LES CONDITIONS POUR UNE AUTOSUFFISANCE EN RIZ EN 2017
LES ACTEURS FIXENT LES PRÉALABLES
Le président de la République, Macky Sall, a exprimé, avant-hier, dans le cadre de sa tournée économique dans la vallée du fleuve Sénégal, sa volonté d’atteindre une autosuffisance en riz en 2017. Une ambition techniquement réalisable, mais qui nécessite des préalables, selon les acteurs du Cadre national de concertation des ruraux (Cncr). Du côté des économistes, l’un d’entre eux, Moubarack Lo, reste sceptique, contrairement au chef de l’Etat. Macky Sall se veut rassurant et affiche sa certitude que le pari est tenable si tout le monde met la main à la pâte. La tâche s’annonce rude, car le Sénégal importe quelque 800 000 tonnes de riz par an, principalement des pays d’Asie du Sud-Est. La production locale n’étant que de l’ordre 250 000 tonnes, dont 75% proviennent de la Vallée du fleuve Sénégal pour une demande de près d’1 million de tonnes. Toujours est-il que pour y voir plus clair, nous avons donné la parole aux acteurs.
MOUSSA NDIAYE, COORDONNATEUR DE L’UNION REGIONALE DES COOPERATIVES AGRICOLES DE SAINT-LOUIS - «L’AUTOSUFFISANCE EN RIZ EN 2017, TECHNIQUEMENT C’EST POSSIBLE, MAIS IL Y A DES PREALABLES»
«J’ai fait plus de 25 ans dans la région de Saint-Louis et j’ai suivi beaucoup de programmes et je sais qu’effectivement, l’autosuffisance en riz est possible», renseigne d’emblée Moussa Ndiaye. L’ancien Secrétaire général de la Chambre de commerce et d’agriculture de Saint-Louis, actuel coordonnateur de l’Union régionale des coopératives agricoles de Saint-Louis et membre du Cadre national de concertation des ruraux (Cncr) affirme, à propos de l’ambition du chef de l’Etat de rendre le Sénégal autosuffisant en riz dès 2017, que «techniquement, c’est possible. Parce que, nous avons des ressources humaines de qualité, des gens qui ont une expérience avérée en la matière, nous avons également au niveau de l’encadrement des experts en la matière. A Saint-Louis, nous avons l’Isra (Institut sénégalais de recherche agricole) qui a fait beaucoup de recherches, beaucoup d’analyses dans le domaine de la production, de la transformation et de la commercialisation dans la filière riz».
Il insiste donc que «techniquement c’est possible ». «Car, ajoute Moussa Ndiaye, du point de vue également du capital foncier, la région du Fleuve, qui constitue la zone d’espérance numéro 1 en matière de crédit agricole, a un potentiel de 180 000 hectares irrigables, avec une maîtrise de l’eau avec le système du barrage de Diama, mais également avec des terres très étendues et fertiles. Le climat est également favorable. Aussi, les producteurs ont un système de production de riz qui leur permette de cultiver en contre saison».
«Maintenant, dit-il, «ce qui reste, peut-être que c’est que si la volonté politique s’affirme et qu’au niveau des producteurs également on prend de plus en plus confiance, nous pouvons y arriver dans un délai très court d’ailleurs».
«Parallélisme entre l’exploitation familiale et l’agrobusiness»
Toutefois, ce responsable du Cadre national de concertation des ruraux (Cncr) dans le nord du Sénégal, souligne qu’il y a des préalables pour l’Etat du Sénégal arrive à réaliser cette ambition d’autosuffisance en riz. Et ces préalables, c’est d’abord l’augmentation des superficies aménagées. «Il faut des aménagements structurants, des aménagements de qualité qui comportent toutes les composantes nécessaires pour les rendre rentables », explique Moussa Ndiaye.
Pour le coordonnateur de l’Union régionale des coopératives agricoles de Saint-Louis, «il faut également, au niveau de la gestion foncière, particulièrement au niveau de la vallée, que la terre revienne à ceux qui la travaillent. Parce que je sais qu’il y a quelques blocages au niveau de la gestion foncière dans la région de Saint-Louis et celle de Matam, dus à des règles de tenue foncière traditionnelle qui font que les détenteurs ne veulent pas lâcher leurs terres au profil de ceux qui les exploitent».
Donc, ajoute-t-il, «il faut une ouverture, une modernisation de l’agriculture qui ne met pas en cause les systèmes d’exploitations familiales. Et il faut qu’on accepte qu’il y ait un parallélisme entre ces deux formes de cultures que sont l’exploitation familiale et l’agrobusiness ».
Cet agriculteur très actif dans le riz pense que cette mesure n’est pas juste un effet d’annonce. «Je ne pense pas que cela soit juste des effets d’annonces dans la mesure où depuis plus de 5 ans, il y a des programmes qui sont en train de se développer au niveau de la vallée et d’autres programmes qui encouragent les aménagements, qui encouragent les affectations des terres et qui encouragent également les financements.
Aussi, beaucoup de structures de financements sont installés à Saint-Louis depuis des dizaines d’années. Nous avons beaucoup de mutuelles d’épargnes et de crédits qui sont installées à l’intérieur de la région. Il suffit de coordonner l’action de tous ces intervenants et la rendre plus efficiente. Il faut surtout apporter un plus par rapport au financement et à la coordination pour que l’objectif puisse être atteint dans les meilleurs délais», confie-t-il.