LE SERMON DE MACKY
Face aux responsables de l’Apr, à Paris, le chef de l’État rappelle les fondements de la République et les exigences du combat pour le développement
«C’est une rencontre entre le président du parti, Alliance pour la République (Apr), et les responsables de sections». Ainsi Macky Sall présentait la réunion politique qui s’est tenue samedi dans une salle de cinéma située sur l’avenue des Champs-Elysées, à Paris. A la suite de 46 responsables politiques, le président de l’Apr a pris la parole pour revenir sur la situation politique du Sénégal, les avancements des projets de développement économique, le social, la réduction du mandat présidentiel, la bonne gouvernance, les conditions de sa réélection, etc.
«C’est avec plaisir que je suis avec vous afin de faire le parcours élogieux et exceptionnel de notre jeune parti, l’Apr. La délégation des Sénégalais de l’extérieur (Dse) de France a été la première à me répondre favorablement, avant même la création du parti, a déclaré Macky Sall qui rencontrait, samedi à Paris, les responsables de l’Apr. La première rencontre a eu lieu à Strasbourg. C’était le 19 octobre 2008, deux mois avant la création du parti. Par la suite et sans relâche, vous avez installé section après section jusqu’en avoir 65 en France, sans compter celle qui attendent. C’est dire que vous êtes l’une des forces de frappe du parti. A travers vous, que ce soit en France ou au Sénégal, nous avons une représentation qualitative. Je tenais à vous remercier pour les résultats exceptionnels que vous avez obtenus lors de l’élection présidentielle de 2012 (plus de 80% au second tour de mars 2012) puis lors des législatives qui ont suivi. Ce qui fait que les résultats de France avaient fini de convaincre les plus sceptiques que leur cause était perdue car l’écart était tellement important.»
Au cours de la rencontre, les prises de parole de responsables de section ont fait apparaître des dissensions internes sur la marche de l’Apr. Pour Macky Sall, «malgré les difficultés notées çà et là et inhérentes à l’âge jeune du parti, il y a une dynamique unitaire, un élan mobilisateur pour que l’Apr et l’ensemble de «Bennoo Bokk Yaakaar», qui est la majorité présidentielle, puisse encore une fois dominer et ceci encore très longtemps».
Situation politique du pays
Macky Sall s’est lancé dans une volonté manifeste d’évoquer la situation politique (procès Karim Wade, manifestations de l’opposition) sans nommément citer de nom. «Le débat politique est ancien, a-t-il déclaré en préambule. Le Sénégal est un pays de dialogue. Ce sont des traditions héritées, nous avons obligation de respecter ces traditions. Mais un dialogue suppose le respect les uns des autres. Il faut qu’on se respecte dans une République avec des règles de fonctionnement.
Si les règles ne sont pas respectées, nous ne sommes plus en République. Nos contradictions, nous devons les gérer dans la République et dans l’Etat de droit. Chacun a la liberté de ses opinions et il ne faut pas oublier que la liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres. Mainte- nant, le reste n’est qu’une animation politique.
L’économique, le vrai combat
L’échange avec les militants a aussi porté sur les chantiers de l’émergence économique du Sénégal. Macky Sall a arboré la sémantique guerrière en parlant d’un « combat » à mener. «Le programme «Yonnu Yokuté» qui a été renforcé, élargi avec des ambitions encore plus fortes à travers le Plan Sé-négal émergent. Le Pse veut que nos efforts pour le développement permettent que notre pays soit réellement émergent dans un horizon de vingt ans».
Le souhait formulé par Macky Sall est que le Sénégal soit un pays «où les revenus, par tête par habitant» puissent être multipliés au moins par deux. En 2035, il faudra que les enfants qui naitront au Sénégal soient considérés comme étant dans un pays émergent qui a les capacités de leurs assurer le bien être». Entre ce souhait et sa réalisation, il y a des préalables que le président a listés.
«Il faut organiser notre système économique, de production, il faut que nous produisons ce que nous consommons. Il faut que nous assurions notre autosuffisance alimentaire. Il faut que l’agriculture sénégalaise nourrisse les Sénégalais. C’est le sens du programme d’autosuffisance en riz qui lui même est inscrit dans le Programme d’accélération de la cadence agricole au Sénégal (Pracas) à travers différentes filières que nous sommes en train de mettre en œuvre. Dans un an, le Sénégal sera autosuffisant en oignon. Nous exportons déjà de l’oignon vers l’Europe. A terme, nous allons être autosuffisants en sucre. Nous le serons également pour le riz et ce vaste programme est engagé».
La réalisation de tous ces projets à court terme ne fait pas de doute pour Macky Sall. Elle s’accompagne d’une transformation de l’économie sénégalaise en trouvant des solutions durables et définitives à «la lancinante question de l’énergie». «Nous sommes engagés dans cette voie et celle de la diversification des sources. Il y a plusieurs projets qui vont permettre, en 2017, de doubler les capacités de production que le Sénégal a eu depuis que nous consommons l’énergie».
Un train rapide pour 2015
L’autre agenda dévoilé par Macky Sall concerne les investissements publics. «Dans cinq ans nous allons multiplier par deux l’ensemble des investissements publics qui ont été consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche». Le président de l’Apr en fait un autre axe du combat mené à la tête de l’Etat. «Ce n’est pas un combat de politicien mais de développement. Nous sommes en train de lancer les projets d’autoroutes, «Ila Touba» va venir s’intégrer aux projets d’auto- routes en voie de construction comme Aibd, Thiès. Nous sommes en train de finir celles que nous avons trouvées : Dakar-Diamniadio-Aibd. Ce sera fini dans quelques mois. Nous allons lancer un projet d’un train rapide comme le RER (train rapide parisien qui desserte la banlieue en Île-de-France, ndlr) à Dakar. Ce projet qui, inch’Allah, sortira de terre cette année. Les études sont entamées. C’est cela notre ambition qui n’est pas un combat de gladiateurs politiciens comme on le voit depuis 1960, c’est vraiment de changer le visage du Sénégal à travers une véritable relance économique».
Pas de développement sans l’humain
Et quid du développement humain ? «Le développement sans la solidarité n’est pas un développement», a formulé Macky Sall. L’axe deux du Pse, c’est le développement solidaire. Toutes les politiques de protections sociales sont lancées. Cette année, 200.000 familles sénégalaises vont recevoir 20 milliards de francs Cfa du budget national. Dès l’année prochaine, la somme sera en hausse pour atteindre 25 milliards de francs Cfa. Ce qui est conforme à mon engagement dans le programme «Yonnu Yokuté».
«250.000 familles pour l’horizon 2016, l’engagement sera respecté, voire dépassé. Nous avons lancé la politique de Couver- ture maladie universelle (Cmu). Sur 100 Sénégalais, il y en a que 20 qui disposent d’une couverture maladie. Les 80 restants n’ont aucune prise en charge encore moins une assurance. N’eut été la solidarité, grâce à la diaspora mais aussi grâce à ceux qui gagnent un peu et qui partage avec le plus grand nombre, les conséquences auraient été dramatiques.
«Nous disons qu’il faut aider les Sénégalais, même ceux qui ont un travail saisonnier ou ne travaillent pas, à travers un système de mutuelles de santé. L’Etat mettra les ressources qu’il peut et les ayant droits mettront un tout petit peu pour que la Cmu soit entière. En même temps, pour que le plus grand nombre puisse bénéficier de la Cmu, nous avons décidé de prendre en charge gratuitement les moins de 5 ans. Pour les plus de 60 ans, nous avons renforcé les moyens d’un programme qui existait en payant la dette des hôpitaux. Cette année, elle s’élève à 3,5 milliards. L’année prochaine, nous allons éponger complètement la dette des hôpitaux pour que le programme des plus de 60 ans puisse être une politique gratuite. Il y a d’autres maladies comme le Sida, les anti rétroviraux, les dialyses, dont les soins sont gratuits dans les hôpitaux publics».
L’axe 2 du Pse doit accompagner, sur le plan social, les populations vulnérables en particulier dans le domaine de la santé mais aussi de celui de l’éducation. «Nous allons construire, cette année, 200 collèges, engager un vaste programme pour lutter contre les abris provisoires et nous venons de lancer deux Universités d’envergure sans parler des bourses».
Selon Macky Sall, les allocations rétribuées aux étudiants sénégalais «ont coûté 50 milliards de francs Cfa cette année. Voilà donc où nous voulons mettre les ressources du pays, dans des aspects qui atteignent directement les cibles sociales ou qui impactent sur la production et la productivité.
Teranga personnel contre bien-être collectif
Le troisième point développé concerne la bonne gouvernance, la transparence dans la gestion des affaires. «C’est tout aussi important que les deux premiers axes car si nous ne gérons pas les deniers qui sont mis entre nos mains, de manière responsable, nous ne ferons pas de résultat, prévient Macky Sall. Nous disons que la gouvernance est donc fondamentale, quand on est nommé, on doit également rendre des comptes. Cela ne doit pas créer de problèmes. C’est pourquoi j’ai lancé la création de l’Ofnac. La Crei a été réactivée pour faire la lumière sur les gestions (antérieures) mais ceux qui viennent d’être nommés seront suivis par l’Ofnac, il veille sur leurs actions. Nous ferons le nécessaire pour que la corruption soit réellement combattue dans notre pays. Nous avons voté une nouvelle loi en 2012 portant sur le code de transparence dans la gestion publique qui fait obligation aux gestionnaires de faire des déclarations de patrimoine. Lorsqu’on s’inscrit donc dans de telles politiques, on doit comprendre que le temps est révolu où l’on considère que la gabegie et les détournements de deniers publics vont se faire de manière impunie. C’est terminé».
En sifflant la fin de la récréation, Macky Sall montre les solutions. «Il n’y a pas 20.000 chemins, tranche- t-il d’emblée. Il y n’y en a que deux». Pour Macky Sall, «soit on s’inscrit dans la rupture et l’on optimise les ressources publiques pour le plus grand nombre, on fait des résultats et l’on progresse vers l’émergence. Ainsi on réalise les grands projets contenus dans le Pse».
«Soit on fait les mêmes politiques qu’avant, c’est-à-dire ne pas faire de grands projets, ni de grands progrès dans l’investissement productif qui est porteur de croissance et d’emplois et nous allons tout mettre dans la consommation, les «Thiakhaneries», le folklore. On connaît le résultat en avance. Les ruptures sont difficiles car chacun subit une pression. Les gens sont habitués à une certaine forme.»
Macky Sall a raconté une anecdote représentative de son choix de gouvernance. «Certains me disent que «Ngour tollou teranga leu » (le pouvoir est le champ de l’opulence, en wolof), tout ce que vous mettez en place, c’est très bien mais il faut...». Le président de l’Apr a voulu faire la distinction entre la gabegie et le nécessaire dans le bon fonctionnement d’une République quand on achète une voiture à un consul général à l’étranger. «Ce n’est pas de la Téranga mais ce sont les mesures d’accompagnement et les attributs liés à une fonction».
Réélection en vue
«Si nous oublions ce pourquoi nous avons été élus, nous finirons par en subir les conséquences électorales», a répété Macky Sall de manière pédagogique aux militants de l’Apr. Ce qui est important, c’est de savoir faire avancer le Sénégal et que les investisseurs puissent venir avec leurs capitaux. Nous avons un pays de stabilité.
La jeunesse de demain doit trouver un pays stable et émergent. Le parti (Apr) doit être à la base de ce plan. Après le parti, il y a une coalition gouvernementale, puis les citoyens. Arrêtons le gaspillage et ceci concerne, en premier, nous les responsables du parti pour que le Sénégal aille de l’avant. Ainsi nous ferons du «dore dorate»».
La sémantique empruntée à la lutte sénégalaise n’est pas le fruit du hasard car Macky Sall veut mener concomitamment le combat pour le développement et celui pour sa réélection en 2017. Ainsi après près de trois ans de mandat, Macky Sall a donné à Paris le top départ d’une campagne pour sa réélection.