LE PIÈGE CHARNEL
DANS L'UNIVERS VICIEUX DES "FILLES DU PROCUREUR"
Malgré l'ampleur du viol, des féministes sont aussi décidées à traquer ces filles qui "violent" les hommes avant de verser dans la victimisation. Des "maîtresses chanteuses sexuelles" qui se réclament "filles du procureur" crient au viol à tort !
"Les filles du Procureur ! Dieu m'en préserve !" C'est la phrase qui revient sans cesse chez la plupart des hommes rencontrés. Pour rien au monde, ils ne dragueront ou ne tisseront des relations étroites avec ces "mineures" aguichantes qui s'imposent, disent-ils, dans leur lit.
"Elles vous taxent, à tort, de violeur. Vous vous retrouvez avec une sentence lourde du Procureur." M. Fall, nom d'emprunt, est un journaliste qui a séjourné en prison pour avoir été accusé du viol de son élève. Le journaliste, qui porte aussi la casquette d'enseignant, passait pour un exemple de vertu. La surprise a été générale, à l'annonce de son arrestation. Ce n'est qu'au bout de deux ans de détention préventive qu'il a été blanchi. Les faits lui ont donné raison. Il a été victime d'un piège tendu par un groupe d'individus qui ont cherché à le liquider. Après moult tentatives qui ont échoué, ils se sont servis d'une de ses jeunes élèves qui a dribblé son monde. Son cas n'est que l'arbre qui cache la forêt.
Médoune Thiam, un maître coranique, qui habite à Keur Massar, n'a pas échappé à ce traquenard. Tout son univers s'est écroulé. Handicapé moteur, cet homme marié, qui enseigne depuis 1989, a vu ses possibilités de survie anéanties par une accusation "injuste" de viol. Aujourd'hui, il semble porter la poisse, même s'il a été innocenté. Les liens avec son entourage ont du mal à se ressouder. "J'ai été traîné dans la boue par la sœur de mon épouse qui avait 17 ans. Elle a été instrumentalisée par quelques uns de mes élèves que j'ai dénoncés pour des histoires de mœurs. L'un avait engrossé une fille, l'autre a été pris la main dans le sac. Ils n'ont pas digéré que je les ai dénoncés et ont cherché à prendre leur revanche. Ils ont profité du fait que j'ai levé la main sur la sœur de mon épouse pour ourdir ce plan."
"Piégé par la sœur de ma femme et ses camarades"
Grande a été sa surprise quand il a été cueilli par la gendarmerie, le 30 octobre 2013. "Ce sont les garçons qui se sont rendus à la gendarmerie avec la fille munie d'un certificat médical. J'étais estomaquée. J'ai été arrêté et mis en prison. Devant la barre, la fille a cherché à dire la vérité en m'innocentant, mais le procureur a refusé de donner du crédit à ses propos. Le procureur a été catégorique. Il a souligné que la fille a dû subir de fortes pressions pour revenir sur ses propos. Il m'a condamné à 10 ans de prison. J'ai toujours clamé mon innocence, soutenu par mon épouse. J'ai interjeté appel et la décision a été rendue le 12 novembre dernier. J'ai recouvré la liberté."
Depuis, tout n'est plus comme avant. Il traîne l'étiquette du marabout violeur. Médoune Thiam demande, pour autant, à la justice de redoubler de rigueur dans ce genre de cas. "Des innocents sont accusés à tort. Les procès-verbaux de la gendarmerie et de la police sont truffés de contrevérités. Je parle en connaissance de cause. La justice doit être impartiale et nous considérer comme des citoyens à part entière. Je trouve qu'il est préférable de laisser libre un coupable, plutôt que d'emprisonner un innocent. Ils nous porent un énorme préjudice". "Je suis handicapé, je ne travaille plus, mais je ne vais pas mendier."
Viol ou règlements de comptes
Le viol, qui se drape souvent sous le manteau de règlements de comptes, permet aussi de renflouer des comptes. Il est de plus en plus utilisé comme fonds de commerce par des jeunes filles astucieuses et audacieuses. Elles sont de tout âge. Du coup, de nombreux Sénégalais interpellés sur la question jugent qu'ils cultivent de plus en plus la distance avec ces "filles du Procureur". C'est le cas d'Ibrahima Diallo. "Ce sont des jeunes filles expérimentées sexuellement. Elles provoquent les hommes, les entraînent dans des jeux sexuels avant de crier au viol quand bon leur semble. Pour étouffer l'affaire, certaines personnes tombent dans leur piège et déboursent de l'argent."
Confidence d'un commerçant établi à Guédiawaye : "Parfois, ce sont ces prétendues victimes qui te demandent de l'argent histoire de tout reléguer aux oubliettes". "Dans d'autres cas, des filles invoquent des prétextes d'honneur ou de réputation. C'est parce que leurs parents ont découvert le pot aux roses et qu'ils tiennent à la virginité. C'est toujours un innocent qui est sacrifié", fulmine-t-il.
LE COMBAT DU DEPUTÉ SEYNABOU WADE
"Démasquer ces filles et leurs complices de mère"
La parlementaire Mme Seynabou Wade a décidé de mener le combat contre ces jeunes filles qui déstructurent le tissu social. "Le genre ne doit pas remettre en cause la notion de justice. Il faut dénoncer certaines pratiques et je ne fléchirai pas". Le député a demandé à ses pairs de se saisir de ce dossier, même s'il crée une levée de boucliers. Rencontrée au sein de l'hémicycle, la députée a exprimé à nouveau le courage de ses ambitions et de ses idées. Elle se dit disposée à lutter contre "les mères de famille allumeuses et véreuses qui poussent leurs filles à provoquer des hommes et les accuser de viol, avant de les faire chanter".
La parlementaire a été particulièrement marquée par le cas d'un homme intègre qui a dû entamer sa retraite en prison à cause d'accusations infondées d'une jeune "véreuse". Autre facteur qu'elle veut combattre : l'indécence des jeunes filles. "Elles n'ont pas le droit de se déshabiller dans la rue. Il faut que cela cesse."
SELLY BA, SOCIOLOGUE
"Le comportement vestimentaire..."
La sociologue Selly Ba pointe la responsabilité des jeunes femmes dans le phénomène du viol. "Le comportement vestimentaire de certaines jeunes femmes peut être signe de déclenchement de désir chez certaines personnes considérées comme faibles ou malades. Ces jeunes filles ou femmes s'exposent le plus souvent à des tentations sexuelles. Car, il est important dans tout ce que nous faisons de penser à l'autre, parce que : "la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres". En d'autres termes, notre société est composée d'une diversité de personnalités, et ceux qu'on appelle les faibles et pervers parviennent difficilement à se contrôler"
"LES VICTIMISATIONS SCOLAIRES AU SÉNÉGAL À L'ÉPREUVE DE L'ANALYSE DE GENRE"
L'étude qui décortique les violences sexuelles
Dans l'étude "Les victimisations scolaires au Sénégal à l'épreuve de l'analyse de "genre" : De la construction socioculturelle et institutionnelle des violences sexuelles en Afrique subsaharienne", l'Enseignant-chercheur à l'UFR des Sciences de l'Education, de la Formation et du Sport à l'Université Gaston Berger de SaintLouis, Mamadou Lamine Coulibaly, montre qu'il est temps d'aborder la question du viol sous plusieurs angles. Quand les enseignants et maîtres coraniques sont de plus en plus indexés dans des histoires de mœurs, le professeur crève l'abcès. "Nous avons toujours pensé les pressions sexuelles dans un sens, celui des adultes hommes sur les jeunes filles scolarisées. Or l'expression "violences sexuelles en milieu scolaire" devrait intégrer une nouvelle donne, à savoir les stratégies de séduction à la fois "intéressées" et "ludiques" des jeunes filles envers leurs professeurs".
Une enseignante a dénoncé, dans son étude, "le jeu pervers auquel on assiste actuellement avec des filles qui peuvent aller jusqu'à se lancer des défis et des paris sur leurs cibles éventuelles, dans le but de rendre l'enseignant dépendant d'elles et d'obtenir ce qu'elles veulent (...) et ça fausse beaucoup de choses". Dans l'étude assez fournie du chercheur de l'université Gaston Berger, des professeurs vont jusqu'à affirmer la capacité de nuisance de la gent féminine et leur incapacité à résister. Et, disent-ils : "La femme est à l'origine de tous les malheurs chez les hommes, à cause de sa faculté et sa capacité de manipulation. Les élèves (sous-entendu les filles) savent très bien mettre en œuvre des stratégies de séduction pour avoir les notes qu'il faut et passer comme ça en classe supérieure (...) Les filles savent toucher la sensibilité des hommes et elles essaieront jusqu'à ce qu'elles touchent leur cible."
Mamadou Lamine Coulibaly pousse la société à ouvrir les yeux face à cette race de jeunes filles qui sont pour la plupart "responsables de leurs propres victimisations". Il parle dès lors d'émergence "d'acteurs sociaux dotés de marges de manœuvre et capables de se déterminer dans des stratégies, voire des stratagèmes destinés à jouer le jeu des "transactions". La séduction et la provocation délibérées deviennent "manipulation" et "oppression" pour ceux d'entre eux qui ne peuvent maîtriser leurs désirs envers leurs jeunes élèves". Pour M Coulibaly, cet état de fait constitue "une menace pour un système éducatif qui fonctionne en dehors de toute déontologie et qui risque de voir se développer les pratiques de transactions sexuelles". Des professeurs ont confié "qu'il n'y a que la déontologie du professeur qui peut nous préserver d'une banalisation et d'une démystification de notre statut".
Embêtés avant d'être abusés ?
Quand il aborde le sujet dans son ouvrage, le chercheur Mamadou Coulibaly suggère d'opérer une rupture. Il faudrait, pour lui, raisonner en termes de " pressions sexuelles" plutôt que de recourir à la notion de "violences sexuelles". Il aborde, dans sa publication, la thématique des violences en milieu scolaire basées sur le genre, en s'appuyant sur un ensemble de "données scolaires recueillies sur la base d'un questionnaire composé de trente sept items administré à 2 707 collégiens et lycéens répartis sur douze établissements du moyen (collège) et du secondaire (lycées)".
Ensuite, le chercheur explique qu"'en tout, 9,6% des élèves des lycéens et collégiens sénégalais déclarent avoir été "embêtés pour des histoires sexuelles". Les situations où les élèves disent qu'ils sont "embêtés pour des histoires sexuelles" correspondent souvent à des pratiques ou des attitudes de séduction "forcée". Autre explication : "Quand l'élève sent qu'un adulte le ou la regarde d'une manière significative et suggestive. Entrent également dans cette catégorie le chantage direct ou indirect aux notes qui vont avec les demandes de liaisons contraintes, les déclarations explicites d'amour, sans oublier les brimades autour des relations amoureuses venant d'autres camarades. Ce sont des situations que les élèves décrivent spontanément, même si nous n'avons recueilli aucun témoignage de victime avérée d'agression sexuelle physique".
Chiffres
L'étude mentionne aussi que "si les jeunes filles sont généralement les principales victimes des pressions sexuelles, c'est-à-dire dans 62% des cas, l'enquête au Sénégal révèle que les garçons l'intègrent également comme pouvant constituer une partie intégrante de leur expérience scolaire : ils sont en effet 3,1 % à affirmer avoir été embêtés pour des histoires sexuelles". Autre remarque : "cette enquête montre par ailleurs que les adultes des établissements (surveillants et professeurs) ne constituent pas les seuls auteurs, loin s'en faut. Et contrairement à une idée reçue, les professeurs auteurs ne représentent que 11% des occurrences même si la prise en compte des autres adultes des établissements fait passer le pourcentage des pressions adultes globales à près de 20% de l'ensemble, soit un cas sur cinq. Autre fait marquant révélé par l'enquête : les pressions sexuelles sont assez fréquemment le fait d'adultes hors des établissements scolaires, dans 27% des cas (20,6% quand c'est un garçon qui est victime et 30% quand c'est une fille)".
Des témoignages d'un enseignant cité dans son ouvrage sont édifiants. Pour l'enseignant : "quand une fille tente de séduire un professeur, c'est une prémonition de quelque chose qui arrive, une chance, une ouverture ou une promotion (...) et c'est pourquoi quand une fille me fait les yeux doux, je regarde toujours à travers elle pour voir ce qui va m'arriver de merveilleux et je jubile à cette occasion, car c'est vraiment une situation prémonitoire de quelque chose d'intéressant pour la personne". Pour le professeur, les causes de ces pressions sexuelles qui débouchent souvent sur un viol, sont à mettre sur le compte "d'un prolongement de l'organisation sociale dans l'institution scolaire et comme le résultat de la prégnance des représentations sociales qui la sous-tendent". En termes plus simples, "de par leur statut dans les sociétés africaines, les femmes constituent un "capital" matériel et symbolique pouvant participer au prestige et au pouvoir des hommes qui les conquièrent".