LE PS ET LE SYNDROME DU PDCI
Bédié a tellement été couvert d’avantages qu’il a déclaré que son parti ne présentera pas de candidat contre Ouattara en 2015. Une décision contestée par son camp où, déjà, trois candidatures se sont déclarées
« Mon Dieu, protégez-moi de mes amis ; quant à mes ennemis, je m’en charge ! » Cette supplique de Voltaire, le président de la République gagnerait assurément à la faire sienne. En effet, il vient à peine de faire la moitié de son mandat — qu’il a d’ailleurs réduit à cinq ans — et n’a même pas encore commencé ses réalisations que, déjà, des « amis » créent des mouvements qui prétendent œuvrer à sa réélection en 2017. Et au premier tour, s’il vous plaît !
On avait déjà vu de tels activistes à l’oeuvre sous le président Abdou Diouf et sous le successeur de ce dernier, Me Abdoulaye Wade. A l’arrivée, on avait constaté ce que tout cela avait donné. Car si des mouvements « de soutien » ou « pour la réélection » pouvaient permettre à un Président de rempiler et de se succéder à lui-même, ces deux hommes d’Etat n’auraient sans doute pas été balayés par les électeurs.
Comprenons-nous bien : il est tout à fait légitime — et c’est peut-être même souhaitable — que l’actuel président de la République obtienne un second mandat. Surtout que, généreusement, il a accepté de renoncer à deux années de pouvoir. Ce alors que, à travers l’Afrique tout entière, des chefs d’Etat cherchent à modifier les constitutions de leurs pays pour se maintenir éternellement au pouvoir ! Simplement, chaque chose en son temps.
Alors que, encore une fois, M. Macky Sall n’a pas encore commencé à réaliser les multiples promesses contenues dans son programme électoral « Yoonu yokkuté » et que l’on se demande d’ailleurs s’il aura matériellement le temps de les mettre en œuvre en deux ans seulement, le meilleur moyen de l’aider à avoir un autre mandat, c’est, justement, de lui permettre de présenter un bilan.
En effet, seul un bilan pourra le faire réélire et non pas les agitations stériles d’activistes qui, pour la plupart, ont servi tous les régimes. Tout le monde espère que 2015 sera l’année où les chantiers du successeur du président Abdoulaye Wade — grand bâtisseur s’il en est — sortiront enfin de terre pour faire oublier justement les grandioses réalisations de son prédécesseur, notamment en matière d’infrastructures.
Malheureusement, pendant les deux premières années de son mandat, le président Macky Sall a notamment été diverti par des histoires de chasse aux sorcières dans le cadre d’une traque aux biens dits mal acquis.
Dans ces colonnes, nous n’avons d’ailleurs cessé de dénoncer cette chasse stupide qui, de toutes façons, n’allait permettre de rien recouvrer — ou alors si peu —, les mécanismes financiers de vols étant aujourd’hui trop sophistiqués pour que de l’argent volé puisse être récupéré. En revanche, cette opération, bénie par les Ong droits-de-l’hommistes et les gauchistes ultras, a durablement plombé l’activité économique nationale et retardé la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent. Parce que, tout simplement, elle a apeuré tous les détenteurs d’argent.
Toujours est-il que, durant un an et demi au moins, le président de la République devra mettre les bouchées doubles et cravacher, comme on dit de manière triviale, afin de construire des routes, des autoroutes, des universités, son train express Aéroport de Diass-Dakar, achever la construction de ce futur aéroport international, réaliser l’autosuffisance en riz, réussir le pari de la construction de la zone économique chinoise, terminer les travaux du Pôle urbain de Diamniadio qui devrait être une ville futuriste aux portes de Dakar, etc.
Ce étant entendu qu’en matière sociale, le bilan est déjà appréciable avec les bourses de sécurité familiales, la couverture maladie universelle, la baisse de l’impôt sur les salaires, la réduction du coût des loyers, etc.
C’est donc à l’impulsion de l’économie et, surtout, à la création d’emplois que le Président doit maintenant s’atteler car, quoi que l’on dise, la prospérité n’est pas encore là, les Sénégalais souffrant beaucoup dans leur quotidien marqué par une impécuniosité inquiétante.
Par conséquent, créer dès à présent des mouvements pour faire réélire le président de la République en 2017 est pour le moins prématuré ! L’est tout autant le fait de sommer ses alliés de la mouvance présidentielle de se déterminer dès à présent quant à savoir s’ils vont le soutenir ou non en 2017 !
On comprend donc, dans ces conditions, qu’un parti aussi vieux, aussi historique, aussi solidement implanté dans le pays et aussi responsable que le PS ait refusé de céder à cette injonction qui, du reste, a été désavouée par le président de la République lui-même. Lorsque le moment sera venu, n’ont cessé de répéter les dirigeants socialistes, notre parti se déterminera souverainement et dira s’il va présenter un candidat à l’élection présidentielle ou non.
Dans tous les cas, samedi dernier devant ses camarades du comité central, le secrétaire général du Parti Socialiste, M. Ousmane Tanor Dieng — approuvé en cela pour une fois par la pasionaria Aïssata Tall Sall —, a soutenu que le parti de Senghor et de Diouf ne peut pas ne pas avoir de candidat à une élection présidentielle. Et puis, de toutes façons, un parti est créé pour aller à la conquête du pouvoir — ou pour le reconquérir dans le cas du PS qui l’a exercé pendant 40 ans dans notre pays.
Encore une fois, lorsque le moment sera venu d’aller aux élections — on en est encore loin — les partis de la mouvance présidentielle et tous les autres se détermineront librement. D’ici là, franchement, il convient de se concentrer sur la réalisation du Plan Sénégal Emergent et le président de la République a besoin de tous ses alliés, parmi lesquels le PS occupe une place majeure, pour l’exécution de ses nombreux chantiers. Après quoi, vers fin 2016, il pourra faire l’évaluation de son compagnonnage avec les partis qui l’ont soutenu lors du deuxième tour de la présidentielle de 2012 et, à la lumière des décisions que prendront leurs instances à ce moment-là et de la loyauté qui lui aura été manifestée en cinq ans, apprécier avec qui il pourra aller à l’élection et remercier les autres de son gouvernement.
D’ici là, la route est longue, les chantiers nombreux et les Sénégalais devraient pouvoir souffler quelque peu avec la politique.
Pour en revenir au Parti Socialiste, il devrait surtout se garder du syndrome du PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) qui, comme lui, a libéré son pays du colonialisme, y a exercé le pouvoir pendant près d’un demi-siècle avant de basculer dans l’opposition. Ayant soutenu Alassane Dramane Ouattara au second tour de la présidentielle de 2010, il a été largement associé à l’exercice du pouvoir par ce dernier. Son secrétaire général, l’ancien président de la République Henri Konan Bédié, a tellement été couvert d’avantages et d’honneurs par le président Ouattara qu’il a lancé l’«appel de Daoukro» pour dire que son parti ne présentera pas de candidat contre l’actuel homme fort de Côte d’Ivoire en 2015.
Une décision violemment contestée à l’intérieur du PDCI où, déjà, trois candidatures se sont déclarées en vue de cette échéance. Il s’agit de celles de l’ancien Premier ministre — et ex-gouverneur de la Bceao —, Charles Konan Banny, de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Amara Essy, et d’un jeune député aux dents longues répondant au nom de Kouadio Konan Bertin alias « KKB ».
Henri Konan Bédié, alias « le sphinx de Daoukro » n’avait jamais été autant défié à l’intérieur de son parti !
C’est sans doute ce syndrome qu’Ousmane Tanor Dieng est soucieux d’éviter à son parti, le PS sénégalais. Ce en s’abstenant de se prononcer sur une élection présidentielle qui, de toute façon, n’aura lieu que dans plus de deux ans…