LE MINISTRE DES FINANCES ANNONCE DES MESURES FISCALES, DONT UN NON-REVERSEMENT DES TAXES
SOUTIEN AUX ENTREPRISES EN DIFFICULTES

Rencontrant les acteurs du secteur privé, hier, le ministre de l’Economie et des Finances a annoncé une batterie de mesures, dont des allègements en matière fiscale pour soutenir les entreprises en difficultés et sortir de la morosité économique.
Le ministère de l’Economie et des Finances a rencontré, hier, les acteurs du secteur privé. A cette occasion, Amadou Ba a annoncé de nombreuses mesures en vue de sortir les entreprises sénégalaises qui sont en difficultés de la morosité économique ambiante. Le ministre dit, en effet, s’être interrogé sur comment son département pouvait le mieux être utile au secteur privé. Il confie avoir ainsi «demandé à un de ses services les plus performants, la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) de mener l’enquête en s’appuyant sur les méthodologies rigoureuses qui sont les siennes. Et l’étude de la Dpee a confirmé que la morosité de la situation économique était due davantage à des contraintes endogènes qu’à des facteurs exogènes».
«L’Etat n’a pas d’emprise directe sur la politique des banques en matière d’octroi des crédits»
Il pointe ainsi la contrainte liée au crédit qui, «en plus d’être cher», est aussi «d’accès difficile». Il y a, également, selon lui, «le mauvais fonctionnement du marché intérieur ». Car, «trop d’entreprises, dans le secteur industriel, offrent des pratiques illicites telles que la concurrence déloyale et la contrefaçon. La faible productivité et l’environnement des affaires».
Partant donc des résultats de l’étude de la Dpee, Amadou Ba de décliner des solutions, tout en rappelant les limites de l’Etat qui n’a pas, notamment, «d’emprise directe sur la politique des banques en matière d’octroi des crédits, encore moins sur les taux d’intérêts qu’elles appliquent». Mais, rassure-t-il, «nous discutons régulièrement avec les banques, ainsi qu’avec la Bceao pour les amener à prendre plus de risques dans le financement de l’économie. Mais c’est un chantier qui inévitablement met du temps». Aussi, souligne-t-il que, «dans l’immédiat, ce que nous pouvons faire, c’est de modifier les conditions ex-ante, c’est-à-dire de faire en sorte que les entreprises aient moins besoin de solliciter les concours bancaires.
Autrement dit, de tout faire pour améliorer leur trésorerie». Egrenant les mesures arrêtées pour aider
les entreprises en difficultés, Amadou Ba, sur la base des constats qui ont été faits, déclare : «Je donne instruction au Trésor d’accorder un caractère prioritaire au paiement des mandats des Pme. C’est-àdire qu’après les salaires, la dette publique et l’énergie, l’argent public sera prioritairement utilisé pour payer les sommes que nous devons aux Pme sénégalaises». Egalement, il indique que «la trésorerie a été nettement améliorée. Et un chèque de 320 milliards est prévu pour payer la dette
intérieure».
Sur la même lancée, il déclare : «Vous n’êtes pas sans savoir que l’Etat du Sénégal est en train de mettre la dernière main à deux grosses interventions financières internationales, un Eurobond de 250 milliards de francs Cfa, ainsi qu’un Sukkuk de 100 milliards de francs Cfa. Une partie de cet
argent servira à éponger ce qui nous reste de la dette intérieure sur les dépenses d’investissement. Et je donne instruction aux Impôts d’accorder les moratoires de paiement les plus favorables possibles assortis d’annulation de pénalité aux entreprises en difficultés».
Et pour atténuer toujours les difficultés des entreprises, M. Ba explique qu’il «charge la Dgid (Ndlr : Direction générale des impôts et domaines) de me préparer un texte juridique les autorisant à ne pas reverser les impôts et taxes retenus à la source qui deviendront ainsi une subvention publique
qu’elles pourront utiliser pour améliorer leur situation financière. Et j’en profite pour annoncer qu’un fonds de relance va leur être dédié dont la mise en place se fera dès cette année».
Exonération fiscale et création d’un fonds de relance
Le ministre soutient, par ailleurs, qu’«aujourd’hui, le matériel agricole acquis par une entreprise agréée au Code des investissements peut bénéficier d’une mesure de suspension de Tva pendant une période maximale de 3 mois». Il annonce, en outre, que le gouvernement va, dans les prochaines semaines, «accélérer leur montée en puissance grâce à diverses mesures».
Amadou Ba s’engage aussi à réunir, «dorénavant et régulièrement, un comité de financement de l’économie composé de directeurs généraux des structures, telles que la Banque nationale pour le développement économique, la Banque de l’habitat du Sénégal, la Caisse nationale de crédit
agricole du Sénégal, La Poste…». «Je sais que la Douane faisait de son mieux, mais je lui ai demandé de faire davantage, alors elle m’a présenté un plan anti-concurrence déloyale qui tourne autour de mesures telles que le renforcement des contrôles, le durcissement des sanctions, le rehaussement de certaines valeurs et l’intensification de la coopération avec les entreprises mais aussi les autres administrations».
RENCONTRE D’ECHANGES SUR LES QUESTIONS ECONOMIQUES AVEC LA TUTELLE - Le secteur privé reste sceptique face aux nouvelles mesures prises par l’Etat
Le secteur privé, reçu, hier, par le ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Ba, dans le cadre d’une réunion d’échanges et de partages sur les questions économiques, est revenu sur la problématique des entreprises, notamment celles qui sont en difficultés. Toutefois, malgré les mesures annoncées par le ministre, le patronat reste sceptique. «Depuis 2012, les nouvelles autorités nous annoncent leur bonne intention de nous aider avec la mise en place de nouvelles mesures. Mais nous n'en sommes qu'à l'état de discours », a ainsi déclaré le président du Conseil national du patronat (Cnp), Baïdy Agne au cours de cette rencontre, en présence des représentants du Conseil national des employeurs du Sénégal (Cnes), de l’Union nationale des commerçants et des industriels du Sénégal (Unacois), entre autres, membres du secteur privé national. Aussi, dira-t-il, «nous ne souhaitons pas nous retrouver dans six mois pour parler des mêmes choses».
Revenant sur les mesures prises par l’Etat, il soutient : «Le ministre de l’Economie et des Finances a porté à notre connaissance la décision du président de la République d’appuyer de façon concrète, aujourd’hui, les entreprises en difficultés par des mesures d’accompagnements, par des moratoires, par une facilitation avec la Direction générale des impôts et domaines et la Douane, une mesure d’importance», tout en ajoutant que «nous avions, cependant, dit au ministre de l’Economie et des Finances que depuis un certain temps, nous avions eu des attentes sur des mesures concrètes à mettre en œuvre sur ce secteur précis et que nous avions confiance aujourd’hui que les mesures vont être suivies d’effets».
«Nous avons évoqué la participation aux différents marchés du secteur privé national. Nous ne sommes pas contre l’investissement direct d'étrangers et je dois dire aussi que nos gouvernants ne doivent avoir aucun complexe à parler d’entreprises nationales et de préférence nationale par le fait que tous les autres gouvernements au monde. Donc, nous devons avoir une relation décomplexée entre l’Etat et le secteur privé dans la défense des intérêts des entreprises nationales». Et «cela ne signifie pas que les entreprises nationales ne doivent pas se mettre à niveau, ne doivent pas se conformer aux exigences». Toutefois, M. Agne de regretter que «la commande publique baisse. Quand on a dans un pays une commande publique qui chute de 20%, c’est grave».
Pour sa part, Babacar Ndiaye du Cnes indique qu’il y a un problème d’application et d’évaluation.
Aussi, dit-il au ministre de l’Economie que beaucoup d’entreprises vont mourir avant que ces mesures ne soient mises en place. Et dans le même registre, Ibrahima Lo recommande une amnistie fiscale pour les entreprises en difficultés.