VIDEOLE MUR DE BERLIN, 25 ANS APRÈS
Il y a à peine 25 ans, l’Europe était coupée en deux. Symbole de cette frontière : Berlin et son mur de la honte. 25 ans plus tard, la capitale allemande porte un autre symbole : celui de la réconciliation entre Est et Ouest.
Berlin. La capitale allemande s’apprête à fêter les 25 ans de la chute du mur. Vingt ans : une éternité pour ces jeunes Allemands et Européens qui affluent vers Berlin et pour qui l’Allemagne et le continent réunifiés sont une évidence. 25 ans : c’est hier pour tous ceux qui ont connu l’Allemagne ou plutôt les Allemagne d’avant. Tous ceux-là savent parfaite- ment où ils étaient ce soir du 9 novembre 1989 quand le mur a chuté.
Le mur de Berlin, pour autant, n’est-il qu’un souvenir lointain ? Pas si sûr. Pour en avoir le cœur net, rien de tel qu’une visite dans le Berlin d’aujourd’hui. Cette métropole en plein boom tente à grands coups de chantiers de panser ses plaies béantes.
Celles de l’Histoire qui reste présente à chaque coin de rue. Celles du mur, bien concrètes qui ont tailladé l’architecture urbaine au gré d’une rue, d’un fleuve.
Pour s’en rendre bien compte, rien de tel que de commencer par la Bernauer Straße. A deux pas d’ici grouille la vie nocturne berlinoise : Eberswalder Straße et ses bars, le Mauerpark, le bien-nommé, et son marché aux puces rempli tous les dimanches. L’atmosphère de la Bernauer Straße est tout autre. Ici, c’est le no man’s land qui sévit. Des terres en friche à deux pas du centre
de la capitale à faire pâlir n’importe quel investisseur immobilier. On ne voit pas encore le mur, mais on le sent. Ici s’étendait il y a vingt ans la Todesstreifen (le no man’s land à l’intérieur de la bande frontalière) du mur et les pelleteuses n’ont pas encore fait leur ouvrage. Le mur, enfin ce qu’il en reste, apparaît quelques mètres plus loin.
Ces hautes dalles grises faisant ton sur ton avec le ciel berlinois refroidissent l’ambiance. Le mur, le fameux, n’a pas complète- ment disparu. Une exposition indique aux curieux l’histoire de la Bernauer Straße où, peu après l’érection du mur en 1961 entre le secteur soviétique et le secteur français, les portes, puis les fenêtres des maisons furent murées.
La Versöhnungs-kirche (l’église de la réconciliation) avait le malheur de se trouver sur cette zone de démarcation. Afin de «libérer la vue et le champ de tir», elle sera détruite en 1985.
Les images spectaculaires de cette église s’effondrant à deux mètres du mur font froid dans le dos. Aujourd’hui, une nouvelle église est ressurgie en lieu et place de l’ancienne. Un travail de mémoire qu’agrémente également le musée de la Bernauer Straße.
Une Armée de grues pour panser les plaies
En longeant le mur pour descendre vers la Nordbahnhof, on s’aperçoit que quelques pans manquent. 19 mètres exactement. Dix-neuf mètres qui font débat. En effet, les journaux berlinois relatent actuellement le débat en cours autour de ces pans manquants que certains aimeraient remettre à leur place.
Restaurer le mur ? Mais pourquoi ? Pour les touristes ? Pour l’Histoire ? Berlin n’en est pas à son premier dilemme sur sa propre histoire, mais quand il s’agit du mur que tant de Berlinois ont haï pendant des années, les réactions sont vives.
Quelques hectomètres plus loin se présente l’artère Chausseestraße. Celle qui continue la fameuse Friedrichstraße vers le Nord, Tegel et son aéroport. Là encore, le mur a laissé des traces.
Plus que la double rangée de pavés sur le sol qui matérialisent le tracé du mur, ce sont surtout ces vastes terrains vagues qui rappellent qu’ici il n’y avait rien et qu’il faudra plusieurs armées de grues pour vaincre ce souvenir. Ces grues, elles sont là, bien présentes, sur un des plus grands chantiers actuels de Berlin.
En effet, dans la Chausseestraße, là où se trouvait auparavant le «Stadion der Weltjugend» – un nom qui en dit long – apparaîtra le Bundesnachrichtendienst, l’équivalent des renseignements généraux. Un beau pied-de-nez à l’Histoire.
L’ironie, c’est sûrement ce qui a également animé Karla Sachse, qui a créé près de cet ancien poste-frontière de la Chausseestrasse un Kaninchenfeld (un champ de lapins).
Les passants les plus observateurs découvriront en effet sur le sol près de 120 silhouettes de lapins, tous dans des positions différentes qui symbolisent depuis 1999 des «occupants subversifs, mais pacifiques du no man’s land».
Tourner la page
Trois stations de S-Bahn suffisent pour se rendre devant la Porte de Brandenbourg, ou plutôt derrière la Porte de Brandenbourg. C’est ici évidemment qu’ont eu lieu certains des moments inoubliables du mur de Berlin et de l’Histoire de l’Allemagne.
Comme lors de la visite du Président américain Kennedy en 1963 et surtout lors de la chute du mur le 9 novembre 1989 où les caméras du monde entier ont filmé cette foule en liesse debout sur le mur avec la Porte comme décor.
Aujourd’hui, les touristes sont très nombreux à suivre à nouveau cette double rangée de pavés sur le sol, ce tracé du mur qui longe d’abord le Reichstag puis contourne la porte de Brandenbourg. Un pied de chaque côté des pavés et la photo est dans la boîte.
Nouvelle ironie de l’Histoire ici avec l’ambassade américaine qui se trouve depuis le 4 juillet dernier sur la Pariser Platz, à quelques mètres seulement du mur... mais du côté Est.
Cette double rangée de pavés mène au monument à la mémoire des Juifs d’Europe assassinés, une œuvre impressionnante installée ici depuis 2005. Ces blocs de pierres à perte de vue rappellent à quel point l’Histoire tragique de la Seconde guerre mondiale et celle du mur sont liées.
Quelques dizaines de mètres plus loin, changement de décor total en arrivant sur la Potsdamer Platz. Celle-ci, déjà lieu de passage incontournable avant la guerre, a eu le malheur de se trouver en plein sur le
tracé du mur et n’était en 1989 qu’un vaste terrain vague. Cette Potsdamer Platz représente sans doute le mieux à quel point ce passé douloureux a laissé place à une vision moderne et ambitieuse. Aujourd’hui s’élèvent ici les tours, plus hautes les unes que les autres, où la Deutsche Bahn rivalise de grandeur avec le Sony Center ou l’hôtel Ritz. Ici, modernité, transpa- rence et technologie sont les maître- mots.
C’est dans ce complexe qu’a lieu chaque année le Festival du film de Berlin. Strass, starlettes, paillettes, cinéma, shopping sur cette place, Berlin a clairement tourné la page. Mais pas complètement.
Au pied des tours en effet, se trouvent encore quelques pans du mur. Pour ne pas oublier, malgré tout. Ces Berlinois, de l’Est et de l’Ouest, qui ont consciemment vécu cette tragédie du mur dans leur vie et celle de leurs proches ?
Les jeunes, de plus en plus nombreux à être attirés par les lumières de Berlin, mais qui n’ont jamais vécu la construction du mur et à peine sa chute ? 25 ans après, le mur n’a pas complètement disparu. Il en reste bien plus qu’une double rangée de pavés sur le sol.