Le ver est dans les réserves de Macky
Réformes Régime parlementaire, cumul chef d’Etat-chef de parti

Le camp présidentiel ne se sent pas rassuré par la sortie du président de la Cnri. Des jeunes aux aînés de l’Alliance pour la République (Apr), on ne rit plus. Certains pensent que le chef de l’Etat semble se perdre dans les missions qu’il a confiées à l’équipe de Mbow. Mais il y a autre chose : Macky Sall ne voudrait pas qu’on le mette devant le fait accompli.
Pourquoi tout ce tollé autour des «réformateurs» ? C’est qu’il y a eu dans la communication de la Cnri un ton quelque peu rigoureux qui augure des réformes en profondeur qui pourraient aller au-delà de ce que le Président Sall souhaite. Y compris les réserves sur certaines questions chères aux Assises nationales dont Mbow et Cie doivent s’inspirer, tout comme le Yoonu yokkuté.
Amadou Makhtar Mbow avait soutenu lors de la première sortie de la Cnri : «Ils (les pouvoirs exécutif et législatif) sont caractérisés par la prédominance d’un président de la République qui peut décider de tout, sans que sa responsabilité ne soit réellement engagée par les décisions qu’il prend ou les actes qu’il accomplit».
«Il (le Parlement) n’exerce pas toutes ses prérogatives dans le vote des lois et dans le contrôle efficient de l’action du gouvernement. Il se borne généralement à un soutien inconditionnel à celui-ci.» «Il (le pouvoir judiciaire) est trop instrumentalisé par (l’Exécutif). Il n’assume pas toujours ses missions dans l’impartialité, l’équité et l’indépendance.»
Un diagnostic jugé «sévère», le même d’ailleurs qui avait prévalu pour les Assises nationales, qui fait peur aux Apéristes. Les hommes du Président soupçonnent en effet, que «Docteur» Mbow veut proposer une forte dose de thérapie institutionnelle qui réduirait les pouvoirs du chef de l’Etat.
Mbow propose, Macky dispose
Le coordonnateur de la Convergence des jeunes républicains (Cojer), Abdou Mbow, avertissait lors de l’anniversaire du M23 : «Notre parti a été clair dès le début. Nous ne sommes pas d’accord pour un régime parlementaire mais non plus pour la démission du président de la République de la tête de son parti et nous serons intraitables sur cette question (…)
Nous demandons à la Commission du Pr Amadou Mahtar Mbow de ne pas oublier qu’en signant la charte des Assises, le président de la République avait fait des réserves notamment sur le régime parlementaire. (…) Aujourd’hui, le constat est que la Cnri est en train de faire des consultations citoyennes, nous ne voulons pas qu’elle dévoie son vrai rôle.»
Son aîné et ministre-conseiller auprès du Président, Mahmout Saleh, en tournée dans le Nord du pays, d’ajouter : «Elle (la Cnri) doit revenir à la raison et se limiter à sa mission. Mais ne pas essayer de revenir sur des débats clôturés il y a longtemps.»
Quelles sont ces missions que l’Apr fixe à la commission des réformes ? Le fait est que Amadou Makhtar Mbow a eu l’onction du président de la République qui l’a choisi pour ces réformes institutionnelles, mais aussi qui lui a demandé de «s’appuyer» sur le programme Yoonu yokkuté et de «s’inspirer fortement des conclusions des Assises nationales et, en particulier, de la Charte de gouvernance démocratique qu’il avait signée et qu’il s’était engagé à mettre en œuvre, s’il était élu».
Encore que, s’agissant des réserves présidentielles sur certaines questions, la Cnri ne peut aller au-delà de ce que lui demande le chef de l’Etat : proposer. Et pas plus. La commission propose, le Président dispose.
La hantise de Macky
Mbow en est d’autant plus conscient qu’il l’a déjà dit. «Nous n’avons aucune garantie (quant à l’application des propositions de la commission). Nous faisons un travail et nous le remettons à qui de droit. C’est la seule chose que je peux vous dire», avait-il précisé. Au-delà des récriminations des responsables de l’Apr, c’est le Président Sall qui ne veut pas subir les conséquences de la non-application d’éventuelles propositions, même «consolidantes», qui pourraient le mettre en mal avec l’opinion.
Si Mbow et sa commission incluent le régime parlementaire, le non-cumul des fonctions de chef de l’Etat et chef de parti dans leurs conclusions, il va sans dire que Macky Sall aura du mal à justifier leur non- application. Et le Président de la Cnri a semblé d’emblée dégager ses responsabilités en déclarant : «(…) En tout cas, le Peuple est là et il saura ce que nous avons fait et que nous l’avons remis à qui de droit pour en tirer les enseignements qu’il faut.»