LE PR AMADOU DIOP EXPLIQUE LES CONTOURS DE L’ACTE 3 DE LA DÉCENTRALISATION
COLLECTIVITES LOCALES
Quel sens donner à l’acte 3 de la décentralisation en cours au Sénégal ? C’est à cet exercice que s’est livré le Pr amadou Diop du Gérad lors de sa communication présentée hier au colloque international sur le développement territorial et les nouvelles formes de gouvernance dans les pays du Sud.
Dans sa communication, le Pr Amadou Diop a d’emblée noté que les territoires sont en mouvement dans le contexte actuel de mondialisation et de régionalisation. Des mutations, selon lui, qui ont pour impact de transformer le rôle de l’Etat en tant qu’acteur traditionnel de la régulation territoriale. Un processus de transformation de l’action publique et de redéfinition des modalités de mise en oeuvre des politiques publiques qui replace le territoire et la territorialisation au coeur de la problématique du développement. Les notions de territoire et de territorialisation vont occuper de plus en plus une place croissante, d’autant qu’elles mettent en avant la question du développement territorial. Les changements intervenus au Sénégal ont eu pour point de départ la création de communautés rurales en 1972, une action qui s’est consolidée par la mise en place des régions en 1996 et le transfert de domaines de compétences aux collectivités locales.
Du point de vue institutionnel et réglementaire, le Sénégal, à travers l’Acte 1 et 2 de la réforme sur la décentralisation, s’était engagé à promouvoir le territoire comme cadre pertinent de développement. Le Pr Amadou Diop a cependant souligné que la réalité sur le terrain a montré que les importants efforts consentis sur les plans institutionnel, réglementaire et politique sont loin de se traduire en actes concrets. Cela est d’autant vrai que ces réformes n’ont pas permis de booster le développement socio-économique, ni faire émerger des régions fortes pouvant atténuer les disparités spatiales. Les faiblesses notées par le Pr Amadou Diop dans l’élaboration de la politique de décentralisation tiennent de l’insuffisance des ressources humaines et financières. Une situation, selon lui, qui s’est faite ressentir par des insuffisances dans la gestion des compétences transférées. C’est pourquoi il s’est interrogé sur les effets de la régionalisation au Sénégal. La région en tant que niveau de coordination a-telle permis d’asseoir un développement territorial ? Les 14 régions du Sénégal prises individuellement ont elles l’assise territoriale, les moyens financiers et les atouts économiques pour bâtir un développement territorial durable ? Sinon, la région actuelle ne constitue-t-elle pas un niveau éloigné, un peu déconnecté des réalités de la base ? Et ce dernier de s’interroger une nouvelle fois si le développement territorial et la territorialisation qui promeuvent la mise en avant du territoire et donc de la proximité, ne donnent- ils pas une place de choix au département, échelon intermédiaire entre la région et les collectivités de base, dans les stratégies de territorialisation de l’action publique.
L’ancrage territorial par la départementalisation
Comme pour répondre à la problématique, le Pr Amadou Diop de souligner que l’érection des départements en collectivité territoriale constitue un axe majeur de la réforme entreprise au Sénégal. L’Acte 3 vise, selon lui, à en faire un échelon intermédiaire de gouvernance entre la commune et la région. Le Conseil de département, organe élu, doit travailler à la promotion du développement territorial à l’échelle départementale en veillant à la mise en place d’une dynamique d’intégration du rural à l’urbain. C’est dire que l’échelon départemental dispose de réels atouts pour constituer un niveau pertinent pour la territorialisation des politiques publiques. L’exemple des départements de Kolda (Fouladou), Goudomp (Balantacounda), Sédhiou (Pakao), Bignona (Fogny), Oussouye (Kassa), Nioro (Rip), Fatick (Sine), Dagana (Walo), Linguère (Djolof), Diourbel (Baol), etc., montre que ces espaces sont à forte identité territoriale. Pour dire que les départements du Sénégal comportent une réelle homogénéité socioculturelle et économique et que le département est ainsi l’échelle adéquate des relations villes/campagnes et cet aspect a toujours manqué dans la prise en compte globale dans les politiques de décentralisation. Tout comme la loi sur la décentralisation qui a déjà prévu des possibilités de coopération inter-collectivité tel que les GIC (Groupement d’Intérêt Communautaire) dans les départements qui constituent un cadre par excellence de l’intercommunalité. La départementalisation constitue, à en croire le Pr Diop, un moyen de promouvoir la proximité en rapprochant davantage les sphères de décision des citoyens et de pallier ainsi à une insuffisance de la régionalisation.
Pôles territoires régionaux
Malgré le bien-fondé de la départementalisation, la pertinence de la région comme échelle de gouvernance n’est plus à démontrer. Cependant, souligne le Pr Diop, à l’épreuve de la décentralisation, il apparaît que les régions actuelles du Sénégal sont loin de répondre à leurs objectifs et aux attentes de la régionalisation. Il urge donc, selon lui, de repenser le système territorial du Sénégal en évoluant vers des ensembles territoriaux capables de porter un développement territorial durable, d’assurer la mise en cohérence de l’espace national et d’inscrire positivement le Sénégal dans un contexte sous-régional, régional et mondial de plus en plus concurrentiel. C’est pourquoi, explique- t-il, il est important de repenser le système territorial actuel en passant des 14 régions actuelles à des pôles territoires régionaux structurés suivant des logiques urbaines (existences de villes polarisantes), économiques (ressources agricoles et halieutiques, minières et touristiques…) et sociales (homogénéité socioculturelles, histoire et identité territoriale).