LES AMIS ARABES DE LA FAMILLE WADE
Le périple de l’ancien chef de l’Etat du Sénégal, Abdoulaye Wade, dans des pays arabes, avait été annoncé à plusieurs reprises et démenti par les faits. Mais la semaine dernière, Abdoulaye Wade a pu se rendre en Arabie Saoudite pour visiter des «amis» du Golfe. Il devrait peut-être poursuivre sa tournée jusqu’à Koweït City, Dubaï, Doha ou Abu Dhabi. Ce voyage n’a pu se faire qu’après de multiples tractations diplomatiques. En effet, si Abdoulaye Wade a pu se rendre dans les pays du Golfe arabo-persique, c’est parce que le président en exercice du Sénégal, Macky Sall, l’a bien voulu. La demande de visite du Président Wade avait beaucoup embarrassé ses hôtes, qui craignaient de gêner les relations d’Etat à Etat entre le Sénégal et ces pays. Ils avaient peur que le président en exercice du Sénégal ne voit pas d’un bon œil un tel déplacement.
Il aura alors fallu que Macky Sall donne son feu vert pour mettre à l’aise «les amis arabes de Me Wade». Il s’y ajoute que les autorités des pays hôtes ont souhaité une grande discrétion pour le séjour de Abdoulaye Wade au point d’éviter d’accorder à l’ancien Président du Sénégal des audiences au plus haut niveau. La visite du Président Abdoulaye Wade ne manque pas de se présenter comme une opération de «Fund raising», et aucune autorité du monde arabe ne semble vouloir voir son nom attaché à des libéralités faites à Abdoulaye Wade et qui auraient pu servir à gêner les actuelles autorités sénégalaises. L’affaire des chèques et autres documents bancaires appartenant à Abdoulaye Wade et dont l’ancien député Alioune Aïdara Sylla avait été porteur lors de son arrestation à l’aéroport de Dakar reste encore dans les mémoires. Les montants annoncés dans ces moyens de paiement avaient été présentés par le Président Wade lui-même et par ses défenseurs, comme des dons venant d’amis arabes, notamment du roi d’Arabie Saoudite. L’adage dit que «chat échaudé craint l’eau froide» ou que «qui a fait naufrage, craint la mer, même calme». Alors, s’imagine-t-on bien qu’aucun pays ne souhaiterait se voir mêler à des affaires du genre. L’affaire Alioune Aïdara Sylla avait été aussi présentée comme une opération de blanchiment d’argent et surtout d’une opération en vue de financer des actions de déstabilisation du Président Macky Sall.
La rengaine de dons d’amis arabes a toujours été servie par Abdoulaye Wade pour justifier les importantes sommes d’argent qu’il manipulait, même du temps où il était au pouvoir. Dans un texte fort sarcastique en 2008, le journaliste Souleymane Jules Diop l’affabulait du sobriquet «Wade, roi d’Arabie». Aujourd’hui, les proches du Président Wade embouchent la même trompette pour justifier l’origine des importantes sommes d’argent qui leur sont prêtées. Karim Wade par exemple, par la voix de ses avocats, notamment Me El hadji Amadou Sall dans Le Quotidien du 20 septembre 2013, justifie les sommes trouvées par les enquêteurs de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, dans son compte bancaire à Monaco, comme étant le fruit de dons que lui avaient consentis des amis arabes. Me Sall s’est fait plus précis en affirmant que «ce compte affiche un solde de 2 482 137,17 dollars américains. Il a été alimenté par un don provenant du Palais royal d’un Etat du Golfe». Le fameux compte bancaire avait été ouvert en juillet 2003, du temps où Karim Wade exerçait des fonctions publiques comme Conseiller spécial de son père Abdoulaye Wade. On peut alors se demander à quel titre de telles sommes lui avaient été données. Et aussi par quels amis arabes ? La réponse à une telle question semble essentielle, car Karim Wade est poursuivi en même temps que certaines personnes, dont des Sénégalais d’ethnie arabe comme les Bourgi ou l’homme d’affaires Abbas Jaber. Quid des Marocains de Bmce ou Blackpearl ou de Bin Laden group ou de Kharafi ou de Dp world ? Le fils de Abdoulaye Wade avait eu à gérer des secteurs stratégiques de l’économie nationale, avec des relations d’affaires avec des entreprises provenant de pays arabes et spécialisées dans des domaines divers comme la téléphonie, la finance, l’hôtellerie, l’exploitation aéronautique ou aéroportuaire, les constructions de routes ou d’aéroports. C’est dire que des libéralités faites à Karim Wade par des «amis arabes» apparaîtraient comme bien plus que suspectes. On ne pourrait pas oublier que Karim Wade a eu aussi à diriger l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci), depuis juin 2004 ; comme il avait été ministre d’Etat en charge de la Coopération internationale, de l’Energie et des Infrastructures. Ces différentes fonctions publiques l’avaient mis en contact avec des autorités publiques de pays arabes. Ainsi, pourrait-on se demander si d’éventuels dons faits à Karim Wade ne devaient pas revenir plutôt au Sénégal. Quelle polémique n’y avait-il pas quand un certain Papa Malick Ndiaye avait accusé le directeur exécutif de l’Anoci, Abdoulaye Baldé, d’avoir reçu des pots-de-vin donnés par des entreprises arabes ? La polémique suscitée par cette affaire dite du «corbeau» était si forte que Karim Wade, dans une interview accordée à la Radio futurs médias en mars 2009, affirmait n’avoir jamais reçu de l’argent d’un pays arabe. Aujourd’hui, son avocat explique l’argent trouvé dans un compte de Karim Wade comme provenant d’un don arabe. Qui croire alors ? Le Karim Wade de 2009 ou son avocat de 2013 ou le Karim Wade de 2005, quand il affirmait voyager à bord d’un jet privé que lui prêtaient des amis arabes ?