''LE SENEGAL A FAIT BEAUCOUP DE PROGRES DANS LE DOMAINE DES INFRASTRUCTURES ET DE LEUR UTILISATION
JEAN NOEL GUILLOSSOU, RESPONSABLE DE PROGRAMME DES POLITIQUES DE TRANSPORT EN AFRIQUE DE LA BANQUE MONDIALE
Dakar abrite, à compter d'aujourd’hui et jusqu’au 13 décembre, un forum international sur les politiques de transport en Afrique et la réunion annuelle du Programme des politiques de transport en Afrique (Ssatp, Banque mondiale). Le responsable de Programme de politiques de transport en Afrique, Jean Noël Guilloussou, revient sur les enjeux de cette rencontre dont le thème est : « Promouvoir des politiques pour un transport efficace, sûr et durable pour les populations d’Afrique ».
Quels seront les grands axes de la rencontre ?
Les grands axes de la rencontre visent le développement durable qui fournit le cadre global des politiques sûres, efficaces et durables dans le secteur des transports pour les populations d’Afrique. Les aspects particuliers que nous allons discuter, pendant le forum, sont la sécurité routière, la gouvernance et comment le secteur privé peut aussi améliorer l’efficacité du secteur des transports.
L’Afrique traîne un déficit d’infrastructures de transport. Cette question sera-t-elle prise en compte?
Le programme de politique de transport en Afrique dont je suis le responsable, ne traite pas directement des infrastructures et des projets de construction ou d’amélioration des infrastructures. Nous travaillons un peu plus en amont pour nous assurer que lorsqu’une infrastructure est construite, les usagers en tirent tout le bénéfice attendu. Par exemple, lorsqu’on améliore une route, sans que la politique en place ne soit adéquate, il y aura un risque que les bénéfices de l’amélioration de la route soient conservés à un certain niveau et n’atteignent pas les passagers ou les chargeurs qui transportent des marchandises. Or, l’objectif d’améliorer l’infrastructure, c’est pour que la population entière bénéficie de tous ces impacts. Il faut s’assurer que les politiques de transport permettent cette adéquation entre amélioration de l’infrastructure et les besoins des populations. Si vous me demandez l’état des infrastructures, je dirais qu’au-delà de leur condition physique, ce dont on s’aperçoit, c’est que les politiques ne sont pas en place, dans beaucoup de cas, pour que les populations en tirent tout le bénéfice espéré.
Qu’en est-il d’un pays comme le Sénégal en politique de transport ?
Le Sénégal a fait beaucoup de progrès dans le domaine des infrastructures et de leur utilisation. Par exemple, il y a des progrès dans la sécurité routière. J’ai travaillé, il y a plusieurs années sur le Sénégal, à l’époque, des données avaient été collectées sur les accidents de la route. Ces données avaient été mises sur une carte qui démontre que la route des Niayes était critique avec un accident par jour. En fait, le gouvernement a pris des mesures pour améliorer la sécurité sur cette route. C’est une action positive de sécurité routière. Dans le domaine de la gestion des routes, il y a la création du Fonds d’entretien routier, de l’Agence des routes, qui ont permis une meilleure gestion du réseau et une gestion plus efficace des ressources. Cela revient à engranger plus de ressources. Mieux vous les gérez, mieux vous avez des résultats avec les ressources dont vous disposez.
Pourtant, on estime, au Sénégal, qu’il y a toujours beaucoup d’accident…
Oui, mais la sécurité routière est un challenge. Quand vous avez un pays avec une croissance économique, les gens en bénéficient et achètent des voitures, des motos. Vous avez donc plus de trafic sur les routes, ce qui signifie plus de risques d’accidents. Comment mettre en place les mesures et rendre l’infrastructure plus sûre, tel est le défi. La motorisation et l’augmentation rapide du parc automobile est un challenge énorme auquel tous les pays du monde sont confrontés.
En politique de transport, quelle est l’importance de la gouvernance et du développement durable ?
La sécurité routière est essentielle à la durabilité. Vous devez avoir un système de transport qui respecte les usagers, sinon, ils diront aux gouvernants que ce qu’ils font ne répond pas à leurs besoins. C’est donc inutile. Et si c’est inutile, ce n’est pas durable. Il y a des choix à faire entre transport public et transport individuel. Si le transport urbain est uniquement individuel avec des voitures privées, il y a beaucoup de gens qui ne vont pas se déplacer, les villes seront congestionnées et personne ne sera content.
On oublie très souvent les zones rurales alors qu’elles produisent beaucoup de denrées à acheminer dans les villes…
Il y a deux approches complémentaires. D’abord, il y a l’approche consistant à avoir un réseau de transport intégré. Ce qui veut dire que les réseaux routiers principal, secondaire et le réseau des routes rurales doivent être intégrés de façon à ce que les productions des zones rurales puissent atteindre les centres de consommation. Et souvent, on s’aperçoit qu’il n’y a pas forcément de coordination dans la gestion de tous ces réseaux. Les produits ne peuvent donc pas arriver à destination. Il y a une approche différente, notamment la notion de corridor. On entend par corridor le transit du port vers un pays enclavé, comme le corridor Dakar-Bamako. Nous avons une approche où le corridor devient plus un corridor de développement économique et qui sert à toute sa région d’influence, y compris les zones rurales. Lorsque l’on facilite le développement des corridors de transport, on fournit un accès aux zones rurales qui bénéficient ainsi du développement de l’infrastructure le long du corridor. L’autre problème, celui des services de transport, est difficile à résoudre. Les moyens de transport doivent atteindre les zones rurales. Il n’y a pas, pour le moment, de méthode magique pour fournir l’accès aux zones rurales. Au Bengladesh, l’approche pour le développement des routes des zones rurales consiste à faire des marchés en plus des routes rurales. Lorsque les routes sont améliorées, le marché est construit de façon à fournir aux ruraux l’accès au centre économique où ils peuvent amener leur production qui sera ainsi évacuée vers des zones de plus grande consommation. C’est une approche qui a eu beaucoup de succès dans ce pays.
A votre avis, les corridors doivent jouer le rôle de colonne vertébrale du développement ?
Au Sénégal, il y a des routes intérieures qui peuvent être utilisées comme corridors de développement. Il ne s’agit pas simplement de corridor de transit international.