LE TEMPS DES URGENCES
REDYNAMISATION DU SECTEUR
Les autorités sénégalaises se sont toujours comportées comme s’il suffisait d’injecter de l’argent dans la promotion pour que les difficultés du secteur du tourisme trouvent solution. Cette façon de faire a jusque là ignoré l’ampleur des problèmes que doit affronter un secteur dont le caractère vital pour l’économie se démontre par lui-même. Et ce qui, il y a quelques années ne nécessitait que de la volonté, demande aujourd’hui, à l’instar de l’érosion côtière ou de la désaffection de la destination, beaucoup d’argent pour renverser la tendance. Et au fil du temps qui s’écoule avant de passer aux actes, les urgences s’accentuent et deviennent mortelles.
A Saly Portudal, on a de plus en plus l’impression de se trouver dans un cimetière. Cette station balnéaire, qui est censée être le miroir du tourisme sénégalais, en ce qu’il peut offrir de meilleur, reflète mieux que tous les chiffres, le marasme qui frappe ce secteur. Ici, on ne compte plus le nombre de réceptifs qui ne fonctionnent plus, et des noms aussi prestigieux que le Domaine du Nianing, l’Espadon, ou le Marmara, sont en train de se faire ranger dans le rang de souvenirs historiques.
Et l’on sait que le tour operateur qui travaille avec le Palm Beach envisage sérieusement d’arrêter la desserte de Dakar, du fait d’un carnet des commandes fortement réduit. Nous savons tous que la fièvre Ebola a causé plus de dégâts psychologiques et économiques au Sénégal que sur la santé humaine au Sénégal.
Mais en fait, Ebola n’est venu qu’accélérer une tendance forte qui était déjà constatée bien avant, de dégradation du tourisme sénégalais. On sait que depuis des années, le nombre de touristes venant au Sénégal se réduit dramatiquement, au point qu’à peine plus de 10 visiteurs sur 100 ont envie de revenir après un premier séjour. En 2010, l’Organisation mondiale du tourisme (Omt) a indiqué que le taux de retour au Sénégal était de 14%.
La moyenne mondiale est de 46%. C’est dire que peu sont les touristes qui affichent leur satisfaction totale à l’issue de son séjour dans notre pays. Comment s’en étonner quand on voit comment nos différents dirigeants politiques ont traité le secteur ?
Abdou Diouf, en faisant de Tidiane Sylla un secrétaire d’Etat, avait à une période, estimé que le tourisme ne méritait même pas un ministère plein. Quelques années plus tard, Wade l’a suivi, en déclarant sans vergogne peu de temps après, qu’il lui a fallu du temps pour trouver un ministre qui lui démontre le bénéfice du tourisme dans le pays. Et lui qui se voulait l’homme le plus diplômé du Cap au Caire, parlait d’un secteur qui était le second pourvoyeur de devises au pays, après la pêche !
Facile alors de comprendre que ces autorités aient laissé mourir dans la décrépitude les zones touristiques du pays, de la Petite côte au Cap Skirring, en passant par les pittoresques réceptifs du Sénégal oriental, des Iles du Saloum, de Saint-Louis, et j’en passe des meilleurs. Maintenant, la situation est devenue si critique que nos dirigeants veulent se remuer, et se disent disposées à y mettre les moyens. Mais par où commencer ? Gare à reprendre les mêmes antiennes qui ont montré leurs limites et nous ont conduit à la situation actuelle !
Rendre le Sénégal «tourist friendly»
Il ne s’agit plus aujourd’hui de parler de fonds de promotion, avec les hypothétiques 4 milliards de francs Cfa promis par Macky Sall. Le gouvernement lui-même dans ses calculs, avait projeté qu’il faudrait environ 6 à 8 milliards de francs Cfa par an pour la promotion. C’est dire que ces 4 milliards non encore débloqués, ne sont encore que de la poudre aux yeux ! Il ne s’agit pas non plus de voir comment abolir les visas, ou de réduire les nombreuses taxes aéroportuaires qui rendent la destination peu compétitive. Il s’agit en fait, de changer notre mentalité et de rendre le Sénégal «tourist friendly», comme disait Mme Aminata Niane.
Qu’est-ce que cela signifie en vérité ? D’abord, préparer notre pays à accueillir les touristes et les mettre dans les conditions les meilleures. On devrait commencer par les sites d’accueil. Aujourd’hui, si on ne veut pas se voiler la face, on se rend vite compte que Saly Portudal n’a plus de site touristique que le nom, défiguré qu’il est par les mendiants, les rabatteurs, les prostituées, et bien sûr, des petites frappes venues au Sénégal on ne sait comment, à la recherche de gros coups et de sensations fortes.
L’Etat se donnera-t-il les moyens et la volonté d’assainir les lieux ?
S’il le faisait, alors, on pourrait demander rapidement aux opérateurs d’investir dans la rénovation et la mise à niveau de leurs réceptifs. Beaucoup de ces hôtels commencent à ressembler à des bouisbouis. Bien sûr, tout le monde n’a pas en ce moment la possibilité de retaper son hôtel, surtout si dans le même temps, il doit se préoccuper des dégâts de l’érosion marine qui risque d’emporter ledit réceptif.
D’où le besoin pour l’Etat, de s’investir, de manière concomitante, à la recherche de moyens pour arrêter l’érosion des côtes de Saly et du Cap Skirring, cela est faisable, et on l’a vu en d’autres lieux, et les finances ne manquent pas au niveau international. Mais l’Etat devrait, en plus, mettre en place un fonds pour financer les opérateurs hôteliers qui voudraient investir dans la rénovation de leurs réceptifs.
Cela se ferait sous des conditions strictes mais souples, de manière à permettre au plus grand nombre d’en bénéficier, avec la garantie de rembourser les prêts qui leurs seraient consentis. Ce n’est que par ce moyen que l’on pourra sortir de ce cercle du serpent qui se mord la queue.
L’Etat veut alimenter le Fonds de promotion du tourisme avec une taxe sur les nuitées, qui ne peut être collectée parce que les fameuses nuitées sont devenues chimériques du fait de la dégradation des réceptifs.
Une fois les sites assainis et les hôtels rénovés, la question de la promotion pourrait être entamée avec la volonté réelle de faire autre chose que du saupoudrage et de la propagande. Mais les mesures proposées ne peuvent plus attendre. Au-delà de créer et de préserver les emplois, le tourisme au Sénégal, est un élément efficace pour préserver la culture des terroirs, protéger l’environnement urbain et rural, et désenclaver le territoire.
Le Président Macky Sall était allé, en décembre 2013, lancer la saison touristique à Saly Portudal, pour montrer l’attachement de son pouvoir à un secteur dont l’importance pour l’économie n’est plus à démontrer.
On n’a pas compris que cette volonté n’ait pas été suivie d’actions. L’occasion lui est aujourd’hui donnée de se racheter, tant la situation est en train d’atteindre un point de non-retour. N’oublions pas non plus que le tourisme est un élément important de la réussite du Pse.