''LE SECOND FORAGE DE PÉTROLE A DONNÉ DES RÉSULTATS MEILLEURS QUE LA PREMIÈRE DÉCOUVERTE''
MAMADOU FAYE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE PETROSEN
Selon le directeur général de Petrosen, les résultats du second forage de pétrole sont meilleurs que ceux de la première découverte dans les eaux sénégalaises. Dans cet entretien, M. Faye revient sur le partenariat entre l’Etat et les compagnies étrangères.
Monsieur le directeur général, vos partenaires de Cairn viennent d’annoncer, dans un communiqué publié depuis Londres, une nouvelle découverte de pétrole dans les eaux maritimes sénégalaises, un mois après une première annonce. De quoi s’agit-t-il exactement ?
La seconde découverte a été faite par le deuxième puits Sne-1. L’association constituée par Cairn (40 %), Conoco-Phillips (35 %), Far (15 %) et Petrosen (10 %), s’était engagée sur un programme de recherche de deux puits dénommés Fan-1 et Sne-1 pour un budget de près de 200 millions de dollars (près de 100 milliards de FCfa). Il faut reconnaître que ce programme était très ambitieux puisque, jusque-là, il n’y a jamais eu de forage qui ait prouvé l’existence de pétrole dans le secteur. La première découverte avec le forage Fan-1 a apporté des informations très importantes pour la recherche pétrolière, c’est-à-dire l’existence d’un système pétrolier. Le second forage Sne-1 vient confirmer ce système pétrolier et son étendue car la distance entre les deux forages est de 25 kilomètres. Le forage qui n’est pas encore terminé, a donné des résultats aussi intéressants sinon même meilleurs que ceux de la première découverte. En 2007, Petrosen et ses partenaires avaient fait des investigations dans une vaste zone au large de Sangomar. Les données techniques ont permis de mettre en évidence plusieurs niches favorables à la présence de pétrole. Pour le moment, deux niches ont été testées par les forages Fan-1 et Sne-1, mais le consortium va étendre son programme de recherche sur les autres niches. Il est également prévu un programme d’évaluation des deux découvertes.
Quelle est l’importance, en termes de quantité et de qualité, de cette deuxième découverte ?
La distance entre les deux découvertes est de 25 kilomètres. Ceci montre que le potentiel dans la zone est très important. Ces deux découvertes constituent un début très intéressant pour le Sénégal. Huit autres zones de recherche dans la partie maritime du territoire ont été données aux compagnies. Les découvertes de Cairn vont nécessairement avoir un impact positif dans ces zones. Nous allons appliquer la méthodologie de Cairn dans toutes ces zones.
Pouvez-vous nous expliquer la nature du contrat qui vous lie à vos partenaires Cairn, Conoco Phillips et Far ?
Les gens parlent beaucoup des contrats pétroliers, mais il y a très peu de personnes qui connaissent, dans les détails, ces modèles de contrats. Avant de parler des contrats pétroliers, il faut connaître la nature de l’industrie, parce que ce sont les pratiques, les droits et les obligations dans les différentes phases du processus qui sont traduits dans les contrats. Dans ce cas précis, la partie qui nous concerne s’appelle l’amont de l’industrie pétrolière qui n’a rien à voir avec l’aval qui comprend le raffinage et la distribution. L’amont regroupe l’ensemble des pratiques, de la recherche à la production de pétrole ou de gaz. Partout dans le monde, l’amont est régi par trois modèles de contrats à quelques variantes près, que sont la convention, le contrat de recherche et de partage de production et le contrat de services. La différence fondamentale dans ces modèles se situe au niveau des droits de propriété sur la ressource, les immobilisations et la fiscalité. La convention est le modèle le plus ancien. Bien qu’elle soit encore appliquée dans quelques pays, elle a été largement supplantée dans beaucoup de pays par le contrat de recherche et de partage de production. Ce modèle est plus favorable pour le pays producteur qui est le propriétaire des ressources et des immobilisations. Il garantit aussi aux compagnies le remboursement de leurs investissements et un profit qui rentabilise ces investissements. La détermination de l’assiette fiscale est aussi plus facile à gérer pour les compagnies. Lors de la révision de la loi 98-05, portant Code pétrolier, le Sénégal a introduit le modèle de contrat de recherche et de partage de production. Tous les contrats pétroliers signés depuis 2000 sont des contrats de recherche et de partage de production.
A combien évaluez-vous le coût de la prospection faite ?
Le contrat dans les blocs de Sangomar Profond et de Rufisque a été signé en 2004. Plusieurs programmes de recherche ont été conduits par l’association. Les forages en cours Fan-1 et Sne- 1 constituent une autre phase dans le programme de recherche dans la zone. De 2004 à la fin de 2014, les investissements dans ces deux blocs sont de l’ordre de 350 million de dollars (près de 175 milliards de FCfa).
Les autres blocs à explorer sont-ils aussi prometteurs ?
Quand on fait de la recherche, la chose la plus difficile est de prouver que le pétrole existe dans la zone, ce qui est le cas pour ces deux découvertes faites par les puits Fan-1 et Sne-1. Les informations recueillies sur ces forages seront exploitées par toutes les compagnies qui opèrent dans cette partie maritime du territoire. Tous les autres blocs, depuis la Mauritanie à la Guinée-Bissau, présentent les mêmes perspectives que les blocs de Sangomar Profond et de Rufisque.
Quel peut-être l’impact de ces découvertes dans le quotidien des Sénégalais ?
Le pétrole génère des revenus pour l’Etat comme l’or, la pêche, le tourisme, etc. Aujourd’hui, le Sénégal dépense près de 500 milliards de FCfa pour les besoins en énergie. Cet argent, ce sont des devises qui sortent du pays. Nous espérons pouvoir produire assez pour que le Sénégal n’ait plus à importer des produits pétroliers. Les 500 milliards de FCfa vont servir à relancer des secteurs importants de l’économie. C’est pourquoi l’existence d’une raffinerie est très importante. Le pétrole n’est pas utilisable à l’état brut, il faut le traiter pour y tirer des produits spécifiques comme l’essence, le jet, le gasoil, etc. Ce sont ces produits qui apportent une très forte valeur ajoutée au pétrole brut. Les pays producteurs qui ne disposent pas de raffinerie, exportent toute leur production de pétrole et importent ensuite des produits raffinés. Le bilan entre les revenus d’exportation et les coûts d’importation montrent qu’à volume égal, il y a une perte.