LE PARQUET REQUIERT DIX ET CINQ ANS FERME
AFFAIRE MEDINA BEYE-NDIOBENE GALLO
Après plusieurs renvois, le tribunal correctionnel de Kaolack a examiné, hier, au cours d'une audience spéciale, l'affaire dite «Médina Bèye et Ndiobène Gallo». À l’issue des débats, qui ont duré plusieurs heures, le tribunal a mis en délibéré le verdict au 18 septembre.
Le procès des affrontements meurtriers entre villageois de Médina Bèye et Ndiobène Gallo s’est tenu hier au tribunal régional de Kaolack. Un procès avec 23 prévenus et une bonne dizaine de témoins tous constitués partie civile pour avoir, déclarent-ils, reçu des coups de la part des prévenus. Mais, hier, devant la barre, les prévenus ont tous balayé d'un revers de main les accusations de coups mortels, coups et blessures volontaires ayant causé la mort, d'occupation illégale de terres.
Des déclarations à rebours de celles des témoins du village de Médina Bèye qui ont indiqué que, ce jour-là, les prévenus sont venus les trouver dans leurs champs, juste pour en découdre avec eux, indexant tous, du coup, l'un des prévenus Omar Ndiba et son fils Dame Ndiba comme étant ceux qui ont porté des coups mortels au chef de village de Médina, qui succombera à ses blessures, le jour des faits, à l’hôpital Elhadji Ibrahima Niass de Kaolack. Il y avait été admis avec d'autres blessés.
Avocat des habitants de Médina Bèye, qui se sont constitués partie civile, Me Khassim Touré, a déclaré dans sa plaidoirie que le procureur a été bien «généreux» d'avoir qualifié les faits en coups mortels et coups et blessures volontaires.
Ainsi, Me Touré dira que les faits pour lesquels les habitants de Ndiobène Gallo sont prévenus sont suffisamment graves et qu'à ce titre, ils auraient dû être tous traduits devant la cour d'assises pour meurtre, association de malfaiteurs, violences et voies de fait. Et avant de terminer son propos, Me Touré demandera au tribunal de «sévir et de punir ces prévenus qui ont défié tout le monde en causant des préjudices moraux, matériels et mort d'homme». Et de les condamner à la peine qui sera requis par le procureur car, ajoutera-t-il, «c'est cela qui garantit l'ordre public».
Par ailleurs, l'avocat de la partie civile a demandé, en guise de réparation, des préjudices «subis par ses clients», la somme de 100 millions de francs Cfa.
Dans son réquisitoire, le procureur de la République, qui a mis l'accent sur le phénomène récurrent des litiges fonciers à travers le pays et la nécessité de trouver des solutions pour y remédier, a qualifié de «graves» les faits. Parce que, dira-t-il, «il y a eu mort d'homme» ; et que les prévenus, en l’occurrence les habitants de Ndiobène, ont défié, de par leurs actes, l'autorité administrative, celle judiciaire, et sont allés très loin en occasionnant des dommages à autrui. «Personne ne devrait être au-dessus des lois, dira-t-il, avant de déclarer au tribunal que dans cette affaire, chacun des prévenus est auteur et complice et que, de par leurs actes, tout un village est aujourd'hui orphelin de son chef, des épouses sont en deuil, des enfants sans père.»
Et le représentant du ministère public, Alioune Cissokho, termine en disant qu'aucun million de francs ne saurait réparer ce fait, mais que la justice soit appliquée au moins dans cette affaire. Ainsi, il a requis dix ans de prison pour Omar Ndiba et cinq pour son fils Dame Ndiba.
Me El Hadji Malick Diouf, assurant la défense des prévenus, quant à lui, dès l'entame de ses propos a regretté le décès du chef de village de Médina Bèye et la recrudescence des problèmes fonciers au Sénégal ; il a fustigé le fait que ce soit le commandant de la gendarmerie de Kaolack qui, «en quête de preuves» à l'encontre des habitants de Ndiobène Gallo, a demandé à ceux de Médina Bèye d'aller défricher leurs champs. «Et c'est ce même commandant qui, après la bataille rangée, n'a délivré de convocations qu'aux habitants de Ndiobène Gallo», dira encore Me Diouf. Et, ajoutera-t-il : «Et pourtant, le procureur, une fois mis au courant le jour-même des faits, a demandé à la gendarmerie d'arrêter toute personne impliquée dans cette affaire qui a causé la mort d'un chef de village de Ndiobène Gallo. Ce que la gendarmerie n'a pas fait.»
D'autre part, Me El Hadji Malick Diouf dira que ses clients, comme soutenu par le procureur lors de son réquisitoire, n'ont pas défié l'autorité administrative, mais aussi que les habitants de Ndiobène Gallo n'ont reçu jusqu'à ce jour aucun document administratif qui leur aurait signifié une certaine limitation des terres par le conseil rural comme stipulé par l'autre partie.
Le tribunal, lui, tranchera sur cette affaire le mercredi 18 septembre cette fois-ci en audience ordinaire.
Pour rappel, le 31 Juillet 2013, Cheikh Omar Bèye, le chef de village de Keur Aladji Mabèye, un village plus connu sous le nom de Médina Bèye, dans la communauté rurale de Keur Socé, département de Kaolack, avait trouvé la mort suite à une violente bagarre entre les habitants de son village et ceux de Ndiobène Gallo, occasionnant plus d'une dizaine de blessés. À l’origine, un litige foncier relatif à la délimitation de champs jouxtant les deux villages. Un différend qui daterait de plusieurs années et qui a été même porté devant la justice, qui avait alors, quelques jours avant les affrontements, tranché en faveur des habitants de Médina Bèye, condamnant l'autre partie à une peine de six mois assortis de sursis et à 2 millions de francs de dommages et intérêts.