LE NUMERO DU HASARD
Que l'Afrique du sud ait joué à 10 n'enlève rien au mérite des "Mourabitounes". On n'ira plus à Nouakchott sur des airs de camping. Ne cherchez plus le Naar entre le chameau et la tante, sirotant son petit lait en attendant le troisième barada
Les dieux ne sont pas tombés sur la tête. Ils étaient debout quand on leur a marché dessus. On sort d'un weekend qui renforce ainsi une impression. A savoir que dans le football africain, le privilège de la "royauté" n'est plus sacré. Le peuple n'a plus peur de charger les murs des bastilles et de conduire les souverains à l'échafaud.
Il y a quarante-cinq ans, la Mauritanie avait pris trente buts en trois matches dans un tour pré-olympique à Dakar. Au début des années 1980, les Mauritaniens étrennent un stade aux normes internationales. Progressivement, les petites blagues sénégalaises sur les matches dans le désert vont cesser. On les a même avalées de travers il y a deux ans, ces blagues, quand les "Mourabitounes" ont éliminé les "Lions" du Chan-2013. Samedi, ce sont les Sud-Africains qui n'en sont pas revenus de ramasser 3-1 à Nouakchott.
C'est une victoire charnière. Ce n'était pas un derby avec le Sénégal, où l'adversité décuple les énergies et permet toutes les surprises. La motivation était dans l'esprit de compétition, la victoire relève du talent. Que l'Afrique du sud ait joué à 10 n'enlève rien au mérite des "Mourabitounes". On n'ira plus à Nouakchott sur des airs de camping. Ne cherchez plus le Naar entre le chameau et la tante, sirotant son petit lait en attendant le troisième barada.
Ce weekend, les dieux n'ont pas été avares en espiègleries. Un weekend où les Tunisiens sont allés se faire tondre à Monrovia (1-0), un weekend où le Soudan du sud, dernière née des nations africaines il y a quatre ans, a mouché la Guinée équatoriale, demi-finaliste de la dernière Can (1-0). C'était le douzième match de son histoire, pour une place de 198e au classement mondial de la Fifa.
L'Afrique bouge, mais les lignes de force demeurent encore fixes. On apprécie ainsi le 2-0 des "Lions" en Namibie. Leur classement se conforte et leur standing continental reste intact. Le match a été difficile, les moments d'inquiétudes ont été rares. Les Namibiens ont tenu le ballon, fait le jeu mais ont souffert d'immaturité et d'expérience.
Le succès du Sénégal rassure. Il n'a rien d'un holdup et a été construit avec maîtrise. On n'a pas eu droit à une merveille de match, on apprécie l'application et la rigueur qui ont été de mise.
Il paraît que ce fut le fait du hasard. Nouveau venu dans la sélection, Kalidou Koulibaly raconte qu'il a laissé tout le monde choisir son numéro pour le match de samedi. Quand chaque "Lion" s'est servi, partant avec son numéro fétiche, il a pris la dernière tunique. Elle était estampillée "9". Comme le hasard fait bien les choses.
Un défenseur central, le numéro 9 dans le dos, cela rappelle forcément Roger Mendy. On a cherché les équivalences dans le jeu des deux hommes. Il reste encore un gap. Roger Mendy était un footballeur d'une autre dimension. On alignerait les qualificatifs pour le décrire, il n'y aurait pas assez de mots pour approcher ce que fut son talent.
Koulibaly a la rigueur, le talent et l'abattage, voire un plus dans l'engagement. La valeur technique et la lecture que Roger Mendy avait du jeu font encore la différence. Elle est énorme.
Le plus important n'est pas de comparer des hommes qui appartiennent à des époques différentes, avec des exigences qui diffèrent autour du football. Il y a juste que les chiffres "parlent" et le hasard qui les entoure écrit parfois des destins. Et on souhaite le meilleur à Koulibaly. Avec ou sans le "9".
Avant que Roger Mendy ne se le mette sur le dos, c'est Johan Cruijff qui a sublimé ce numéro avec les Pays Bas…