LE MICRO-JARDINAGE AU SENEGAL : Voie de développement
Pour atteindre la sécurité alimentaire, le Sénégal se met au micro-jardinage pour résorber son gap en fruits et légumes. Reportage à Liberté 6 et à Mbao, terrains fertiles de cette nouvelle culture génératrice d’emploi.
Une chaleur exécrable règne au rond-point liberté 6 où le marché hebdomadaire du Front de terre a déployé stands et commerçants. A quelques encablures du marché aux puces, Maman Africa arrose ses plantes. Mame Penda Diouf, au civil, s’active dans le micro-jardinage depuis 1999, date de son apparition au Sénégal. Ni les klaxons des véhicules, ni la forte circulation ne l’ébranle. Elle est presque seule au monde, seule avec ses plantes qui sortent des « tables » installées depuis 2010.
La soixantaine presque atteinte, la mine radieuse, Maman Africa, telle une commerciale, vante les vertus de cette nouvelle forme de culture : « le micro-jardinage permet d’avoir une alimentation saine, riche, variée, diversifiée et équilibrée. En plus, elle permet de lutter contre la pauvreté et le chômage ». Des familles se nourrissent du micro-jardinage. 110 bénéficiaires issus du milieu rural ou estudiantin vivent du secteur générateur de revenus. «Un toit, un micro-jardinage, la faim sera vaincue et la pauvreté éradiquée », fredonne Maman Africa. Peu importe la méthode, en sol ou hors sol, le bio est dans la place. Et tente de résorber le gap de la production agricole.
A Liberté 6, on cultive du riz, du blé, de la plante à moutarde et des épices qui peuvent bien remplacer les bouillons qui nuisent souvent à la santé. Autres légumes présents à Liberté 6, la salade, le chou, la menthe. Ici, on a été à l’école de la Fao entre 2006- 2010. 19 communes de Dakar réparties en 10 centres de formation et de démonstration ont bénéficié de l’appui technique de la Fao. Tout comme ces paysans de Mbao l’ont été en 2008. « Le pays peut se rattraper sur le blé, puisque la farine qui connaît des hausses, est souvent la cause de bon nombre de disputes entre l’Etat et les consommateurs », souffle Mame Penda Diouf (Maman Africa).
Elle va plus loin en affirmant que l’Etat du Sénégal pouvait même ne plus importer, étant donné que des études ont prouvé que la population va connaître un accroissement d’ici à 2050. Si cette population est quintuplée, le marché de l’importation deviendra un véritable champ de bataille. Mais pourquoi, s’interroge-t-elle, importer alors qu’on a le soleil 24h/24 ? Dans certains pays, pour cultiver, ils sont obligés d’allumer des lampes parce qu’il leur manque l’astre du jour. Ils peuvent rester des jours sans l’apparition du soleil.
Droite dans ses bottes vertes, Maman Africa, la militante de la protection de l’environnement, ajoute : «Non seulement le micro-jardinage prône l’éradication de la pauvreté, il participe à la bonne santé de la population puisque les arbres diminuent le taux de pollution qui constitue un véritable casse-tête pour notre pays », argue Maman Africa, qui est une préparatrice en pharmacie. L’une des raisons qui l’ont poussée à cultiver des plantes médicinales telles que la tisane miracle, la menthe de Médine qui lutte contre la migraine, l’asthme, la tension artérielle, entre autres.
L’autre difficulté du micro-jardinage réside dans la formation des acteurs. A Mbao, les femmes souffrent de ce handicap, mais Dieynaba Mendy, Mansata Corréa et Sona Mendy, Dianké Mendy… originaires de Ziguinchor, compensent avec leur expérience de rizicultrices. « Nous voulions même cultiver le riz dans ces champs mais ce sont les oiseaux qui constituent notre bête noire. De plus, les moyens font défaut ». Pour l’heure, elles se contentent de la culture de tomates, d’haricots, de bissaps ou de concombres. Pieds nus dans la boue, vêtues d’un court pagne, d’un tee-shirt, et d’un mouchoir de tête pour être un peu à l’abri du soleil, elles sollicitent « une aide pour l’éclairage et des matériels agricoles modernes ».
En écho, Ousmane Sow, cet homme âgé de 58 bougies qui pratique le micro-jardinage depuis une quinzaine d’années, réclame un nouveau bassin de rétention. Le paysan se plaint des inondations. Durant l’hivernage, ces derniers connaissent une baisse incommensurable sur leurs revenus. « Les eaux de pluies qui, d’habitude, se déversaient dans le bassin de rétention inondent nos champs. Conséquence ? La moitié de nos cultures sont dans la chienlit de ces eaux », révèle M. Sow.
Dans les périodes de vaches à lait, les cultivateurs ne se plaignent pas trop. Ils écoulent leur produits aux marchés Thiaroye, Castors et Gueule Tapée ou, parfois même, font la vente sur place. Le kilogramme de concombre varie entre 500 et 600F Cfa, celui de la tomate s’échange entre 350 et 400F Cfa et le sac d’oignon se vend entre 8.000 et 10.000 FCfa.
Trucs et astuces
Pour pratiquer du micro-jardinage, plusieurs techniques sont utilisées. Dans certaines cultures en sol, la terre est mélangée à du compost ou du fumier (les ordures ménagères). C’est la technique qu’utilisent les hommes et les femmes qui ont leur micro-jardinage en face des Industries chimiques du Sénégal (Ics), une localité située sur la route nationale, entre Petit Mbao et Fass Mbao. A Liberté 6, on pratique leur micro-jardinage sur des tables, c’est la culture bio hors sol et sans pesticide.
Pour cela, elles utilisent des matériaux de récupération tels que les pneus, les bidons en plastique, entre autres et les plaques d’arachide servent de support. En ce qui concerne les engrais, elles utilisent des oligos, les éléments dont le corps humain a besoin et des produits phytosanitaires, pour celles qui se trouvent en face des Ics de Mbao. Les femmes de Liberté 6 font leur arrosage une fois dans la journée et celles de Mbao ne le font pas. Pourquoi ? L’engrais qu’elles utilisent peut servir d’arrosage. Si ces dernières se plaignent de vers qui gâchent leurs cultures, celles de Liberté 6 disent être à l’abri des vers comme elles ont leur méthode pour chasser ces derniers. Leur méthode est toute simple, elles attachent des sachets plastiques noirs sur les branches des arbres et s’ils flottent, cela fait peur aux mouches.