LES AUTRES ET NOUS
Les éclatants succès enregistrés dans d’autres pays ne pourraient-ils pas être réalisés au Sénégal ? Bien sûr que si. Il faudra cependant de la discipline et un sens de l’intérêt général
J’ai eu l’occasion de visiter deux pays le mois dernier, qui m’ont stupéfié. Ce sont la Malaisie et Dubaï. Ces pays, fort différents, ont réussi à changer complètement de visage et ceci en un temps record. Il a fallu à Mahatir Ibn Mohamad, un monument encore vivant, médecin de profession, d’oser mettre en œuvre une politique économique faite d’ouverture et de mobilisation des ressources nationales pour hisser la Malaisie parmi les nouveaux «dragons» de l’Asie.
La tâche n’était sans doute pas simple, mais on peut aussi dire qu’elle n’était pas non plus difficile. L’audace, la rigueur, la discipline et le sens de l’initiative, pour ne pas dire de l’innovation, ont permis, entre 1981 et 2003, de drainer des investissements nécessaires non seulement à la réalisation d’infrastructures de base indispensables à toute économie, mais aussi et surtout d’ouvrir un marché qui a permis de générer des richesses et doper ainsi l’économie avec des taux de croissance parmi les plus élevés au monde.
Les recettes de l’ancien Premier ministre Mahatir continuent d’inspirer et sont sublimées partout et tout visiteur de la Malaisie tombe sous l’admiration de la nouvelle Kuala Lumpur ou de la ville nouvelle de Putrajaya. Il y a des leçons à apprendre de ce côté de l’Asie du Sud-est. Tout autant, on peut apprendre de Dubaï et même de tous les pays des Emirats arabes unis.
La manne pétrolière pourrait sans doute expliquer l’abondance des investissements publics, mais ne suffit pas pour expliquer cette transformation du pays. D’autres pays ont autant, sinon plus de pétrole que Dubaï et pourtant...
Il faut dire que le génie de Mohamad Ben Rachid Al Maktoum, en moins d’une génération, a su faire de Dubaï le symbole de la ville moderne, de la ville commerçante, de la ville de loisirs et une véritable attraction touristique.
Cela relève d’un coup de génie. Prince héritier de 1995 à 2006, ayant la haute main sur la marche de l’Emirat de Dubaï, Mohamad Ben Rachid Al Maktoum a pris la succession de son père au décès de ce dernier en 2006. Ainsi, en une vingtaine d’années, il a transformé ce pays qui était un désert aride où de rachitiques chameaux tiraient des tractions d’un autre âge. Dubaï est devenu moderne à tous points de vue, et tous les investisseurs dans tous les domaines d’activités économiques, rêvent de s’installer sur la plateforme de Dubaï.
On prête à l’ancien Président de la Chine, Mao Tse Toung, la formule selon laquelle «en vingt ans, même les montagnes bougent». C’est dire qu’en l’espace d’une génération, un pays peut être construit, bâti, fait. L’histoire de l’évolution des sociétés humaines renseigne sur cette possibilité.
La Corée du Sud par exemple, est passée d’une production en électricité de 500 Mégawatts à 50 mille Mégawatts en l’espace de dix ans. N’est-ce pas que cela ouvre toutes les possibilités ?
En Afrique, de petits poucets comme le Botswana et le Cap-Vert y arrivent grâce à une bonne politique de bonne gouvernance et une politique dans laquelle les idéaux démocratiques ne sont pas absents..
Ces différentes expériences donnent du sens à un projet qui, peut-être, est controversé par sa formulation ou dont les probabilités de réussite peuvent paraître faibles à d’autres, mais le Plan Sénégal Emergent (Pse) apparaît comme une belle opportunité. Il a le mérite d’exister et constitue une base qui permettra de mesurer une politique publique. Le Pse fixe des objectifs sur un horizon temporel jusqu’en 2035, qui transcende donc la mandature du Président Macky Sall.
Le successeur de l’actuel chef de l’Etat du Sénégal aura à poursuivre des réalisations engagées comme il fait présentement de projets entamés par son prédécesseur le Président Abdoulaye Wade. Il faut dire que le Pse ne constitue pas seule la panacée. Il ne suffit assurément pas, il faudra encore et encore des initiatives avec des réussites et des échecs.
Seulement, il faut oser. C’est la transmission du témoin d’une main ferme et généreuse qui permettra au relayeur, de poursuivre sa foulée vers la victoire qui ne sera pas sa victoire exclusive mais celle de la somme d’efforts consentis par différentes personnes aussi motivées et déterminées et tendues inexorablement vers un même objectif. La ville nouvelle de Diamniadio est une initiative du Président Sall, mais les perspectives qu’elle offre au Sénégal imposent à tous les acteurs politiques, de s’approprier le projet.
Personne n’avait eu à contester les choix en matière d’infrastructures du Président Wade, comme l’autoroute à péage ou l’aéroport de Diass. Les performances de bonne gestion et de réalisation à la tête d’un pays doivent servir d’émulation pour le successeur. Si Abdoulaye Wade avait été critiqué et pourfendu à juste raison, c’était uniquement du fait de ses méthodes d'opérationnalisation opaques, qui manquaient de transparence et qui faisaient le lit d’une gouvernance prédatrice.
Il n’en demeure pas moins que le visage du Sénégal a assurément changé durant ses douze années de règne de 2000 à 2012. Bien plus qu’il ne l’avait été pendant plusieurs décennies. On l’a déjà écrit plus d’une fois dans ces colonnes, avant 2000, le gouverneur colonial Pinet Laprade ne se serait pas perdu dans Dakar s’il s’était levé de sa tombe.
Le port, l’aéroport, les principales routes, les hôpitaux, l’université, les grands lycées et collèges, les immeubles administratifs avaient tous été hérités de la colonisation. «A part le Pont Sénégal 92 !», nous faisait relever avec malice un confrère. Mais on peut lui rétorquer que cette exception vient de disparaître du paysage urbain de Dakar car l’un des premiers gestes du Président Macky Sall a été de faire tomber cette infrastructure qui n’a pas pu supporter le poids de plus de trente ans d’âge. Tout un symbole...
Les éclatants succès enregistrés dans d’autres pays ne pourraient-ils pas être réalisés au Sénégal ? Bien sûr que si. Il faudra cependant de la discipline et un sens de l’intérêt général. Nous tous, quand il nous arrive de nous déplacer à l’étranger, nous nous conformons strictement aux interdits et aux recommandations édictées par les autorités des pays hôtes dans les actes de la vie quotidienne.
Mais une fois que nous revenons au Sénégal, nous reprenons nos mauvaises habitudes de ne plus faire le rang en ordre devant les services publics, de jeter nos déchets dans la rue et je ne sais quoi encore.
A Dubaï, un guide touristique faisait remarquer à son groupe que le simple fait de jeter dans la rue un petit gobelet jetable de café coûterait une amende de 500 Dirhams soit l’équivalent de 75 000 francs Cfa.