VIDEOLE "JT RAPPÉ" EN SURSIS
FAUTE DE MOYENS FINANCIERS POUR SA RÉALISATION
Avis aux amoureux du Journal télévisé rappé : bienvenue, installez-vous, on a des nouvelles pour vous. Une bonne, une mauvaise, on a des nouvelles pour vous. Dans cet entretien exclusif avec SenePlus, Keyti, l’un des co-présentateurs, informe que leur JT gagne en audience de jour en jour. C’est la bonne. Le rappeur ajoute néanmoins que leur ‘’produit’’ risque de disparaître faute de moyens financiers conséquents pour sa réalisation. Voici la mauvaise.
Au quatrième étage d’un immeuble planté au cœur de Liberté 6, Keyti procède aux dernières retouches sur le 18e épisode du Journal télévisé rappé qui sera diffusé le lendemain, vendredi 23 août. Il est 20 heures pétantes. En recevant l’équipe de SenePlus dans son minuscule bureau aux étagères bourrées de livres, de documents et de Cd, le co-présentateur du JT, avec Xuman, était à la bourre. Avant l’entretien, il faisait remarquer à son interlocuteur à l’autre bout du fil que le son et les images du prochain JT sont nickel, mais que quelques correctifs sont nécessaires sur les titres. Le lendemain, les ajustements signalés seront apportés avant la diffusion sur la 2sTv et sur internet.
Le même rituel est répété chaque jeudi, jour d’enregistrement du JT depuis son lancement au mois d’avril dernier. Keyti devra s’y plier encore à six reprises pour boucler les 24 numéros de la Saison 1. Au-delà, ce sera le flou. Il ne sait pas s’il y aura une suite. ‘’Si on boucle la Saison 1, au mois d’octobre, et qu’il n’y a personne qui se pointe, il est très peu probable qu’il y ait une Saison 2’’, annonce le complice de Xuman en se calant un peu plus sur son siège.
Le JT rappé, un business
En dépit se son cachet ‘’initiative citoyenne’’, le JT rappé est un véritable business. Keyti acquiesce : ‘’Il y a des coûts de production. Chaque édition revient à 500 mille francs Cfa minimum. C’est vrai que nous sommes partis sur un principe de collaboration avec ‘Level studio’, mais (ce partenaire) ne peut pas faire travailler son personnel sur un produit qui ne rapporte pas. Il a pris la décision de faire cette collaboration en espérant pouvoir rentabiliser le produit. Il doit payer des salaires à son monteur, son cameraman et à celui qui fait les graphiques.’’
Et ce qui est valable pour le personnel de ‘’Level studio’’ l’est aussi pour les deux présentateurs du JT. Les deux rappeurs veulent vivre de leur art. ‘’Xuman a sa structure, indique Keyti. A la fin de l’année, les impôts vont tomber. On va dire qu’il y a le JT rappé alors que finalement, il n’y a rien. On est des chefs de famille aussi. On a le loyer à payer, l’eau, l’électricité, le téléphone, le transport, l’école des gamins. Nous devons vivre de ce que nous faisons.’’
D’autant qu’au Sénégal, souligne l’ancien membre du groupe Rapadio, le rap, la musique de façon générale, ne nourrit plus son homme. ‘’A la base, quand on a commencé (le JT), c’était beaucoup plus dans une optique commerciale, pour dire la vérité. Parce que la façon de vendre la musique a changé, le rapport des gens à la musique a changé. Il faut essayer de contourner ces difficultés-là et se réadapter pour pouvoir donner de la musique aux gens et se faire de l’argent. Justement, c’est pourquoi le JT rappé est beaucoup plus format internet que télé.’’
Gagner de l’argent sans vendre son âme
Malgré cet horizon incertain, Keyti garde son optimisme, confiant de la valeur (artistique et commerciale) du JT rappé. ‘’C’est (les difficultés) une étape nécessaire, relativise-t-il. On est en train de voir ce qu’on peut gagner avec des sponsors, avec certaines organisations. C’est là où le côté citoyen de l’initiative nous sert. Il y a des subventions qui sont là, disponibles. On va essayer de les capter. C’est vrai qu’on est une boîte commerciale, mais ce que nous faisons à une portée civique. On n’attend pas qu’on nous demande de communiquer sur les élections pour le faire. On n’attend pas qu’on nous demande de communiquer sur le danger des sachets plastiques pour le faire. On le fait de nous mêmes. Parce qu’on essaie de joindre l’utile à l’agréable.’’
Mais, il y a une ligne rouge à ne jamais franchir. Le JT rappé veut capter des financements, histoire d’assurer sa survie, mais pas question de vendre son âme. Keyti indique que lui, comme Xuman, reste à cheval sur leur liberté de ton et leur droit d’aborder les sujets de leur choix. C’est pourquoi, informe-t-il, ils n’ont pas hésité à repousser des ‘’offres financièrement intéressantes’’, mais qui risquaient de leur coûter leur indépendance. Leur raison d’exister.
Voilà une bonne nouvelle pour les fans du JT rappé, qui ont déjà entendu la mauvaise.