"LES ÉLECTEURS NE S’IDENTIFIENT PAS À TANOR"
Youssouph Mbow, porte-parole des Jeunesses socialistes
Le porte-parole national des jeunesses socialistes, Youssouph Mbow livre sans ambiguïté ses points de vue sur le Parti socialiste, en direction du congrès du Ps. Selon lui, ce serait faire preuve de nostalgie du passé que d’exiger le maintien de Tanor à la tête du Parti socialiste. Le non moins Secrétaire général de l’Union régionale des jeunes socialistes de Matam range Tanor et tire sur Barthélémy Dias.
Il y a une sorte de peur dans les rangs de certains Socialistes en direction du congrès. Partagez-vous l’avis selon lequel sans Tanor, c’est le chaos au Ps ?
Je ne pense pas qu’on puisse parler de peur parce qu’en réalité, le congrès est un moment fort dans la vie d’une formation politique et le Parti socialiste a cette expérience. Ce n’est véritablement pas un problème pour nous puisqu’après un mandat de quatre ans, les militants se réunissent et décident de ceux qui doivent présider à leurs destinées à l’occasion d’un congrès. A ce niveau donc, tout le monde doit être tranquille. Maintenant, par rapport aux sorties des uns et des autres qui exigent le maintien de Tanor, je pense que le mot «exiger» même n’est pas démocratique.
En matière de démocratie, dès que vous dites «exiger» vous faites allusion à un forcing. Or ce dont il s’agit, c’est de faire vivre ce que nous avons appelé une «démocratie interne» et qui est réelle au Parti socialiste. C’est une formation politique où les décisions sont prises à la base par les comités, les sections, les coordinations, les secrétariats généraux des unions régionales, jusqu’au secrétaire général du parti. C’est vous dire qu’on ne peut pas ne pas respecter un certain principe de la démocratie. Ce que je veux dire à ceux qui font ces sorties dans la presse, c’est qu’ils ne rendent même pas service à Tanor, en réalité. Ils donnent l’impression à l’opinion que nous avons une formation politique où il y a plusieurs clans, des camps qui vont se dresser les uns contre les autres.
Ce qui est archi faux ! Ce n’est pas à un groupuscule de personnes, que je considère comme étant des lampistes qui ne rendent pas service à Tanor, d’imposer quelqu’un à la tête du parti. Notre génération ne l’acceptera pas et nous n’accepterons pas également une dictature verbale qui voudrait que c’est à travers les médias que se fera le congrès.
Pensez-vous que Tanor doit céder le fauteuil puisqu’il dit lui-même qu’il ne compte pas se représenter à une élection présidentielle ?
Vous savez, au lendemain du deuxième tour de l’élection présidentielle française, lorsque Nicolas Sarkozy faisait son discours d’adieu devant les militants de l’Ump, il y a une seule phrase qui a attiré mon attention et qui a fait que, quel que soit ce qu’on pouvait reprocher à cet homme-là, on pouvait au moins dire qu’il est sorti par la grande porte. C’est lorsqu’il dit : «Je suis le seul responsable de cette défaite.» Tanor a fait la même chose. Je pense que pour ce qui concerne les défaites du Parti socialiste en 2007 et en 2012, Tanor est le seul responsable. Personne d’autre n’est responsable.
C’est ce qui me permet de dire qu’il n’y a pas de corrélation qu’on pourrait établir entre la défaite de Tanor en 2007 et 2012 et la gestion du parti. Nous savons que l’animation interne du parti se fait. Tanor fait ses tournées dans les régions. En tant que secrétaire général de l’union régionale des jeunes socialistes de Matam, j’ai reçu Tanor dans ma localité à quatre reprises. Il a fait le tour du Sénégal. Ce n’est pas cela qui pose problème. La question qu’on est tentée de se poser, c’est : qu’est-ce qui fait que le score du Ps baisse ? A mon avis, il faut que, de manière froide, on analyse cela, indépendamment des responsabilités que l’on pourrait imputer aux uns et aux autres. Je dis de manière très simple : l’électorat sénégalais a rajeuni et ces jeunes électeurs ne s’identifient pas au discours politique et à l’offre politique de Ousmane Tanor Dieng.
C’est mon humble avis. La question c’est quelle offre politique alternative allons-nous proposer aux Sénégalais en 2017 ? C’est cela la véritable question ; toute autre tentative d’explication qui ne prendrait pas en compte ce paramètre d’offre politique ne serait que du charlatanisme politique.
Vous prônez alors un changement de profil à la tête du Ps ou encore une alternance générationnelle…
Je fais partie de ceux qui pensent que l’alternance générationnelle ne se décrète pas ; elle se construit. Il ne s’agit pas de dire : «Ôtez-vous de là !» L’alternance générationnelle commence par nous jeunes. Vous savez, le problème du Ps, ce sont les jeunes et c’est un jeune qui le dit. Lorsque Barthélémy Dias essaie d’identifier dans le parti qui respire Tanoriste, qui a un regard Tanoriste ou qui a une démarche Tanoriste, je dis qu’il est en train de détruire le parti.
Cet homme a réussi à démobiliser tous les jeunes socialistes et à créer des clans dans le parti. Ce, à telle enseigne qu’aujourd’hui on a des pro-Tanor, des pro-Aïssata, des pro-Khalifa. Il a profité de son statut de secrétaire général des jeunesses socialistes pour faire du zèle écervelé. Parce qu’un zèle peut être positif mais celui de Barthélémy est négatif parce qu’il a carrément déstructuré le mouvement national des jeunes. Et c’est un mensonge que de dire que Tanor a eu 11% aux élections parce que lui (Barthélémy) était en prison.
Même s’il était en liberté, il allait avoir ce même score. Le malheur du Ps, ce ne sont pas les responsables adultes parce que Tanor, Aïssata Tall Sall, Khalifa Sall et Aminata Mbengue Ndiaye n’ont pas de problème. Ce qui est dommage, c’est que ce sont les jeunes qui créent des clans et empêchent les responsables de trouver des solutions pouvant permettre au Ps d’être attractif.
Qui présente le bon profil pour éventuellement succéder à Tanor si le congrès en décide bien sûr ?
Le Ps regorge de cadres. Je n’ai pas peur de dire que Khalifa Sall a un bon profil, tout comme Aïssata Tall Sall et Aminata Mbengue Ndiaye. Je pense qu’autour de ces trois l’avenir du Ps peut se construire. Quelqu’un comme Aminata Mbengue Ndiaye a une légitimité avérée au sein du parti dont elle dirige le mouvement national des femmes depuis une dizaine d’année. Aïssata Tall Sall a un profil qui intéresse les Sénégalais, et énormément d’apolitiques. Khalifa Sall a fini de convaincre les Sénégalais à travers les actes qu’il pose et les activités de la mairie de Dakar qu’il dirige.
C’est un homme d’Etat accompli. Et par-dessus tout cela, il a une légitimité politique que personne ne peut contester. C’est pourquoi lorsque des gens essaient de nous dire que Tanor est indispensable- je ne vais jamais vouer aux gémonies le secrétaire général du parti car j’ai énormément de respect pour lui- je leur rétorque qu’il n’y a pas de dogmatisme en politique.
Certains ont envisagé que Tanor reste secrétaire général et que quelqu’un d’autre se présente à l’élection. Qu’en pensez-vous ?
L’idée la plus saugrenue qui a été soulevée ces derniers temps, c’est la création d’une direction collégiale. Elle n’a pas de sens. Elle est absurde, aberrante et inique ! Ceux qui l’ont soulevée ne pensent qu’à leur propre personne. Or, le Parti socialiste ne fonctionnera pas en fonction des petites ambitions de dimanche des uns et des autres. La seule touche qu’il faudrait apporter, à mon avis, c’est de créer une présidence d’honneur. On peut prendre quelqu’un qui, de par son parcours, sa sagesse, son charisme, a marqué l’histoire du parti. On peut prendre un ancien responsable comme le Président Abdou Diouf par exemple. Il faut laisser la configuration du directoire telle quelle.
Vous rejoignez Malick Noël Seck dans ce cas ?
Je ne fais pas dans l’invective ni dans l’insulte. Je donne ma position et je l’exprime en bureau politique et dans les médias parce que des jeunes multiplient des sorties pour exiger que Tanor reste. Je leur dis que ce n’est pas à eux d’exiger quoi que ce soit. Contrairement à Malick Noël Seck, je pense que Tanor a beaucoup de mérite ne serait-ce-que pour avoir permis au Ps de rester intact après le départ de Abdou Diouf et de garder le flambeau de la résistance. Mais, est-ce qu’on doit éternellement continuer à lui être reconnaissant quitte à annihiler tous les efforts ?
Je pense que non ! Le Ps, en tant que structure politique telle que Senghor l’avait créé et laissé à Abdou Diouf, ne reviendra plus jamais au pouvoir. Il faut qu’on arrête d’être nostalgique et de rêver. Le Peuple sénégalais a atteint un certain niveau de maturité. Je pense qu’un Socialiste peut amener le parti au pouvoir en fédérant et en polarisant autour de sa personne des formations politiques qui ne sont pas socialistes mais aussi des forces vives de la Nation qui se retrouvent dans l’offre politique. Le Ps gagnerait à faire la promotion de ses fils et non à être le monstre qui mange ses fils.
Lorsque je vois le sort que des jeunes écervelés veulent réserver à Aïssata Tall Sall et Khalifa Sall en les jetant en pâture, je pense que c’est enterrer le meilleur que nous avons et que tous les autres nous envient. Quelle est la formation politique qui ne souhaiterait pas avoir Aïssata Tall Sall ou Khalifa Sall ? Pourquoi nous avons la chance de les avoir et voudrons les vouer aux gémonies ? Il faut être méchant et mesquin pour les discréditer en disant qu’ils n’ont pas mouillé le maillot en 2012.
Il se dit que Barthélémy Dias veut se présenter à nouveau à la tête du secrétariat national des jeunesses socialistes alors qu’il aurait dépassé la limite d’âge. Vous approuvez ?
Il a atteint la limite d’âge depuis 2009. En 2007, il avait 33 ans et en 2009, 35 ans qui est la limite. Ce qui est dommage dans cette histoire d’âge au sein des jeunesses socialistes, ce sont les manœuvres de bas étages que les gens sont en train de faire. Ils veulent fixer la limite d’âge à 30 ans, histoire d’empêcher tous ceux qui ont 33 ans comme moi par exemple, de diriger les jeunesses socialistes. Je ne veux pas me présenter pour le poste de secrétariat national des jeunesses socialistes. Je le dis en toute modestie : Barthélémy Dias n’a pas plus fait que moi dans la remobilisation des jeunesses socialistes et dans la communication de cette même structure.
Nous nous sommes tous sacrifiés pour que le Ps ait une jeunesse battante, combattante mais surtout avant-gardiste. Aujourd’hui, pour des positionnements claniques, ils ont ramené l’âge à 30 ans pour préparer des jeunes sortis du néant et que j’appelle des «bambins». Lorsque quelqu’un n’a pas 30 ans et prétend pouvoir diriger une structure politique, c’est un bambin qui n’a aucune expérience pouvant lui permettre de cerner les réalités politiques. J’ai décidé d’aller à Matam pour me battre chez les adultes. Quel que soit le résultat, je pourrais au moins me glorifier de m’être battu là où je devais le faire. Mais dans ce débat encore une fois, il y a la main de Barthélémy derrière.
Comme lui se prend pour Dieu le Père, il pense qu’il doit régenter les jeunesses socialistes. Il pense qu’il est l’incarnation même du socialisme démocratique. Je lance un appel à tous les jeunes socialistes qu’on n’accepte pas cette injustice. On essaie de promouvoir des Tanoriste. Moi je refuse de m’identifier en «iste». Je ne suis pas un Tanoriste, je ne l’ai jamais été et je ne le serai jamais. D’aucuns me reprochent d’être proche de Khalifa Sall. J’assume ma proximité avec lui mais cela ne veut pas dire que je suis un «Khalifa Boy».