LE "PIÈGE" DU FRANC CFA
L'ÉCONOMISTE DEMBA MOUSSA DEMBÉLÉ INVITE LES PAYS DE LA CEDEAO À PASSER À LA MONNAIE UNIQUE
La monnaie unique dans la zone de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est prévue pour 2020. Selon l’économiste Demba Moussa Dembélé, les pays de la zone Cfa ont tout intérêt à voir aboutir ce processus, seul moyen de se dépêtrer du "piège" que constitue le franc Cfa.
La monnaie unique est la seule alternative pour les pays africains de sortir du "piège" que représente le franc Cfa. C’est la conviction de l’économiste, Demba Moussa Dembélé, qui estime que "le franc Cfa est un des freins majeurs au développement des pays africains".
M. Dembélé s’exprimait hier au cours d’un atelier de formation des journalistes économiques, organisé conjointement par la Fondation Rosa Luxemburg et l’Ong Africaine de recherche et de coopération pour l’appui au développement endogène (Arcade), et qui est sur le thème de la souveraineté monétaire et du développement.
Le président d’Arcade souligne que l’arrimage du franc Cfa à l’euro ne permet aux pays africains, "aucune souveraineté sur leur politique monétaire et ne leur permet pas d’utiliser le Cfa comme instrument de politique économique en cas de choc exogène".
Pour illustrer ses propos, le Pr Dembélé explique que 7 des 8 pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’ouest (Uemoa) sont classés parmi les Pays les moins avancés (Pma), dans lesquels 6 habitants sur 10 vivent avec moins d’1,5 dollar par jour. De plus, l’essentiel des pays de la zone Cfa figurent au bas du classement de l’Indice pour le développement humain (Idh) du Programme des Nations-Unies pour le développement (Pnud).
En scrutant ce tableau, l’on se rend même compte que des pays comme la Gambie, qui a sa propre monnaie, devance des pays de la zone Cfa comme la Côte d’Ivoire, le Benin ou le Mali. Une situation qui illustre parfaitement la vanité des efforts des pays africains "enfermés" dans le Cfa, pointe le Pr Dembélé.
Pour y remédier, l’économiste évoque le projet de monnaie unique prévue pour l’horizon 2020 dans la zone de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). "Le combat pour la souveraineté monétaire fait partie du combat pour la deuxième indépendance de l’Afrique. Si on n’est pas indépendant économiquement, on ne l’est pas", précise-t-il.
Mais avant de s’engager dans ce processus, l’économiste souligne qu’il existe des préalables. La première étant liée aux comportements des Africains. "Aimons-nous d’abord et disons-nous que nous sommes capables de prendre nos propres responsabilités et d’être indépendants dans la gestion de notre économie et de nos ressources", explique-t-il.
Il souligne en outre, la nécessité d’avoir une discipline budgétaire rigoureuse à travers le contrôle des changes et l’adoption de politiques fiscales favorisant de lourdes taxations sur les produits luxueux à l’importation.
A cela, s’ajoute la nécessité de privilégier le consommer local et de protéger notre agriculture qui offre d’immenses possibilités de créer des emplois et de créer des liens avec l’industrie. "Cette monnaie unique, si on la crée, elle va donner des possibilités de mettre en place des politiques d’industrialisation et d’un marché de quelque 300 millions de consommateurs au niveau sous-régional", explique l’économiste.
Mais une des principales raisons du retard noté dans la conduite de ce processus reste le manque de volonté politique des dirigeants africains. Demba Moussa Dembélé pense que le combat doit continuer. "Il faut toujours que les chefs d’Etat sentent la pression des peuples pour agir et respecter leurs décisions", plaide-t-il.