LE TAUX DE MORTALITÉ DES DÉTENUS ÉTAIT DE 90% À 400% PLUS ÉLEVÉ QUE CELUI DE LA POPULATION GÉNÉRALE
Patrick Ball, statisticien américain, devant la barre
Les résultats des travaux de Patrick Ball sur le taux de mortalité dans les centres de détention au Tchad chargent Habré. Ce statisticien américain a révélé, vendredi, devant la Cour que le taux de mortalité dans les lieux de détention était beaucoup plus élevé que celui des détenus américains au Japon et des Allemands emprisonnés par les Russes pendant la Seconde guerre mondiale.
La Cour a recueilli hier les résultats de l’expert américain, Patrick Ball, sur la mortalité dans les centres de détention au Tchad durant la période 1982-1990. L’expert américain, qui a travaillé dans beaucoup de tribunaux internationaux notamment au Salvador, en Serbie, en Sierre Leone, a déclaré que le taux brut de mortalité était très élevé dans les centres de détention durant le règne de Habré.
Selon lui, le taux de mortalité était de 90% à 400 % plus élevé que celui de la population générale. Il compare la situation des prisons à Ndjamena à celle des centres de détention du Japon où étaient détenus des prisonniers de guerre américains. Et aussi des prisonniers allemands dans les geôles russes durant la Seconde guerre mondiale.
Pour lui, le taux de mortalité était supérieur au Tchad que dans les prisons japonaises et russes.
Pour le taux de mortalité journalier dans les centres de privation de liberté, toujours au Tchad, le statisticien l’a évalué à 0,6%. Mais cette moyenne n’était pas figée. Il y avait des pics. Par exemple, cite Patrick Ball, une certaine journée du 23 juin 1983 où sur 100 prisonniers, 2,3 étaient morts.
«C’était un taux exceptionnellement élevé», commente l’expert. Il n’a pas expliqué pour autant les causes de ces décès ni pourquoi il y avait ce jour-là autant de décès. «Ce n’était pas mon rôle. Je me suis contenté d’analyser ma base de données», a-t-il servi au Parquet.
En revanche, il est revenu sur le procédé utilisé pour arriver au taux de mortalité journalier : Il a divisé le nombre de détenus décédés par celui des prisonniers et multiplié le résultat par 100.
Patrick Ball a travaillé sur une base de données de 518 documents de la Dds, remis par les autorités judiciaires tchadiennes. Il a également analysé et exploité les déclarations des victimes sur la période 1985-1988. «Je n’ai pas pu travailler sur les 8 années (1982-1990), car j’ai trouvé les documents incomplets durant cette période», justifie-t-il devant la barre.
La défense a été loquace face à Patrick Ball. Elle s’est attardée sur la provenance des ressources de la structure de l’Américain. L’expert a déclaré que c’est l’organisation Open society qui le finance.
Me Mounir Balal de la défense voulait aussi savoir si l’expert avait travaillé pour l’Ong Human rights watch. Le témoin s’est contenté de répondre par l’affirmative avant de préciser que ce travail ne concernait pas ce dossier. L’audience reprend lundi prochain avec les auditions de Tobin Tanaka, Olivier Bercault et Bandjoum Bandoum.