LE SUCRE ET LA TOMATE DU SENEGAL PERDENT DES COULEURS
RUDEMENT CONCURRENCES PAR LES IMPORTATIONS
La volonté des services du ministère du commerce de laisser entrer sans entrave des quantités massives de sucre et de tomate de l’étranger, a plongé ces deux secteurs de l’industrie sénégalaise dans une situation de marasme assez inquiétante. Au point que certaines craignent de voir encore leurs entreprises devoir mettre la clé sous le paillasson.
L’industrie sénégalaise est toujours victime des incohérences des choix de politique économique du pays. Les Dakarois voient sur les panneaux publicitaires à travers la ville, de la publicité pour des petits sachets de tomate concentrée, destinés à des couches parmi les plus pauvres de la population, parce qu’ils sont vendus, au détail, à partir de 50 francs Cfa. Le plus étonnant est que ces sachets ne sont pas vendus par l’une des trois industries de transformation de tomate installés dans le pays, mais par un commerçant jusqu’à ce jour, inconnu dans le secteur de la transformation de la tomate. Cela veut dire que cette société achète du double concentré de tomate, et se contente de la mettre en sachet. Or, dans le même temps, les sociétés de transformation de la tomate ont été contraintes pour cette saison, de s’engager à ne pas importer du double concentré de tomate, au risque de ne pas avoir l’autorisation d’importer du triple concentré de tomate.
Quand on sait que cette année, la production de la tomate nationale dans la vallée du fleuve n’a pas depassé 40.000 tonnes, qui transformées, ne feront pas plus de 10.000 tonnes de double concentré, et que la demande sur le plan national est de 22.000 tonnes, on voit le besoin qu’il y a pour les industriels de la tomate de pouvoir importer pour faire tourner leurs usines et pouvoir combler le déficit. Malheureusement, au moment où les pouvoirs publics imposent des restrictions aux industriels de pouvoir importer de la matière première pour leurs usines, ils autorisent à des concurrents juste mus par le profit facile, de noyer le marché avec des produits d’importation.
La même situation se pose également avec le sucre. Au moment où la Compagnie sucrière du Sénégal (Css) se prépare à mettre sur le marché sa production saisonnière, on apprend que le ministère du commerce a accordé aux commerçants et importateurs membres de l’Unacois, l’autorisation d’introduire sur le marché 30.000 tonnes de sucre cristallisé. Cela s’ajoute aux 20.000 tonnes de sucre dont ces mêmes commerçants avaient pu obtenir l’entrée, après qu’elles aient été bloquées pendant un bon moment au port de Dakar.
On comprend dans ces conditions que les employés de la compagnie de richard Toll soient assez inquiets. Tout le monde se rappelle en effet, que la Css s’était retrouvée avec plus de 50.000 tonnes de sucre qui ne parvenaient pas à trouver preneur. Cela avait été dû au fait que les importateurs avaient abusé des Droits d’importation des produits alimentaires (Dipa) pour faire entrer plus de produits qu’ils n’étaient autorisés. Ce stock en trop a failli même entraîner la mort de la Css, au point que les autorités nationales ont été obligées d’intervenir d’urgence.
La tomate sénégalaise, une filière qui pendant longtemps était présentée comme un modèle de réussite d’intégration verticale de tous les acteurs, connaît une situation difficile. A la contrebande, est venue s’ajouter la forte entre les industriels. Ce marasme de la filière s’était traduit par la fermeture de l’usine de la Socas, à Savoigne, dans le Nord. Au moment où la filière tente de reprendre des couleurs, les autorisations d’importation de double concentré de tomate ne vont pas lui permettre de se relever.
Ces décisions et leurs conséquences expliquent un peu la dépression que connaît le pays actuellement. D’ailleurs, l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) et la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) répercutent régulièrement les complaintes et les inquiétudes des chefs d’entreprises en ce qui concerne l’environnement économique, qui pour eux, ne serait pas favorable aux affaires. Et malheureusement, les pouvoirs publics semblent tout faire pour leur donner raison.
Les employés de la compagnie sucrière ont même le sentiment que la volonté prêtée en son temps à Abdoul Mbaye, le ci-devant chef du gouvernement de Macky Sall, de «tuer» leur entreprise, semble être perpétuée par le ministre Alioune Sarr. Et ils se demandent si ce dernier a réellement la volonté de mettre en œuvre ses bonnes intentions de soutenir les entreprises nationales.