Les conseils de Karim Wade démontent les arguments du Procureur spécial et de son substitut
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C’est une véritable bataille d’opinion à laquelle le parquet spécial de la Crei et les conseils de l’ancien ministre de la Coopération internationale, des Infrastructures, des Transports aériens, de l’Energie, se livrent actuellement. Mes Demba Ciré Bathily, Seydou Diagne, Amadou Sall et Ciré Clédor Ly, conseils de Karim Wade, ont fait face à la presse, hier, pour démonter les arguments brandis par Alioune Ndao et Antoine Félix Abdoulaye Diome, son substitut, qui ont définitivement scellé le sort du tout puissant ministre de «la terre et du ciel».
Mémoire de défense de Karim Wade
D’emblée, Me Ciré Clédor Ly a révélé que des manœuvres étaient en train d’être orchestrées pour empêcher la tenue de la conférence de presse, annonçant que leur client était dans le bureau d’Alioune Ndao. Ce qui n’a empêché à l’avocat de dire : «le Procureur spécial a donné des versions fausses et tronquées de la réalité». A l’en croire «l’Etat, pour parvenir à ses fins, utilise tous les moyens, y compris la calomnie, le mensonge, la désinformation». Ce qui lui fait dire que si «l’Etat communique autant c'est parce qu’il sait que le dossier ne tient pas la route».
Sur le mémoire de défense qu’ils ont remis au Parquet de la Crei, les avocats de Karim Wade expliquent : «Les 42 pages, il s’agissait simplement d'un résumé de toutes les violations qui ont été commises dans le cadre de l’enquête. En marge de ces mémoires de 42 pages, nous avons rassemblé l’ensemble des éléments de preuves sur le patrimoine de Karim Wade, les justificatifs de la licéité de cette acquisition».
Mieux, ils ont ajouté : «Le Procureur spécial n’a rien compris. Le document de 42 pages était adressé à tout organe qui pourrait hériter du dossier avec les pièces justificatives».
Poursuivant son argumentaire, Me Ly soutient qu’Alioune Ndao obéit aux ordres du ministre de la Justice. Par conséquent, son unique objectif est d’arrêter Karim Wade, mais pas l’éclatement de la vérité sur la fortune de son client.
«On nous a demandé de justifier un patrimoine qui ne nous appartenait pas. Nous avons réussi à avoir la collaboration même d’Etats. Des Etats sont même intervenus et nous ont fait comprendre que non seulement que l’Etat du Sénégal est interpellé, mais a reçu les pièces justificatives nécessaires, mais encore sur notre demande, ils nous ont fait parvenir des copies de ces justificatifs. C’est tout cela qui constitue les 3000 pages qu’on a expliquées aujourd’hui dans cette salle que le Procureur a voulu banaliser. Parce qu’il n’est pas intéressé par la règle de droit. Et dès le départ, les autorités ont dit que Karim Wade était un voleur et qu’il n’échapperait pas à la prison», a-t-il indiqué avant de souligner : «Le dernier acte qu’ils ont accompli, qui est de garder Karim Wade, alors qu’en droit, ils ne peuvent pas le faire, rien que pour l’humilier, alors que ce n’est même pas un acte nécessaire».
Et pour prouver l’origine licite des avoirs de Karim Wade, la défense indique qu’ils ont envoyé des correspondances à tous les dirigeants des sociétées visés par le Procureur spécial dans le cadre des biens mal acquis. Ces dernières, diront-ils, auraient communiqué aux autorités étatiques des preuves démontrant le contraire. D’autres, soutient-il, ont répondu par correspondances 10 minutes avant le dépôt du mémoire de défense des mains d’Alioune Ndao. D’après Me Ly, l’Etat pouvait savoir les noms des actionnaires des sociétés visées en recherchant dans le net.
Sur le privilège de juridiction
La défense s’est, également, prononcée sur le privilège de juridiction refusé à Wade-fils par le Parquet de la Crei, avant-hier.
Pour Seydou Diagne, son client n’est justiciable que devant la Haute Cour de justice conformément à l’article 101 de la Constitution. «Depuis un an, les droits de certains citoyens sont bafoués urbi et orbi à la face du monde, articulés avec des mensonges d’Etat. Le privilège de juridiction de Karim Wade n’est pas dans une loi ordinaire, c’est dans l’article 101 de la Constitution (…) S’il n’est plus ministre d’Etat, au moment où on l’arrête, mais il n’entre pas dans l’énumération de la loi du 81-53 du 10 juillet 1981», a-t-il fait savoir.
A l’en croire, Karim et Cie ont été placés en garde-à-vue pour permettre au Procureur spécial de finir son réquisitoire. Mais, l’avocat rassure que toute la procédure sera annulée devant le juge d’instruction. D’ailleurs, Me Diagne ne comprend pas pourquoi Cheikh Diallo, Bibo Bourgi, Pierre Agboda, Pape Mamadou Pouye, Alioune Samba Diassé, Mbaye Ndiaye, qui ont refusé de charger Karim Wade, ont été placés en garde-à-vue. Alors que, d’autres, les notaires, qui ont mouillé Karim, sont en liberté. Ce qui lui fait dire que Alioune Ndao a fait exprès avec les officiers de Police judiciaire d’affecter à Karim Wade le montant de 700 milliards de Cfa.
Pourquoi avoir saisi la Cedeao
Me Ciré Clédor Ly est revenu sur les raisons qui les ont poussés à saisir la Haute cour de justice de la Cedeao pour faire annuler l’interdiction du territoire national. C’est parce que, a-t-il expliqué, «Karim Wade ne disposait d’aucuns moyens lui permettant de saisir une juridiction interne» et la correspondance adressée aux dignitaires de l’ancien régime n’est pas un acte administratif. Par conséquent, non susceptible de recours devant les juridictions nationales.
Et ladite cour a sanctionné l’Etat parce que, soutient Me Ly, la présomption d’innocence et la de base légale étaient violées. Sur la garde-à-vue de Karim Wade et Cie, l’avocat révèle qu’Alioune Ndao a refusé de mettre à leur disposition l’intégralité de certaines pièces jusqu’à la fin de la mise en demeure. «La décision était prise, déjà à 10 heures, pour faire amener Karim Wade, si à 11 heures 58 minutes, il n’est pas là», a-t-il révélé.