"LE SÉNÉGAL DOIT MONTRER UNE CAPACITÉ D’ABSORPTION D’AU MOINS 80% DES MONTANTS ENGAGÉS"
MANSOUR KAMA, PRÉSIDENT CNES
"Il y a plusieurs projets dans le Plan Sénégal émergent, mais les plus structurants doivent permettre le relèvement du taux d’investissement, notamment le taux d’investissement privé, à côté du taux d’investissement public.
Cela s’impose, surtout du fait que nous avons le sentiment que la croissance de 7 à 8% est à notre portée dans les trois années à venir. Bien entendu, il y a des contraintes qu’il faut rapidement levées.
Parmi lesquelles, l’accélération d’un certain nombre de réformes comme celle liée à l’environnement juridique. Ensuite, il y a la question foncière puisque l’agriculture et l’agro-industrie sont au cœur de la démarche.
De même, la création massive d’emplois nécessite la révision du Code du travail pour l’adapter au besoin des demandeurs d’emploi, de l’économie et des investisseurs. Bien évidemment, les intentions d’investissements exprimées dans le groupe consultatif doivent être accompagnées du côté des Sénégal d’une capacité d’abortion d’au moins 80% des montants.
C’est alors que nous pourrons considérer que le groupe consultatif a été une réussite. Du côté des privés étrangers, également, nous plaidons un partenariat gagnant-gagnant entre le privé international et local. A partir de la loi PPP (partenariat public privé), il est prévu qu’un minimum de 30% soit dévolu au secteur privé national, mais nous pouvons aller plus loin, en prenant en charge certains projets qui d’ailleurs n’ont besoin d’être présentés au privé international.
Je pense notamment à l’habitat social, l’aménagement de certaines zones touristiques. Maintenant la prise en charge de très grands projets comme le chemin de fer ou l’autoroute peuvent nécessite l’intervention du secteur privé international."
Trois questions à… Amacodou Diouf, président du Congad
"Nous devons changer de paradigme dans la convocation du groupe consultatif"
Pensez vous que le groupe consultatif est un bon moyen pour financer le Pse?
Il faut rompre avec le modèle où l’on convoque les bailleurs de fonds de la coopération bilatérale et multilatérale. Nous devons changer de paradigme dans la convocation du groupe consultatif. Actuellement ces partenaires sont des segments moindres dans le financement de nos projets qui visent à nous mettre sur la rampe de l’émergence.
Nous reconnaissons l’utilité de ces partenaires classiques, mais nous sommes dans une économie néolibérale qui nécessite une libéralisation du marché, donc des capitaux extrêmement importants. Pour cela, il est nécessaire de diversifier les sources de financement.
Quand on prend la gamme des secteurs proposés dans le cadre du plan Sénégal émergent, il faut qu’il y ait absolument le concours du capital privé international. Je pense donc qu’il est nécessaire d’aller vers un groupe consultatif qui ne soit pas forcément arrimée aux préoccupations de la Bm.
Donc nous pensons que l’Etat doit réorganiser son système de mobilisation des ressources. On peut organiser à Washington ou New-York un groupe consultatif qui pourrait capter le secteur privé américain. Il est possible aussi de le faire en Asie, en ayant comme objectif de fédérer les grands capitaux de cette région pour financer nos projets.
Quelles sont selon vous les autres possibilités de financement alternatifs ?
L’autre élément fondamental concerne la position du Sénégal vis-à-vis du Brics (acronyme pour désigner Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud ndlr). Je pense que si nous mobilisons des fonds pour un Sénégal émergent, on est obligé de prendre en compte les opportunités qu’offrent ces pays. C’est incontournable. Le Sénégal vient de conclure des accords de partenariat avec la Chine, mais je pense qu’il faut travailler dans le cadre macro.
D’ailleurs, je ne suis pas optimiste sur la capacité de l’investissement chinois à booster notre économie. Compte tenu du caractère de la coopération économique de la Chine qui ne fait pas de transfert de technologie. Ce qui est nocif pour la relance de l’industrie sénégalaise et le secteur des services. Je pense qu’il est plus facile d’obtenir des financements de la Chine, en raison de la souplesse de leurs mécanismes, mais je ne pense pas que leur investissement est de nature à nous aider pour notre développement.
Quel rôle peut jouer le secteur privé dans le Pse ?
Il faut souligner le fait que nous n’avons pas de secteur privé local capable d’absorber les financements du grand capital international. On n’a pas un marché qui est fortement marqué par un privé fort. Sur la proportion de la dépense publique dans le Pib, on voit nettement que l’Etat occupe une très forte place dans l’économie nationale.
En réalité, c’est lui qui est le pourvoyeur de services au Sénégal. Donc le secteur privé est obligé de s’arrimer au bon vouloir de l’Etat. Ce qui d’ailleurs favorise dans certains cas la corruption. Je pense qu’il faut aller vers les conditions favorisant un secteur privé fort.