucoup d’espoir sur les chances de notre compatriote de retrouver ses fonctions de Vice-président pour la Région Afrique. Si l’on sait qu’il est le premier Africain francophone à occuper ce poste où il avait remplacé la Nigérianne Obiageli Ezekwesili.