LE PRIX DE LA COUTURE PLUS ACCESSIBLE EN BANLIEUE QU’EN VILLE
FETE DE LA KORITE CHEZ LES TAILLEURS

Les ateliers de couture attirent bien des clients, en cette veille de fête de Korité. Mais le constat qui est fait, c’est que les coûts sont plus abordables si le tailleur est en banlieue plutôt qu’en ville.
A quelques jours de la Korité, les ateliers de couture ne désemplissent pas. A Rufisque comme au marché Hlm où nous avons fait un tour, chefs de ménages et enfants font des va-et-vient incessants pour prendre la mesure ou récupérer les commandes, afin de s’habiller convenablement le jour de la fête. Seulement, le prix de la couture est très élevé en centre ville de la capitale sénégalaise. Cela, contrairement à la banlieue où les professionnels de la coupe et de la couture privilégient la clientèle.
Dans la banlieue une couture rare, de qualité, à bas prix
Trouvé dans son atelier sis à Diamaguène, dans la lointaine banlieue de Dakar, Baye Fall, centimètre au cou, repasse un basin riche bleu ciel. Interpellé sur la facturation des prix de ses modèles, il renseigne : «Quel que soit le modèle, que ce soit ‘Taille basse, ‘Perlage’ ou Bijoutier’, qui sont les modèles en vogue, en ce moment, le prix est compris entre 8000 et 25 000 francs Cfa». Et le jeune homme d’expliquer les raisons qui font qu’il confectionne ses tenues pour la gent féminine à ce prix que beaucoup jugent abordable : «Chez nous, c’est d’abord la famille. L’argent importe peu, c’est la clientèle qui nous intéresse.
Certes, on ne travaille pas à perte, mais les larges bénéfices ne sont pas notre priorité. Surtout que nous travaillons pour des gens que nous connaissons bien et qui nous confient leurs commandes, depuis des années. Certes, certains préfèrent aller vers les célébrités du milieu. Et pourtant, ces gens ne font que contrôler le travail. Nombre d’entre eux font des commandes chez nous. Nous livrons à temps et eux encaissent auprès de leurs clients. On est dans la banlieue. Mais on n’a rien à envier aux autres. Car nos clients nous estiment et tout se fait dans le professionnalisme. On a appris ce métier, seulement ce sont les moyens qui font défaut. Ces gens supposés grands couturiers, ils n’existent que de nom. La preuve, certains parmi eux ne savent même pas comment s’asseoir devant une machine».
Plus loin nous sommes à la rue Adama Lo, chez Abdoulaye Sèye. Préférant se taire sur la valeur exacte de sa couture, il révèle néanmoins que «les prix varient en fonction de la coupe et de la couture. N’empêche, on travaille pour toutes les couches. Ici, la couture ne nous lie pas avec les clients, tout se passe entre parents, amis et connaissances de longue date». Pour justifier le coût abordable des coutures, il explique qu’«en plus de la location qui est souvent abordable en banlieue, nous avons la chance d’apprendre ce métier et de gérer nos propres ateliers contrairement à certains qui se sont installés en ville et qui ne savent même pas comment tenir des ciseaux. A son avis, les prix ne peuvent pas être pareils. Car en plus de la location, de l’électricité, eux ils payent aussi les tailleurs, alors que nous, nous travaillons pour nous même».
Des modèles de 25 à 60 000 francs
Même son de cloche chez Amina Diop, couturière basée à la rue Ousmane Socé Diop, à Rufisque. Chez elle, pour la couture gros fil, le prix des modèles varie entre 25 000 et 60 000 francs. Et pour les prêts à porter basin riche ou «Ganila», c’est 80 000 francs Cfa.
Justifiant la cherté des prix à Dakar, elle confie que c’est parce que «rien que travailler à Dakar, c’est un avantage. C’est une ville ouverte. La connexion, les rencontres se font facilement. Mais si ce n’était pas les banlieusards, les couturiers dakarois allaient fermer leurs ateliers. Car ces derniers embauchent nos fils pour s’en sortir ou alors ils sous-traitent leurs commandes chez nous pour pouvoir satisfaire leurs clientèles». Poursuivant, elle déclare : «Il faut que les jeunes tailleurs prennent leur destin en main. Ils doivent rester dans la banlieue, entreprendre avec les moyens du bord, au lieu d’aller travailler ailleurs avec des gens qui ne font que les exploiter, des gens qui les paient mal et s’enrichissent sur leur dos. A Dakar, c’est juste le luxe, le nom des couturiers. Moi, il m’arrive régulièrement de retoucher des habits venant de ces lieux».
Trouvée dans l’atelier d’Amina, Aïssatou Niang, une cliente venue récupérer sa commande, explique qu’elle préfère rester avec les couturiers de la banlieue, car elle y trouve son compte, autant par la qualité que financièrement. Aussi, ils sont plus efficaces, car ils ont appris le métier. «Seulement, certains clients ont la folie des grandeurs et sont des complexés, surtout quand ils sont connus. Car souvent, si leur statut change, c’est de nouveaux amis et de nouveaux couturiers. Mais ici, c’est la rareté, la qualité et le bon prix», confie Mme Niang qui, pour prouver ce qu’elle dit, révèle venir des Maristes, mais reste fidèle à ses tailleurs de la banlieue qui étaient ses couturiers avant qu’elle ne change de statut social et ne se retrouve dans ce quartier résidentiel.
Les charges plus importantes en ville justifient la différence dans les prix
Du côté du marché Hlm, les avis sont partagés quant au choix des couturiers de la ville ou de la banlieue. Dans ce salon très réputé qu’est «Guélewar Couture», le décor est bien différent de celui des ateliers de la banlieue où le confort est moindre. Ici, c’est dans une salle climatisée, un écran télé accroché au mur, un sofa pour recevoir la clientèle, des basins riches, «Ganila», étalés dans des étagères en vitre, que la gérante vous reçoit. Préférant garder l’anonymat, elle renseigne qu’«ici, c’est la haute couture. Les prix dépendent de la coupe et de la couture».
Mais pour les mêmes modèles pour femmes qu’on nous avait présentés en banlieue et qui sont confectionnés pour des coûts de l’ordre de 25 à 60 000 francs Cfa au plus, avec du basin riche, du ‘Ganila’ gros fil ou du ‘Perlage’, modèles qui sont en vogue, ici, «il faut débourser 45 à 55 000 francs Cfa. Si c’est la coupe simple, c’est 20 000 francs Cfa. Le prêt-à-porter, c’est à partir de 100 000 francs Cfa», nous dit-on. Notre interlocutrice renseigne, par ailleurs, que pour les hommes, «le ‘trois pièce’ est à partir de 130 000 francs. Pour le ‘deux pièces’, c’est entre 60 et 65 000 francs Cfa. Quant au modèle Macky Sall, c’est 90 à 100 000 francs Cfa. La coupe simple est, elle, entre 15 et 25 000 francs Cfa».
S’expliquant sur la tarification qui est beaucoup plus chère qu’en banlieue, elle souligne que c’est parce que «nous avons plus de charges, contrairement aux couturiers de la banlieue. On n’a pas appris ce métier, mais on fait travailler des professionnels. Chez nous, c’est une entreprise qui emploie différentes spécialités. Les tailleurs qui font la coupe, la couture, le ‘Perlage’, le gros fil, ente autres, ils sont des embauchés. Et les frais de la location, les factures d’électricité, le carburant pour alimenter les groupes électrogènes en cas de délestage, tout ça, ce sont des charges importantes. Ici, ça nous coûte au minimum 700 000 francs Cfa, chaque mois».
A la sortie, une des clientes rencontrée nous explique pourquoi elle a choisi cet atelier. «Tu peux le constater toi-même, le lieu ne ressemble pas aux autres. Le prix importe peu, c’est la qualité qui compte pour moi. Depuis des années, je fréquente cet atelier où je passe toutes mes commandes. Et j’ai constaté du sérieux et de la responsabilité, ainsi qu’une bonne organisation et surtout l’honnêteté de la part de la gérante. Car, à chaque fois, elle me rend le restant de mes tissus. Et je n’ai jamais perdu un tissu dans cet atelier. Ce qui n’est pas souvent le cas ailleurs. Car je fréquentais d’autres tailleurs avant. Si je trouve mon compte en termes de qualité, je me dis que le coût importe peu, même si c’est plus cher ici qu’ailleurs», justifie cette femme d’une quarantaine d’années.
Trouvée dans son atelier à Hlm, Mme Diagne, propriétaire de «Eva Diagne Création», ne s’est pas privée de se ranger du côté des banlieusards. Et elle s’explique : «Mes prix varient entre 5000 et 50 000 francs Cfa. Je n’ai pas besoin de demander des prix exorbitants. Le lieu m’appartient. Je ne paie que l’électricité et les tailleurs que j’emploie. Sinon, le reste de ce que je gagne, c’est mon bénéfice. En plus, je viens d’ouvrir l’atelier, donc j’ai plus besoin d’attirer la clientèle que de gagner de l’argent. Car, avec le temps, cela ne va pas tarder. En plus, les grands bénéfices, c’est banni par l’islam».
Les commandes des hommes et des enfants dominent
La conjoncture est certes difficile, mais les tailleurs se frottent les mains. Car cette année, même si les femmes se font désirer, les enfants et les hommes sont venus en grand nombre. C’est du moins ce qu’affirment les tailleurs que nous avons interpellés. Tous ont souligné cet état de fait qu’ils ont constaté dans leurs commandes, que ce soit en banlieue ou en ville.
«Peut-être que les femmes préfèrent satisfaire leur progéniture, car les temps sont durs. Mais ce n’est pas la première fois qu’on constate une telle situation. Car souvent, ces dernières années, lors des préparatifs pour la Tabaski ou la Korité, on note le même phénomène. C’est aussi peut-être parce que les femmes passent leur commandes bien avant les fêtes», soulignent-ils.
Les délestages, le casse-tête
A moins de 72 heures de la fête de la Korité, les couturiers, à l’instar des autres usagers du courant électrique, sont très inquiets. Avec la recrudescence des délestages, ils ne parviennent pas à faire leur travail correctement afin de rendre les commandes à temps. Ils ne peuvent pas, en effet, disent-ils, rester 2 heures sans qu’il y ait coupure de courant. Chez la plupart d’entre eux, c’est le recours aux groupes électrogènes qui permet de s’en sortir. Seulement l’usage de cet engin constitue une source de dépense supplémentaire. Car le carburant coûte très cher.
Aussi, pour épuiser les commandes de la clientèle, les tailleurs adoptent des stratégies comme veiller et travailler toute la nuit, vu qu’il y a moins de coupures, pour terminer les commandes.