LE TEMPS D'INVESTIR EN AFRIQUE
Pendant deux jours, du 19 au 20 février, Casablanca aura été la capitale africaine des affaires. A l'initiative du groupe Attijariwafa Bank et de Maroc Export, s'est tenue la 3ème édition du Forum Afrique Développement qui a rassemblé plus de 1200 opérateurs économiques et institutionnels. Une véritable fête de l'entreprenariat et du secteur privé africain.
Casablanca (Envoyé spécial) - En cette matinée fraiche où la température était en dessous de 15°, les délégués venus d'Afrique subsaharienne avaient sorti la grosse artillerie. Des manteaux, écharpes et autres chapeaux pour faire face au froid hivernal. Pourtant, c'était plutôt un climat chaleureux de retrouvailles et de mises en relations entre invités de Attijariwafa Bank, dans ce grand hôtel Hyatt.
En effet, Attijariwafa Bank a fait les choses en grand en invitant large dans son réseau de filiales dans les pays d'Afrique sans compter le ban et l'arrière- banc des décideurs marocains. Il y avait foule durant les deux jours avec des acteurs, pleinement engagés à célébrer le partenariat Sud- Sud, le business intra-africain pour développer ce continent, décrit comme l'un des plus rentables réceptacles d'investissements lucratifs.
Dans son allocution d'ouverture, le ministre marocain du Commerce et de l'Industrie, Moulay Hafid Alalamy, a rappelé la vision stratégique du Roi Mohamed VI qui a enjoint les entreprises du royaume "à investir et à s'investir en Afrique".
Il a donné, lui- même, l'exemple avec une trentaine de visites en Afrique, complétées par une centaine de missions commerciales qui ont généré plus de 3 000 accords bilatéraux. Ce qui fait qu'aujourd'hui, le Maroc est le 2ème pays investisseur sur le continent, après l'Afrique du Sud, avec 80% de ses Investissements directs étrangers. Le Maroc est devenu le 1er investisseur dans les zones UEMOA et CEMAC. Dans le même temps, les flux commerciaux ont cru et ont atteint un pic de 4,3 milliards USD en 2013.
M. Alalamy a souhaité l'émergence d'un écosystème africain qui valorise la transformation, sur place, des matières premières et autres produits agricoles, l'amélioration de l'environnement des affaires, la promotion du secteur privé, l'accélération de l'intégration économique, le partage d'expériences vécues pour multiplier les succès.
Accélérer l'intégration des marché
D'ailleurs, la présidente du patronat marocain, Mme Meriem Bensalah (CGEM), trouve aberrant que la banane ivoirienne soit obligée d'aller jusqu'à Rungis, gros marché de l'agroalimentaire (France), avant d'atterrir dans les supermarchés de Casablanca. Prenant la balle au rebond, l'opérateur portuaire de Tanger Med offrira sa plateforme logistique comme interface de distribution de ces produits africains, sur le continent et vers le reste du monde.
Pour ce faire, il faut travailler sur une offre plus structurée, un vrai label "made in Africa", avec des produits et services, bien conçus, respectant les standards internationaux de qualité et de packaging, et disponibles dans tous les réseaux de distribution, avec un service marketing agressif.
Des pays comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Gabon, ont présenté, chacun, sa politique d'émergence, les atouts concurrentiels et compétitifs, les incitations fiscales, le système d'accompagnement pour l'investissement et la production. Un marketing institutionnel de choc où le Sénégal a gagné à l'applaudimètre après la présentation du Plan Sénégal Emergent (PSE) par Mountaga Sy, DG de l'APIX et qui a été jugée "très impressionnante" par Lionel Zinsou, le grand gourou franco-béninois de la promotion de l'Afrique dans le monde occidental.
D'ailleurs, M. Zinsou est revenu sur le défi démographique africain, soit un milliard actuel de personnes qui va être doublé en l'espace d'une génération. Une première mondiale qui va engendrer une multitude de besoins à satisfaire en matière de santé, d'éducation, d'infrastructures, d'aménagement territorial… Soit en même temps, autant d'opportunités d'investissements publics et privés.
Au cours du panel sur "la diversification des sources d'énergie et de sécurité énergétique", il a été fait état de besoins d'investissements et de mise à niveau d'infrastructures ; de réalités fortement différenciées entre les pays, de disparités entre milieux urbain et rural… Pourtant, avec ses atouts importants en matières fossiles, eau, solaire, etc., l'Afrique devrait jouer un rôle majeur pour développer les énergies renouvelables.
Aussi, les recommandations portent sur l'inscription des stratégies nationales dans un cadre global du marché international (offres, besoins, changements structurels…) en vue d'une réponse commune dans un marché global.
Quant au panel sur "la valorisation des ressources agricoles et la sécurité alimentaire", on a appris que 2/3 des 800 millions de personnes, qui souffrent de faim dans le monde, sont africains alors que le continent dispose de 800 millions de terres arables non exploitées. Qu'il faut alors doubler la production agricole mondiale afin de nourrir 10 milliards de personnes d'ici la fin du 21ème siècle. Que l'autosuffisance alimentaire en Afrique doit être centrale et stratégique pour tous les pays, vu sa dimension économique, sociale et sécuritaire. Qu'il faudrait s'inspirer de la Politique agricole commune, stratégie mise en place en Europe dans les années 50 et qui leur a permis d'atteindre l'autosuffisance alimentaire.
Au niveau panel sur "les enjeux, modes de partenariats et de financements des Infrastructures", le constat a été fait de régions enclavées, mal reliées entre elles, avec des équipements peu développés entrainant un manque à gagner en termes de productivité ; un déficit considérable
d'infrastructures dans les secteurs vitaux de l'énergie, des transports, de l'eau, de l'assainissement et des TIC. Pour renverser la tendance, il a été proposé d'accélérer la mise à niveau de la gouvernance, notamment celle des projets d'infrastructures qui peuvent, de ce fait, être des investissements profitables pour les investisseurs et leur assurer une viabilité et une soutenabilité à terme ; donner l'importance qui lui revient à l'étape de préparation des projets : moyens réglementaires et humains, modes de financement et appel à l'expertise internationale dans le domaine ; prévoir des cadres institutionnel et juridique propices au développement des partenariats public-privé, etc.
Au final, le président Mohamed Kettani (Attjariwafa Bank) peut bien jubiler d'avoir réussi son pari au vu de la vitalité et des engagements des opérateurs économiques. Près de 5 000 rendez-vous en B to B, en l'espace de 2 jours. Pour maintenir cet élan, accompagner la dynamique et pérenniser l'esprit du Forum, il a décidé d'annualiser le Forum qui est une véritable fête de l'entrepreneuriat et du secteur privé africain. Ensuite, un Club Afrique Développement sera mis en place pour assurer le suivi, les mises en relation, les missions commerciales de découvertes des potentialités et opportunités des différents pays…