VIDEOLE SÉNÉGAL, LE GUINÉEN ET LA TÉRANGA… MÉDICALE !
DESTINATION SANTÉ
Dakar reste la destination-phare pour de nombreux étudiants de pays de la sous-région désirant poursuivre des études supérieures. Car aux yeux des Guinéens, Ivoiriens, Maliens, Gabonais, Mauritaniens et autres Camerounais, le Sénégal de Léopold Sédar Senghor et de Cheikh Anta Diop est perçu comme un pays ayant un grand rayonnement intellectuel, culturel et scientifique. Mais si le Sénégal est devenu une destination conseillée et recommandée pour les étudiants de la sous-région, il l’est aussi pour de nombreux malades !
En effet, en dehors de l’étudiant guinéen qui vient d’être guéri de sa fièvre Ébola, notre pays a toujours été une destination médicale synonyme de survie pour la plupart des malades guinéens désespérés. Et particulièrement, ceux de la région frontalière de Labé qui préfèrent venir se soigner à Dakar plutôt que de risquer leur vie dans les hôpitaux de Conakry. Ce même si, dans nos établissements également, les guérisons relèvent souvent du miracle. Qu’est-ce qui justifie ce choix des malades guinéens pour Dakar ? "Le Témoin" a cherché à le savoir !
Rien que pour un seul cas d’Ébola introduit par un jeune étudiant guinéen, le Sénégal ne vivait plus ! Ou, plutôt si, il ne vivait que sous l’emprise de la fièvre hémorragique. Et surtout face à une pandémie dont le moindre contact physique avec le malade favorise la propagation du virus. Lequel contamine ainsi à grande échelle et de manière fulgurante. Comme quoi, nous devons tous nous laver constamment les mains comme si nous allions mourir d’Ébola demain ! Il est permis de penser que c’est cet instinct de survie qui s’était emparé de ce jeune malade guinéen.
Car, le simple fait de voir des parents malades mourir d’Ébola a sans doute suffi pour mettre son instinct de survie en état d’alerte au point de le pousser à venir se soigner à Dakar. Quitte à traverser par effraction les frontières, à écraser les bornes, violer l’interdit pour pouvoir dompter la mort chez le pays voisin… D’ailleurs, c’est ce qui s’était passé à propos du premier cas d’Ébola "importé" et signalé à Dakar.
A en croire le coordinateur d’urgence de riposte contre Ébola pour l’OMS en Guinée, Dr Sosthène Zombre, il s’agit d’un étudiant en sociologie à l’université de Conakry qui a contacté le virus à Forécariah, préfecture située à 150 km au sud ouest de Conakry et frontalière de la Sierra Leone. Le jour de sa fuite éperdue vers le Sénégal, a indiqué Dr Zombre, quatre membres de la famille proche de l’étudiant sont décédés d’Ébola dont sa mère et sa sœur.
Vous voyez ! Donc, le cas de ce jeune malade guinéen nous renvoie aux histoires de ces voleurs qui, poursuivis par la clameur populaire, se réfugient à la police ou à la prison la plus proche aux fins d’échapper à un lynchage à mort. Fallait-il donc apporter aide et assistance médicale à notre migrant d’Ébola ou le livrer à la vindicte "mortelle" c’est-à-dire le refouler vers sa Guinée… épidémique ?
En tout cas, bien qu’il soit un colis encombrant, voire une bombe endémique, les autorités sanitaires et politiques sénégalaises ne pouvaient pas faire autre chose que d’essayer de le soigner. Et surtout du fait qu’il s’agit d’une bombe "Ébolatomique" dont la déflagration au Sénégal pouvait provoquer des ravages incommensurables.
La panique de nos compatriotes était d’autant plus grande et compréhensible que la fièvre hémorragique à virus Ébola est connue pour ne disposer d’aucun traitement curatif. Autrement dit, le malade qui en serait atteint n’aurait aucune chance de survie… Du moins théoriquement, car, dans les faits, le taux de létalité tourne autour de 55 %. Preuve, un malade sur deux à peu près survivrait. L’étudiant guinéen "importateur" du virus chez nous fait partie de ces miraculés. En effet, le professionnalisme et l’expérience de nos médecins aux compétences avérées ont pu le sauver d’une mort certaine !
Etant la seule région guinéenne frontalière avec le Sénégal, Labé est la localité où les populations sont plus sénégalaises que guinéennes. Elle ressemble à Kédougou, une région sénégalaise frontalière de Labé où vit une très forte communauté guinéenne attirée par le commerce des produits informatiques et l’orpaillage dans les zones minières.
Ce brassage économique et social est facilité par la politique étrangère de nos deux pays ayant en partage une législation établissant la libre circulation des personnes et des biens. Au delà de cette politique de bon voisinage, se cachent les merveilles et les mirages de l’ex-capitale de l’Afrique occidentale française (Aof) : Dakar ! Rien que pour découvrir la plage, les dancings, les casinos, les autoroutes à péage, les parcs d’attraction et les tunnels, les Guinéens nantis de Labé préfèrent venir en vacances à Dakar plutôt que d’aller à Conakry.
DAKAR, UNE DESTINATION DE SURVIE !
En dehors des activités de loisirs et de commerce, Dakar reste et demeure, en toute modestie, le "Paris" des Guinéens de Labé. D’abord pour multiples raisons : Il ressort de l’avis de nombreux ressortissants guinéens originaires de Labé qu’il est plus rentable pour eux de venir à Dakar que de se rendre à Conakry. Un choix qui se justifie entre autres par un marché global et unifié où les produits de consommation sont presque identiques et ont pratiquement tous le même prix aux mêmes endroits malgré la devise cfa d’une part et la monnaie guinéenne d’autre part. Mieux, les tarifs de transport comme point de départ "Labé" vers les deux capitales sont assez compétitifs.
A preuve, entre Labé et la capitale Conakry, le passager débourse 20.000 fcfa soit 280.000 francs guinéens tandis que Labé/Dakar est à 15.000 fcfa environ 209.000 francs guinéens. Autrement dit, il est plus facilement pour le Guinéen de Labé de venir à Dakar plutôt que d’aller à Conakry ! Dakar est considérée par de nombreux patients guinéens comme étant une destination d’espoir ou de survie. Surtout que le Sénégal jouit d'un avantage relatif à la réglementation, à la qualité et au contrôle des produits. En particulier les produits pharmaceutiques contrairement en Guinée où la vente des médicaments est "autorisée" ou tolérée partout (étals, boutiques, marchés etc).
Selon Dr A. Touré, médecin d’origine guinéenne au Centre hospitalier universitaire ( Chu) de Fann à Dakar, l’un des défis majeurs de l’Etat guinéen en matière de santé publique réside dans la lutte contre les médicaments contrefaits et autres produits pharmaceutiques de piètre qualité qui n’existent nulle part ailleurs qu’en Guinée ! "Ces médicaments contrefaits s’ajoutant à certains produits pharmaceutiques qui ne respectent aucune norme de qualité ont un impact immédiat sur les patients.
Mieux, la mauvaise qualité de ces produits vendus à l’air libre en Guinée peut encourager l'émergence de la résistance aux médicaments de certaines maladies graves. Bien que le Sénégal ne soit pas à l’abri du fléau (Ndlr, et pour cause, nous avons Keur Serigne bi !), ces médicaments de la rue y font moins de dégâts puisque la vente des médicaments est strictement contrôlée et réglementée dans les officines de pharmacie…" fait remarquer ce médecin guinéen.
Il s’y ajoute que les structures hospitalières de Labé ne disposant pas de plateau technique complet ou relevé ne font que désespérer les malades. En tout cas, si des Guinéens de Labé souffrant de "banales" maladies telles que le paludisme "chronique" ou "rebelle", la fièvre typhoïde, l’hypertension artérielle etc. sont contraints de migrer vers Dakar pour ne pas mourir "fautifs", c’est parce que le système guinéen de santé est défaillant ! C’est sans doute ce qui explique que l’étudiant guinéen porteur du virus Ébola ait choisi de venir tenter sa chance de survie à Dakar.
Car, l’assistance médicale générale en Guinée est insuffisante et les soins dispensés dans les différentes structures disponibles ne peuvent pas être comparés aux standards européens sur lesquels les hôpitaux publics et cliniques privées sénégalais se réfèrent pour relever leur plateau technique afin d’améliorer la qualité des soins. Souffrant d’une maladie aussi mortelle qu’Ébola, le jeune patient guinéen ne s’est pas trompé de destination médicale en choisissant Dakar.
Rien que ce choix de prestige ou de survie méritait qu’on lui déploie une civière, pour ne pas dire un tapis, "rouge" sur fond de Téranga… médicale. Que voulez-vous ? On peut choisir ses amis, mais pas ses voisins… Or, grâce à Dieu, le Sénégal a longtemps été en avance dans le domaine des politiques de santé et de prévention en Afrique. Notre faculté de médecine sise à l’Ucad (Université Cheikh Anta Diop) est le noyau de cette politique de référence pour avoir formé d’éminents médecins et professeurs servant aux quatre coins du monde.
Toujours est-il qu’aux yeux des malades des pays voisins, si l’hôpital Principal et des établissements comme Le Dantec et Fann sont des couloirs de survie voire de résurrection pour patients guinéens mourants. En tout cas, contrairement à certains pays de la sous-région, le Sénégal est une destination idéale pour le tourisme médical du fait que notre pays fonde sa réputation sur la qualité des soins offerts, les coûts abordables, des équipements médicaux à la pointe du progrès, une infrastructure médicale de qualité, des soins personnalisés et spécialisés etc.
Conscientes de l'importance de ce secteur de santé en pleine expansion, les autorités politiques sénégalaises doivent ouvrir grandement leurs frontières avec la Guinée pour mieux localiser et identifier les nombreux patients qui empruntent le corridor médical. Car, le fait de fermer les passages officiels pousse les malades guinéens désespérés à percer ces "palissades de Berlin" dès lors que nos frontières sont loin d’être des "murs de Berlin" pour se retrouver dans n’importe quel district sanitaire du Sénégal.
Or, nul n’ignore que les frontières sont aujourd’hui faites pour être contournées par les malades guinéens. Et surtout lorsque l’on souffre d’une maladie déclenchant un compte à rebours mortel comme Ébola !