LE FRANÇAIS ET NOUS
LE FRANÇAIS ET SES SUBTILITÉS SONT LA RAISON D’ÊTRE DE CETTE CHRONIQUE DU PROFESSEUR OUMAR SANKHARE
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C’est par le Sénégal que la langue française a été introduite en Afrique. Notre pays est en effet la première colonie où fût ouverte une école française, précisément à Saint- Louis.
Autant dire l’ancienneté de cette langue sur notre territoire national qui a révélé en 1920 le premier écrivain africain, Amadou Mapathé Diagne, l’auteur des « Trois volontés de Malic », et surtout en 1935 le premier agrégé de grammaire qui allait devenir le premier académicien noir, Léopold Sédar Senghor, le père de la Francophonie.
Mais voilà qu’aujourd’hui, le Sénégal est en passe de devenir le pays d’Afrique où l’on parle le français le plus fautif et le plus incorrect. Comment en est-on arrivé là ?
Plusieurs raisons pourraient expliquer cette régression du niveau des Sénégalais en français. Il est possible de dénoncer l’état catastrophique où se trouve l’Ecole sénégalaise avec ses effectifs pléthoriques, son système de double flux, ses cohortes de volontaires ou de vacataires qui en savent très souvent moins que leurs élèves !
À cela s’ajoute la réduction scandaleuse du temps de travail qu’entraînent les innombrables fêtes et jours fériés, sans compter les multiples grèves et vacances scolaires.
Hostile à la maîtrise du français est aussi l’environnement intellectuel des Sénégalais qui, dans les textes officiels, les inscriptions et les journaux ne voient et n’entendent que du « farançais ndialakhâr ».
Mais le mal le plus profond et le plus insidieux réside dans ce nationalisme de mauvais aloi qui revendique, comme le disait l’écrivain Mamadou Traoré Diop, « le devoir patriotique de mal parler le français ».
Telle semble être du reste l’opinion de certains linguistes autoproclamés qui ont l’art de faire de l’enseignement des langues nationales un fonds de commerce politicien et qui prétendent qu’aucun Etat ne s’est développé avec l’usage d’une langue étrangère. C’est simplement ignorer que le français n’est pas né sur le sol de l’Hexagone, que la langue de Molière est plutôt celle de Jules César.
C’est bien ce conquérant romain qui, en 52 avant J.-C., battit les Gaulois de Vercingétorix à Alésia et leur imposa sa langue, le latin, qui, par suite d’une évolution historique, a donné naissance au français.
Dès lors, il devient patent que le français constitue, pour nous autres Africains, un précieux patrimoine culturel que nous a légué la colonisation française au même titre que les Français eux-mêmes qui ont reçu cette langue de la colonisation romaine.
Mieux, la diversité linguistique représente une grande richesse que nous devons sauvegarder en nous enracinant dans notre civilisation par l’étude de nos langues nationales et en nous ouvrant aux autres peuples par l’acquisition des langues étrangères les plus parlées à travers le monde.
Comme le français nous est échu en partage par le biais de l’histoire, efforçons-nous sans complexe de nous l’approprier et de le maîtriser. Voilà l’objectif pédagogique que se propose cette nouvelle rubrique que nous avons l’honneur d’animer.
Nous vous saurions donc gré de bien vouloir nous interpeller sur les questions de langue qui vous préoccupent. Et c’est avec un immense plaisir que nous tâcherons alors d’engager le dialogue avec vous, lecteurs du « Soleil ». Bonnes vacances francophiles !